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Hommage à un moudjahid : Afin que nul n'oublie El-Aïdouni

par Ziad Salah

Dans la lettre de condoléances envoyée à la famille, le Président Bouteflika n'a pas manqué d'établir le parallèle entre la date de décès du défunt Salhi Ahmed, dit El-Aïdouni, et le 59e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale. En effet, à Oran, à Aïn Sefra et à l'échelle de toute une région, personne ne pouvait contester les faits d'armes d'El-Aïdouni durant la guerre de libération et pendant la guerre des sables. Mort à Oran, à l'âge de 93 ans, il a été enterré à Aïn Sefra, en présence d'une foule nombreuse, tant l'homme était estimé parce que resté humble et près des populations de sa ville natale. «Même sa mort a servi la ville, puisque la commune a déployé ses engins pour nettoyer le cimetière», nous dira un de ses amis. Pourtant rien ne le prédestinait au sort devenu le sien. Il pâtira très tôt de l'orphelinat et de son corollaire la pauvreté. Il se plaisait à répéter : «Je ne suis qu'un ignare», puisque ses pieds n'ont jamais foulé une classe de cours.

Ce natif de 1920 a rejoint les rangs du PPA au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il a connu Hocine Lahoual, une figure de ce parti, qui s'est chargé d'implanter des cellules PPA au niveau de la région d'Aïn Sefra et ses alentours. Il sera la cheville ouvrière lors des élections de 1948 qui ont permis à Boualem Baki d'être élu en surclassant Kheladi, un notable de la ville. D'ailleurs, juste au lendemain de ce scrutin, une vaste campagne d'arrestations visera les nationalistes et El-Aïdouni figurera parmi les incarcérés. A la veille du déclenchement de la guerre de libération nationale, il fera la connaissance de Larbi El-Hadj, membre de l'Organisation spéciale, chargé par «El Jabha» «d'animer le soulèvement armé au niveau de la région». El-Aïdouni, rompu au travail de proximité, réussira à mettre sur pied un certain nombre de cellules et de groupes. Sa capacité de mobilisation a poussé Boussouf à le convoquer à Oujda, lui et son compagnon Ferhat. En mettant à sa disposition un groupe de déserteurs de l'armée française et des membres de la résistance marocaine, Boussouf le charge d'initier des opérations dans la région allant d'Aïn Sefra jusqu'à Béchar, devenue par la suite la zone 8. Conscient de son handicap d'analphabète, il refusera la responsabilité. Mais les ordres de Boussouf ne se refusaient pas. C'est ainsi qu'El-Aïdouni s'est retrouvé dans cette zone bien avant le colonel Lotfi. D'ailleurs, il a connu cette figure de la Révolution et en parlait souvent. Il répétait souvent qu'il avait tenté de dissuader Lotfi de traverser la frontière (de Figuig), là où il a péri. La mort de Lotfi, suspecte et jamais élucidée, a porté un sacré coup à El-Aïdouni qui a quitté la zone 8 pour rejoindre «l'état-major» à l'est du Maroc jusqu'à l'indépendance. Cependant, il reviendra à la région de Figuig, Bouarfa, Tamdrara, durant la guerre des sables. Sa connaissance du terrain justifie la responsabilité qui lui a été confiée durant ce conflit. C'est durant ce conflit qu'il fera la connaissance du commandant Mourad, un des opposants de Ben Bella et du clan d'Oujda. Les deux hommes resteront amis jusqu'à la fin de leur vie. Durant la guerre avec le Maroc, il jouera un rôle primordial. Après le putsch de 1965 par Boumediene, il connaîtra l'emprisonnement. Mais il sera vite libéré.

El-Aïdouni s'est retiré de la sphère politique dès le lendemain de l'indépendance. Ce qui ne l'a pas empêché de rester observateur vigilant de l'évolution de la situation de son pays. Il ne s'est jamais caché d'être en faveur de la réconciliation nationale. Par ailleurs, il a toujours mis son réseau de relations avec les hauts responsables au profit des petites gens. C'est ce qui justifie le respect que lui vouaient tous ceux qui l'ont approché ou connu. Ceux qui l'ont côtoyé regrettent une unique chose : il a emporté avec lui des faits et des secrets qui auraient pu constituer un matériau de première main pour l'élaboration de notre histoire et de notre mémoire collective.