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Il a comparu, hier, devant la justice italienne : Le Monsieur Algérie de Saipem reste en prison

par Moncef Wafi

Pietro Varone, l'ancien directeur de la division ingénierie et construction de la société italienne de Saipem, arrêté le 24 juillet pour répondre des accusations de corruption, restera à la prison de San Vittore à Milan au moins jusqu'à vendredi prochain, date à laquelle la cour d'appel de Milan statuera sur la demande d'annulation de l'ordonnance de garde à vue introduite par son avocat, Alessandro Pistochini.

Pietro Varone, l'ex-directeur à Saïpem, est considéré comme le véritable homme clé du système de corruption mis en place avec pour interlocuteur, selon la justice transalpine, Farid Bedjaoui, lui aussi sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Ainsi, les juges ont jusqu'au 16 août pour se prononcer sur la demande de libération de Pietro Varone à laquelle s'oppose le procureur de Milan en charge de l'affaire, Fabio De Pasquale, pour «protéger l'enquête». L'ancien directeur de la division ingénierie poursuivi dans le versement de «commissions» à des responsables algériens, où sont impliqués d'autres dirigeants comme le PDG d'Eni, Paolo Scaroni, est également soupçonné d'avoir touché une rétrocommission de 10 millions de dollars dans le cadre de la signature des contrats entre Sonatrach et Saïpem. L'avocat de Varone a déposé un mémorandum dans lequel il a rappelé que le suspect avait collaboré pleinement avec les enquêteurs au cours de l'enquête.

Pour rappel, dans l'affaire Saipem-Sonatrach, sept contrats ont été signés entre les deux parties entre 2007 et 2008 d'une valeur globale de 8 milliards d'euros et des dessous de table estimés à 197 millions de dollars. Ces commissions, selon la justice italienne, ont été versées à Farid Bedjaoui, un Franco-Algérien établi à Dubaï, via la Pearl Partners Limited basée à Hong Kong. La justice italienne, qui a lancé un mandat d'arrêt contre Farid Bedjaoui, veut saisir ses fonds sur des comptes à Singapour et Hong Kong. Selon le quotidien Corriere della Sera, «plus de 100 millions de dollars (75,3 millions d'euros) se trouveraient à Singapour sur des comptes contrôlés par M. Bedjaoui et 23 autres millions de dollars (17,3 millions d'euros) seraient à Hong Kong». Selon l'acte d'accusation contre Pietro Varone, les bénéficiaires des pots-de-vin de 197 millions de dollars sont Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, des membres de sa famille, des membres de la direction de Sonatrach, Pietro Varone et l'ancien PDG de Saipem Algérie, Tullio Orsi, ainsi que Farid Bedjaoui.

A propos de ces dossiers, le ministre de la Justice garde des Sceaux, Mohamed Charfi, avait déclaré que l'affaire «Sonatrach 1» a mis en lumière «un véritable réseau international de corruption dont les ramifications s'étendent à tous les continents» dont le but «est d'absorber la substance de la Sonatrach à travers des mécanismes financiers complexes visant à couvrir les crimes commis». M. Charfi a souligné la coopération judiciaire à travers «un échange de commissions rogatoires avec des autorités judiciaires françaises, suisses et italiennes», qui ont permis «de rassembler des éléments suffisants pour l'ouverture d'une enquête indépendante». Concernant les accusations, le ministre a rappelé que «certaines personnes sont sous mandat de dépôt alors que d'autres sont sous contrôle judiciaire» et que les fonds suspects déposés dans des comptes domiciliés à l'étranger «font actuellement l'objet de mesures en vue de leur récupération». Quant à l'affaire dite «Sonatrach 2», M. Charfi a déclaré à la presse que «90% de ceux qui y sont impliqués sont désormais connus, certains sont entre les mains de la justice alors que d'autres font l'objet d'avis de recherche international».