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Plaidoyer pour un consensus national

par Ziad Salah

Mouloud Hamrouche ne participera pas aux consultations portant sur la Constitution. Sa réponse attendue depuis quelques jours est tombée suite à une question d'une consœur. Il considère que la nouvelle Constitution en discussion constitue un recul par rapport à celle de 1989 à laquelle il a pris part dans son élaboration.

La rencontre avec Mouloud Hamrouche, organisée à l'hôtel Liberté par Le Quotidien d'Oran, a été un franc succès. Pour preuve, l'assistance, estimée à plus de cent personnes, est sortie, au bout de quatre heures de débats, un peu frustrée. Tout le monde voulait émettre son point de vue ou poser une question à l'invité, attendu au moins sur deux questions de l'heure. Avec la diplomatie qui lui est connue, l'ex-chef de gouvernement devait consacrer son intervention «à l'émergence de l'Etat moderne». Il commencera par des sortes de mise au point «mon propos ne concerne pas une personne précise ou un gouvernement donné». Pour lui, la question est récurrente depuis la naissance du mouvement national et du projet de libération nationale. S'ensuit une introduction, longue, sur l'Etat moderne en Occident. Il faut dire que certaines de ses assertions méritent davantage de clarification. On retiendra de ses propos, son affirmation puisée dans toutes les théories de Sciences Politiques que «L'Etat moderne fonctionne avec des contre-pouvoirs» et que l'émergence et la consolidation «des contre-pouvoirs permet à l'Etat de se prémunir contre des dévoiements».

Concernant l'Algérie, il soulignera que «la société a toujours refusé de se soumettre à un ordre qui n'est pas le sien». Il évoquera les retards et les échecs qui ont «empêché» l'émergence d'un Etat moderne. Estimant que «la gouvernance fondée sur la coercition» est une des raisons principales de ces échecs. Et de tonner que «L'Algérie est mal préparée pour affronter l'avenir». Il citera des exemples frappants motivant son appréhension ou sa peur plus exactement. Il parlera «de la négation de la citoyenneté» , «la faiblesse de la souveraineté nationale», de «rupture de liens entre société et gouvernement» et enfin «de la perte de confiance». Il invitera à l'entreprise «de repenser l'édification de l'Etat». Par qui ? Mouloud Hamrouche ne se limite pas à mettre la responsabilité, toute la responsabilité sur «le pouvoir en place» ou sur «le gouvernement». Cette œuvre salutaire et urgente, à ses yeux, est de la responsabilité de tout le monde : ceux qui contrôlent les rênes du pays, les partis politiques, les citoyens, les élites intellectuelles, les élites économiques. Sans verser dans le catastrophisme, l'ex-chef de gouvernement croit savoir qu'il y a danger dans la demeure. Il le dira clairement «si la crise persiste, on aura moins d'opportunité à mener des combats collectifs» ; ou formulé autrement, il parlera d'un «surcoût» au cas où on laisse traîner les choses en l'état.

Pour sortir de la crise, il préconise «un nouveau consensus national». Dans son développement de ce point, il dira «je n'ai pas de réponse toute faite à proposer». Parce qu'il s'agit d'associer tout le monde à cette quête de ce consensus. Aussi bien les tenants actuels du pouvoir que les partis politiques existants. Sur ce registre, le point de vue de Hamrouche tranche par rapport à ce qui circule comme écrits et déclarations sur la scène politico-médiatique. Il se présente comme «rassembleur». Pour lui, l'armée «exerçant le pouvoir depuis 1958» peut prendre part à ce débat. D'ailleurs, il expliquera dans un autre lieu la pertinence de la participation de «la grande muette» à l'élaboration de ce consensus par «la faiblesse de la classe politique».

Il le formulera clairement en parlant de «l'échec de l'ouverture politique initiée au lendemain des événements d'Octobre 1988». Sans le dire clairement, il s'est montré sceptique à propos de la démarche de la Coordination pour le changement, un agglomérat de partis qui préparent une initiative politique pour les jours à venir et qui l'ont invité à des discussions.

Avant de laisser la parole à son hôte, Abdou Benabbou, directeur du Quotidien d'Oran, modérateur, a déclaré à propos de Hamrouche «je dois tout à ce Monsieur».