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Election présidentielle : Ghardaïa sous haute tension

par Ghania Oukazi

La prise en main par l'armée du dossier de la crise de Ghardaïa démontre la gravité de la situation et son enlisement dans des problèmes communautaires sans précédent. Des échos de la région laissent entendre que des familles entières se préparent à l'affrontement à partir de jeudi prochain.

Le transfert du dossier de Ghardaïa du ministère de l'Intérieur vers celui de la Défense nationale a été fait, comme déjà souligné, sur décision et instruction du président de la République. Il avait, dit-on, demandé au chef d'état-major, le général-major Gaïd Salah, de prendre en charge le règlement de cette crise conformément aux dispositions constitutionnelles. L'Armée nationale populaire « est chargée d'assurer la défense de l'unité et de l'intégrité territoriales du pays ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine maritime », stipule l'article 25 de la loi suprême du pays. « La défense de l'unité et de l'intégrité territoriales du pays pour renforcer la sécurité et la stabilité » ont été, faut-il le noter, au cœur de la campagne électorale de Bouteflika.

Il est évident qu'il est de l'intérêt des institutions de ne pas dramatiser les choses plus qu'elles ne le sont, mais en hauts lieux, ce passage du dossier de la vallée du M'Zab de l'Intérieur vers la Défense nationale, a été plus qu'impératif en raison de la détérioration de la situation sécuritaire dans la région. Le directeur de campagne du candidat Bouteflika a eu un avant-goût assez amer de l'atmosphère qui y règne. Il l'avait déjà eu quand il a été dépêché par le chef de l'Etat en tant que 1er ministre pour calmer les esprits qui avaient déjà opté pour l'affrontement jusqu'à l'écoulement du sang. Il a encore senti ces fortes velléités de violence chez des habitants de Metlili qui l'avaient accueilli lundi dernier avec une hostilité inquiétante. Des jeunes l'ont encerclé pour lui exprimer leur rejet d'un 4è mandat présidentiel pour Bouteflika.

Une fois sa voiture partie, ces jeunes révoltés se sont tournés vers les journalistes leur reprochant d'être des «chiata et des harkas. » Sans l'intervention des brigades antiémeutes et de la gendarmerie, la situation aurait gravement dégénéré.

«IL N'EST PAS QUESTION DE CEDER DEVANT QUI QUE CE SOIT»

Bien que dessaisi du dossier, l'on dit que le général-major Abdelghani El Hamel, patron de la Sûreté nationale, se trouvait ce jour-là dans la wilaya de Ghardaïa. Son déplacement était, nous dit-on, pour soutenir les troupes en faction et décider de leur renforcement en cas de besoin. Il avait certainement été mis au courant que des jeunes allaient mettre mal à l'aise Sellal. Pour l'heure, il n'est pas question que les militaires se mettent en faction dans n'importe quel endroit du pays. Ceci, même, s'ils se tiennent prêts pour toute intervention au «nom de la préservation de l'unité et de l'intégrité de la nation et du pays, » nous disent des responsables au MDN. « Il n'est pas question de céder devant qui que ce soit qui cherche à déstabiliser le pays », affirment-ils.

L'on précise que si ce sont toujours les brigades de police qui sont envoyées sur les lieux des risques de dérapages, c'est pour ne pas plonger les populations dans davantage d'inquiétudes et de stress.

Ceci, même si des échos de la wilaya de Ghardaïa laissent penser que les populations de Metlili aiguisent « leurs armes » pour se révolter jeudi prochain, jour du vote pour l'élection présidentielle.

Ce qui étonne, c'est que nombreux sont les Chaâmbi, habitants de Metlili, qui soutiennent Bouteflika et veulent d'un 4è mandat.

«LA MANIPULATION EMPESTE LA REGION»

Des sources sûres affirment toujours qu'aujourd'hui, les habitants de la région posent le problème communautaire dans toute son ampleur mais trouvent appui sur le rejet du 4è mandat pour attirer plus l'attention du pouvoir et le mettre en difficulté ». Des habitants de Metlili soutiennent sans rechigner que «Ghardaïa appartient aux Arabes et non aux Mozabites.» Du côté de Beni Yezguen, les esprits sont plus affermis. A trois jours de l'élection présidentielle, les aâchirate mozabites déclarent haut et fort qu'elles «maîtrisent la situation et qu'elles ne craignent pas de perdre la face ». Ils l'ont bien montré la semaine dernière au directeur de campagne de Bouteflika. C'était le jour où Sellal avait animé un meeting dans un quartier mozabite situé au cœur de Beni Yezguen. Pour y arriver, les Mozabites n'avaient même pas besoin de brigades antiémeutes pour l'organisation de leurs troupes. Bien en vue, ces brigades n'étaient là qu'en soutien aux vigiles mozabites qui se sont placés à toutes les ruelles. Un accompagnateur chaâmbi, qui n'était pas entré dans la salle de âachiret Ben Ath Ahmed dans le quartier d'El Mercid, était très étonné que les choses se passaient aussi calmement pour Sellal au beau milieu des Mozabites. «Si ici à Beni Yezguen, ça va aussi bien et qu'il n'y a aucun opposant au 4è mandat, c'est que chez les Chaâmbi, c'est louche qu'il y ait autant d'hostilité », disait-il inquiet. Pour lui et bien d'autres autochtones issus des deux parties, arabes et mozabites, « la manipulation empeste la région. »

Les politiques avertis sont persuadés eux aussi que «Ghardaïa vit un véritable complot ». Un des policiers qui tentait de calmer les jeunes de Metlili qui ont voulu barrer la route à Sellal, la semaine dernière, a lâché que « la situation couvait depuis le milieu des années 80, les notables des deux côtés, ont toujours pris sur eux pour ne pas que la violence s'installe dans la région mais aujourd'hui, bien qu'ils déploient de grands efforts pour que Ghardaïa s'en sorte sans trop de dégâts humains et matériels, ils se sentent bien faibles, ils leur arrive de déclarer forfait en avouant qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe et pourquoi toute cette violence ».