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Les Touaregs maîtres de Kidal et Menaka : L'armée malienne une nouvelle fois en déroute

par Salem Ferdi

L'armée malienne a été mise en déroute par les forces du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) dans le nord du pays. Kidal, mais aussi Menaka sont tombés entre les mains des rebelles touaregs.

Le gouvernement de Bamako, qui persistait à faire une fausse analyse sur la force du MNLA, redevenu force d'attraction des militants targuis après la débandade d'Ansar Eddine, est désormais édifié. En l'absence d'une intervention directe des forces françaises, il ne fait pas le poids. La preuve est faite de manière humiliante pour Bamako qui semblait considérer que l'intervention française avait définitivement réglé le problème posé depuis au moins trois décennies par la population du nord du pays. Hormis une vague proposition de «décentralisation améliorée», le gouvernement malien refusait de discuter des réformes à engager pour satisfaire les demandes des mouvements touaregs qui avaient, par réalisme politique, renoncé à l'indépendance. Les combats qui ont éclaté le 17 mai à Kidal, à l'occasion d'une visite du Premier ministre, Moussa Mara, protégé par une force française, tournent à la déroute pour les forces armées maliennes. «Les villes de Kidal et de Ménaka sont maintenant sous le contrôle du MNLA», a constaté jeudi Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU. «Des mouvements du MNLA ont également été rapportés à Anefis et Aguelhoc, entre autres» localités du Nord, a-t-il ajouté. Le gouvernement malien reconnait la perte de Kidal mais, affirme son ministre de la Défense, «Menaka (660 km à l'est de Kidal) n'est pas tombée». Il a donné un bilan d'une vingtaine de morts et une trentaine de blessés au sein de l'armée régulière dans les combats de mercredi à Kidal.

DU REPLI «TACTIQUE» A LA FUITE

Différentes sources confirment cependant que le MNLA, épaulé par les deux autres groupes targuis, le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA) ont pris le dessus y compris à Menaka. La visite du Premier ministre malien à Kidal, destinée à affirmer l'autorité de Bamako, tourne à la bérézina. Une visite «armée» en quelque sorte avec ce que l'armée malienne appelle une «opération de sécurisation des biens et des personnes». Cette tentative de déloger manu militari le MNLA de Kidal avait été décidée sans consulter la France ou la Minusma, laisse-t-on entendre du côté de l'Onu. Après avoir engagé les combats, les militaires maliens ont fait un «repli tactique» avant de fuir carrément devant les rebelles targuis. «Affaiblies par des problèmes de coordination, de renseignement, les forces maliennes ont dû se replier sous le feu nourri des groupes rebelles appuyés par les terroristes et les narcotrafiquants», a déclaré le porte-parole du gouvernement. Une histoire qui se répète. Il ne restait plus, après l'échec de ce qui devait être une grande démonstration de force, qu'à appeler au cessez-le-feu. Chose faite mercredi soir par le président malien qui a appelé à un cessez-le-feu immédiat », selon un porte-parole du gouvernement qui est apparu à la télévision publique. L'ONU et la France ont réclamé la fin des combats. Dans les villes passées sous la coupe des rebelles touaregs, la situation était calme hier. Les civils qui avaient fui les combats à Kidal sont revenus chez eux. Les affrontements au nord du Mali ont contraint la France à reporter la réorganisation de son dispositif militaire au Sahel. Selon le plan initialement prévu, 600 soldats français devaient quitter le Mali ces jours-ci, dont 300 pour le Tchad où la France installe un nouveau quartier général. Un millier environ devait rester sur place, à Gao.

L'UA TENTE DE RECOLLER LES MORCEAUX

Hier, c'était à l'Union africaine d'essayer de recoller les morceaux. Le président en exercice de l'Union africaine (UA), le Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, est arrivé vendredi 23 mai en fin de matinée à Kidal pour obtenir un cessez-le-feu des rebelles touareg et essayer de « relancer les pourparlers avec le gouvernement malien». Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta s'est dit disponible : «Nous avons toujours été ouverts au dialogue, à l'échange avec nos frères». Le dialogue entre Bamako et les Touaregs est au point mort depuis un accord signé à Ouagadougou en juin 2013. Le MNLA et les deux autres mouvements confirment qu'ils ont bien récupéré l'essentiel des éléments qui étaient passés à Ansar Eddine. En lançant l'attaque contre Kidal, l'armée malienne déroutée, leur a donnés la possibilité de le prouver de manière éclatante. Bamako devra refaire ses calculs.