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Emboîtant le pas aux diplomates : Sonatrach rapatrie ses employés de Libye

par Moncef Wafi

Comme attendu et emboîtant le pas aux diplomates algériens en place à Tripoli, Sonatrach a décidé de rapatrier une cinquantaine de ses employés, principalement des ingénieurs travaillant sur deux sites d'exploration en Libye pour des raisons évidentes de sécurité, rapporte hier l'AFP citant une source ministérielle algérienne sous couvert d'anonymat.

La source d'information évoque «une mesure préventive», ajoute l'agence française. Presque deux ans après la reprise de ses activités d'exploration dans la région frontalière de Zenten, qui dispose d'une réserve avoisinant les 45 millions de barils, Sonatrach décide donc de quitter la région alors qu'en février 2012, le premier responsable du groupe pétrolier avait assuré que les intérêts de Sonatrach en Libye «n'étaient pas menacés». C'est dire le degré d'insécurité qui règne actuellement dans le pays. Vendredi dernier, l'Algérie avait annoncé la fermeture de son ambassade et de son consulat général à Tripoli en raison d'une menace sur ses diplomates. Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, avait indiqué pour la circonstance que les ressortissants algériens ne sont pas ciblés de manière systématique en tant que tels, mais qu'avec sa position concernant la lutte antiterroriste, l'Algérie reste «la cible privilégiée des groupes terroristes».

Sur le plan militaire, le groupe djihadiste libyen Ansar Charia, cible de l'offensive de l'ex- général Khalifa Haftar à Benghazi, a averti hier qu'il riposterait à toute nouvelle attaque lancée contre ses troupes. Le ton est ferme chez Ansar Charia, classé organisation «terroriste» par Washington, qui déclare solennellement que «la confrontation est désormais inévitable pour défendre notre ville et notre terre». Son communiqué qualifie l'opération menée par le général de «guerre contre l'islam appuyée par l'Occident et ses alliés arabes» faisant certainement référence aux accointances de Haftar avec les Américains. Pour rappel, le général Khalifa Haftar dont la force paramilitaire s'est auto-déclarée Armée nationale libyenne, a lancé vendredi une offensive contre des groupes islamistes à Benghazi avant de se retirer et de promettre que l'opération «dignité» allait se poursuivre. Les forces du général Haftar ont été ralliées par les Forces spéciales à Benghazi, une unité d'élite de l'armée régulière, et des officiers de la base aérienne de Tobrouk. Les hauts gradés de l'ancien régime, bien que certains aient participé à sa chute, ont été marginalisés ou écartés par les nouvelles autorités regroupées au sein du Congrès général national (CGN), la plus haute instance politique minée par une lutte d'influences entre islamistes et libéraux. L'objectif de ces alliances est de casser Ansar Charia dont les membres sont accusés de plusieurs attaques et assassinats ayant visé les services de sécurité à Benghazi. Il est également soupçonné d'être derrière l'attaque du 11 septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi dans laquelle l'ambassadeur et trois autres Américains ont péri. Ces renforts veulent mettre fin à la domination des milices formées par les islamistes qui font la loi depuis la chute de Kadhafi en octobre 2011 et en l'absence d'une armée et d'une police disciplinées. Après l'offensive menée à l'Est par Haftar, des milices de la région de Zenten, qui contrôlent le sud de Tripoli, ont lancé dimanche dernier une attaque contre le siège du CGN, décriée depuis sa décision de prolonger unilatéralement son mandat jusqu'à décembre 2014. Dans la soirée de dimanche, Mokhtar Farfana, le chef de la police militaire, originaire de la ville de Zenten, a annoncé la suspension du Parlement en demandant à l'Assemblée constituante de prendre la place du Parlement. Après l'attaque éclair contre les locaux du CGN, les Zentanis, considérés comme le bras armé du courant libéral en Libye, se sont retirés vers leur fief sur la route de l'aéroport où des combats les ont opposés à des milices islamistes. Les affrontements ont fait deux morts et 55 blessés, selon un bilan officiel. Les Zentanis pourraient également solliciter la Cour constitutionnelle pour qu'elle dirige le pays en attendant de nouvelles élections. Le gouvernement libyen en place a, quant à lui, dénoncé le recours par les milices «aux armes pour exprimer des opinions politiques», tout en appelant au dialogue national. Lundi, il a proposé que «le CGN, après l'adoption du budget 2014, se mette en vacances parlementaires, jusqu'à l'élection d'un nouveau Parlement» dans un délai de trois mois. Le gouvernement prévoit également un nouveau vote au Congrès pour donner la confiance à un nouveau Premier ministre, Ahmed Miitig, qui a été élu à l'issue d'un vote chaotique et controversé début mai. Le CGN a focalisé toute la frustration des forces politiques et militaires et d'une grande partie de la population en décidant de prolonger son mandat arrivé à expiration en février. Pourtant et devant cette effervescence sécuritaire, les Etats-Unis d'Amérique ont décidé de maintenir un fonctionnement «normal» de son ambassade à Tripoli. Un responsable du département d'Etat a indiqué qu'aucun ordre de départ du personnel de l'ambassade n'avait été émis par le ministère. L'Arabie Saoudite, quant à elle, a fermé lundi son ambassade en Libye et évacué ses diplomates par avion spécial. L'ambassadeur saoudien en Libye, Mohammed Mahmoud Al-Ali, a déclaré que la mission diplomatique de son pays reprendra «dès la stabilisation de la situation» dans le pays.