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Des souris et des hommes

par Bouchan Hadj-Chikh

Mes souris et mes hommes n'ont rien à voir avec John Steinbeck. Mes souris, elles, en avaient assez des exactions du chat qui les décimait. Les plus hardies d'entre elles décidèrent de convoquer une assemblée générale pour débattre du sujet. Dire qu'elle fut houleuse serait être loin de la vérité. Les plus fougueux orateurs frappèrent sur la table pour dire, en introduction des débats, leur ras le bol. Les analystes leurs succédèrent pour faire des constats consternants. Vint le tour des actions à entreprendre. Les idées fusèrent de tous les bancs de l'honorable assemblée. Les « il faut que ?», «il n'y a qu'à?». Le plus futé d'entre elles suggéra quelque chose de très simple : «pour éviter le chat, il n'y a qu'à lui fixer une casserole à sa queue. Ainsi, dit-il, le bruit que l'ustensile fera lors de ses déplacements nous alertera pour fuir de l'endroit où il se trouve». La salle s'embrasa. Suggestion qui souleva le coeur de l'assistance. On allait passer au vote de la résolution quand une vieille souris demanda la parole. Elle dit: «belle idée, en effet, mais qui accrochera la casserole à la queue du chat» ?

Mes hommes sont ceux qui, brillamment, sont intervenus dans les colonnes des médias-tout au long de la campagne présidentielle-pour dire aux lecteurs leur désarroi et leur offrir le fruit de leurs réflexions de sortie de crise. Ils leur livrèrent leurs constats de mal-vie tout aussi affligeants que ceux des souris. Et qui allèrent de leurs propositions, sincèrement, pour que le pays sorte de l'ornière.

Je parle de ceux qui argumentèrent dans le strict respect des personnes.

Il a été dit de si belles et généreuses choses que mon confrère du Quotidien d'Oran se lamenta un jour, dans une chronique, de n'avoir plus rien à dire ou à écrire. Lui qui n'avait pas assisté au congrès des souris, se posa la question qui taraudait la vieille souris: «et maintenant, que faire ?»

Il s'en trouve qui agissent.

Il faut rendre hommage, en effet, à toutes les organisations citoyennes qui ont avancé un début de réponse en trois paliers: se reconnaître, se rassembler, s'organiser. Mais cela suffit-il ? M. Ouyahia, qui est en charge de l'étude des propositions pour inclure celles des partis-qui le boudent ? et des citoyens, je suppose, pour agrémenter la révision du texte fondamentale de la République, aura-t-il entendu tous les appels ?  

Les prendra-t-il en considération ? Entreront-elles dans le canevas qui lui fut fixé pour pérenniser le système et les hommes dans leurs attributions ?

Probablement pas.

Alors ?

Pour rester dans le domaine de la casserole et de la cuisine politique il devrait revenir aux citoyens de fixer, par touches successives, le menu. Si l'art de la politique est de prévoir, les décisions qui furent prises en diverses occasions n'ont pas eut lheur de plaire à tous. Pas plus que les orientations politiques et économiques décidées qui sont bien loin des articles de la Constitution prescrivant impérativement le respect des valeurs de justice pour lesquels les martyrs de la Révolution se sont sacrifiés. D'où le peu d'intérêt dont a fait montre l'électorat lors de la dernière consultation.

A défaut de sombrer donc dans la tentation de casser les règles, agir pour les faire plier ne serait pas la pire des solutions. Par la transparence et la publicité des débats des assemblées nous aurons franchi une seconde étape dans la construction d'une société démocratique.     Devra suivre, surtout, la votation, comme disent les Suisses.

Ils n'ont pas inventé les pièges à chats, mais leur système de contrôle quotidien des élus est remarquable et mérite que l'on s'y attarde.

Ainsi, un citoyen Suisse, en désaccord avec un acte législatif voté par l'assemblée, peut s'y opposer en demandant, par le canal d'une association existante, ou qu'il aura constitué, l'organisation d'un «référendum facultatif». Lui et son organisation doivent collecter 50.000 signatures après la publication de la loi. Cette votation si elle dégage une majorité, même à l'échelle locale, conduit à un «référendum populaire».

Approuvé, la proposition a force de loi.

Je gage qu'en procédant de la sorte, de nombreuses décisions prises n'auraient pas fait les dégâts que notre pays et son économie ont eut à subir.

J'entends dire que les « particularismes régionaux?etc.».

Au lieu de les nier, quand cela arrange le pouvoir, gérons les. Par la votation, justement. Il n'est pas dit que nous serions plus sécessionniste que les «trois Suisses» - qui n'a rien à voir avec la marque de vêtements-que représentent la Suisse Romande, la Suisse Italienne et la Suisse Germanophone. Ni plus partitioniste que les Belges reconnus pour être Wallons, Flamands, Germaniques, pour ne citer que les populations les plus fortes en âmes. Encore moins Québécois à l'égard du Canada. Ou Corse ou Bretons par rapport à la France.

Et les souris n'auront rien à craindre du chat, encore moins devoir accrocher de casserole à sa queue.

Par le même canal, par la pétition qu'il faudra réglementer, d'autres lois pourraient être proposées, ces lois que chacun d'entre nous débat dans son parlement intérieur par ses nuits d'insomnies.

Alors seulement nous tiendrons, tous, pour vrai ce que « République Algérienne DEMONCRATIQUE ET POPULAIRE » veut dire.