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MEDEA - Une femme assassinée : 20 ans de prison pour une ancienne star de l'O.M

par Rabah Benaouda

C'est avec une affaire «d'homicide volontaire avec préméditation et guet-apens» qu'a été entamée, la deuxième session, pour cette année 2014, du tribunal criminel près la Cour de justice de Médéa. Une affaire bien malheureuse, et combien dramatique, pour trois grandes familles, bien connues dans la ville de Médéa, qui se sont retrouvées réunies, dans ce drame.

Une affaire qui a drainé la grande foule et qui a fait que la grande salle d'audiences, d'une capacité d'accueil de plus de 300 personnes, s'est avérée, en fin de compte, trop exiguë pour pouvoir contenir les amis, les anciens collègues de travail, les voisins, les curieux?, en plus des membres de toutes les familles ayant un lien direct avec l'accusé B. R., âgé de 62 ans, ancien footballeur qui avait fait les beaux jours de l'Olympique de Médéa, dans les années 70 et 80.

Une affaire dont les faits remontent, selon l'arrêt de renvoi, dont la lecture aura duré plus de 50 minutes, à cette fatidique mi-journée (11h10) du jeudi 27 juin 2013, dans le quartier «Takhabit», situé sur les hauteurs de la ville de Médéa. Une discussion entre l'accusé et une femme âgée de 29 ans, répondant aux initiales M. K., qui allait perdre la vie, moins d'une heure plus tard, à la suite de deux coups qui lui ont été portés avec un objet tranchant, l'un sur la joue, sans gravité majeure, et l'autre sur le cou, mortel celui-là et que confirmera l'autopsie.

Evacuée d'urgence vers l'Etablissement public hospitalier «Mohamed Boudiaf» de la ville, la victime, qui connaissait l'accusé depuis 2004, d'où l'hypothèse d'un crime passionnel, décèdera sur la table d'opération des suites d'une grave hémorragie Qui a été responsable de cette violente agression? Et pourquoi? C'est à ces questions que le tribunal criminel, présidé de main de maître par le juge Mohamed Martil, avait à répondre, en se référant à l'arrêt de renvoi d'abord, et ensuite aux témoignages dont le plus important, qui s'avèrera le « tournant » de ce procès, viendra de la bouche d'un enfant de 9 ans, le seul témoin oculaire de ce drame. Une affaire dont l'audience, entamée à 9h, ne prendra fin qu'à 19h passées, avec, cependant, une interruption de plus de 40 minutes qui a permis au président du tribunal de faire venir, à l'audience, après réquisition des forces de l'ordre, le jeune enfant témoin, accompagné de ses parents. Ceci à la demande expresse du principal avocat de la défense, Maitre Sadek Chaieb, du bâtonnat d'Alger.

Tout au long de son interrogatoire, l'accusé reviendra sur ses premières déclarations faites, devant les enquêteurs, disant être l'auteur et le responsable des deux coups de «hache».

Ceci en présentant, devant le tribunal, une toute autre version des faits en impliquant un homme dont les enquêteurs ne retrouveront nulle trace. Il dira : «La défunte, qui me devait une grosse somme d'argent, et cet individu m'avaient attiré dans un traquenard pour se débarrasser de moi. Et c'est en esquissant la hache, lancée par ce dernier dans mon dos, que celle-ci a atteint la victime.» Et l'accusé d'ajouter: «Je suis innocent. Je n'ai rien fait.

C'est un complot contre moi.» Ce que ne comprendra pas le juge Mohamed Martil: «Alors, expliquez-nous pourquoi la victime porte deux coups séparés et bien distincts? L'un sur le cou et l'autre lui barrant la joue? Ce n'est pas cela la vérité ! Ayez peur de Dieu !»

Des neuf témoins qui défileront à la barre, ce que dira l'enfant s'avèrera capital pour le dénouement de cette affaire : «J'ai vu cet homme (NDLR : l'accusé, qu'il montra du doigt dans le box) discuter violemment avec une femme. Puis, il sortit une hache de son cabas et frappa la femme avant de s'enfuir en courant. » Pour la partie civile, représentée par Maître Noureddine Benhafri : « Tout est, désormais clair, aujourd'hui, dans cette affaire. Nous demandons que justice soit faite et rendue à la victime qui a laissé un veuf et une petite fille de deux ans et demi. En plus d'un père handicapé. » Pour sa part, le représentant du ministère public n'ira pas par trente-six chemins pour dire : « Pourquoi nier, aujourd?hui ce qu'il (ndlr : l'accusé) a déclaré devant les enquêteurs lorsqu'il s'était constitué prisonnier ? C'est tout simplement pour nous présenter un scénario, tout à fait imaginaire et invraisemblable. Pourquoi ce revirement ? Les faits de l'homicide volontaire avec préméditation et guet-apens sont établis, et c'est pourquoi nous réclamons la peine capitale, à son encontre.» Prenant la parole, Maître Sadek Chaieb dira : «C'est un véritable complot qui a été monté contre mon mandant. Car rien ne prouve sa responsabilité, et encore moins sa culpabilité, dans ce crime abject. Nous rejetons, totalement, cette accusation et nous restons confiants en cet honorable tribunal.» Lui emboîtant le pas, Maître Chafika Kais dira: «Il est inconcevable de prendre en considération les dires d'un enfant de 9 ans ! Aucune preuve de culpabilité, envers mon mandant n'existe. Nous gardons confiance en notre justice.»

Après délibérations, le tribunal criminel, près la Cour de justice de Médéa, retiendra l'accusation « d'homicide volontaire avec préméditation» et condamnera l'accusé B.R. à une peine de prison de 20 ans et le paiement de 40 millions de centimes à chacun des deux parents ainsi qu'au mari de la victime.