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Des convergences mais une divergence de taille

par Kharroubi Habib

Qu'il y ait convergences entre Alger et Paris dans l'appréciation de la gravité de la situation sécuritaire dans la région du Sahel, en général, et au Mali, en particulier, et que les deux capitales partagent le point de vue qu'elle constitue une menace sérieuse pour sa sécurité nationale pour ce qui est de la première et pour ses intérêts dans la région dans le cas de la France, cela ne fait aucun doute et justifie que leurs Etats se concertent et tentent de nouer une coopération afin de faire face aux défis auxquels elle les confronte. La visite à Alger du ministre français de la Défense, Jean Yves Le Drian, s'inscrit à l'évidence dans cette nécessité qu'ont les deux pays à clarifier et à planifier ce qu'ils peuvent faire ensemble pour contrer cette menace qui vaut pour l'un et pour l'autre. Alger et Paris n'ont pas attendu la visite de Le Drian pour s'engager dans la coopération sécuritaire. Sauf que celle-ci s'en est trouvée limitée parce que les deux Etats -et c'est un secret de Polichinelle- n'ont pas la même vision concernant la stratégie de lutte à mettre en œuvre pour se confronter à la situation sahélienne et aux groupes narco-terroristes et jihadistes qui en sont à l'origine. La divergence de fond qu'ont Alger et Paris sur la question est que la première défend le principe que la lutte contre ces groupes est du ressort des Etats de la région et que la coopération que peuvent leur apporter des puissances extrarégionales doit se limiter à répondre à des besoins qu'expriment les organismes de coordination constitués dans le cadre de cette lutte par les pays du champ. Pour la seconde, par contre, le rôle de la France dans la région ne peut se réduire à cette forme d'assistance limitée que les Algériens veulent imposer à la coopération extrarégionale. Paris entend (et le démontre) intervenir dans la région directement et franchement au prétexte de ses liens historiques avec elle et du devoir que lui conférerait son statut d'ex-puissance coloniale ayant obligation envers les Etats qui ont été sous son autorité. Il ne faut pas s'étonner que l'Algérie ne puisse apporter sa caution à la doctrine française en laquelle elle voit, à juste titre, la manifestation d'une volonté de perpétuer la notion de «pré carré» et la vassalisation des Etats de la région aux intérêts de la France.

Certes, la divergence est de taille entre l'Algérie et la France et permet de comprendre pourquoi, sans être allés à un conflit ouvert sur la question, les deux pays n'arrivent pas à s'entendre sur une coopération d'envergure en matière de lutte contre les groupes narco-terroristes et jihadistes qui sévissent au Sahel. Toutefois, la visite de Le Drian à Alger a été dictée pour la France par l'urgence que ses autorités ressentent de convaincre les Algériens de s'engager à leurs côtés dans la région confrontées qu'elles sont à une situation qui s'est aggravée malgré la présence militaire française dont elles n'ont pas les moyens pour l'augmenter. Ce que Le Drian est venu demander à ses interlocuteurs algériens les conforte dans la justesse des préconisations qu'ils prônent pour la solution de la crise sahélo-malienne. Obtenir qu'il en soit tenu compte est le moins qu'Alger puisse faire valoir avant d'accepter de faire tout changement dans sa position.