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Gel des activités des associations ARC et El-Bahia : Les dossiers devant la justice et les explications de la wilaya

par Houari Saaïdia



« Les arrêtés du gel d'activité pris par la wilaya à l'encontre des associations ARC et El-Bahia sont tout à fait conformes à la loi. Dans les deux cas, l'administration n'a fait qu'appliquer la réglementation régissant le mouvement associatif en toute impartialité et sans aucune arrière-pensée politique ou autres considérations subjectives. L'administration ne cède pas au tapage ni à la pression de quelque nature que ce soit. Ceci étant, il va sans dire que nous nous engageons à exécuter toutes les décisions de justice, autorité devant laquelle nous ne pouvons que nous incliner». C'est ce qu'a déclaré, en substance, au «Quotidien d'Oran», le directeur de la Réglementation et des Affaires générales (DRAG) de la wilaya d'Oran, Aït Ahcen Rabah, contacté hier, par nos soins, à propos de cette affaire qui «fait beaucoup de bruit» ces jours-ci. Mine de rien, ces deux « petits » dossiers, en apparence, ne cessent de gagner en épaisseur et en poids, nourris par des communiqués de soutien et des points de presse à profusion, où il n'est guère aisé de pouvoir démêler le vrai du faux, tant l'interprétation des faits -voire carrément l'intox parfois- et la tentative de politiser l'affaire ont fini par former une sorte d'écran de fumée, éclipsant ainsi la vérité non sans désorienter une partie de l'opinion. Il faut noter, tout d'abord, que les cas ARC et El-Bahia sont deux dossiers «distincts» qui n'ont rien à avoir l'un avec l'autre. Néanmoins, ces deux associations locales ont fait toutes deux l'objet d'une décision de suspension d'activité par la wilaya d'Oran, pour une durée de six mois, à la même date, à savoir le 24 juillet, et pour le même motif, en l'occurrence l'article 39 de la loi sur les associations du 12 janvier 2012 : « Il est procédé à la suspension d'activité de l'association ou à sa dissolution en cas d'ingérence dans les affaires internes du pays ou d'atteinte à la souveraineté nationale.» Dans les faits, ARC, association à caractère écologique, s'est rendue «coupable», aux yeux des pouvoirs publics, en outrepassant l'objet et les buts déclarés dans son statut et pour lesquels elle avait été agréée (en date du 30 mai 2013) et en s'immisçant dans des affaires internes liées à la gestion de la collectivité allant jusqu'à ester en justice, au nom de l'association, des citoyens pour des faits en relation avec un permis de construire sur un présumé domaine forestier.

En clair, les autorités locales, dont le wali est le haut responsable, ont estimé une transgression à la loi le fait que l'association ARC ait intenté une série d'actions en justice (devant le tribunal administratif) contre des citoyens (au nombre de deux) pour mettre en cause la conformité des permis de construire délivrés à ces derniers, au prétexte qu'il s'agissait, selon ARC, d'« une atteinte au domaine forestier ». En agissant ainsi, estime l'administration, cette association « s'est illégalement substituée à l'autorité de la wilaya qui, par le biais de la Conservation des forêts, le cas échéant, était la seule habilitée à saisir la justice dans ce genre de cas». ARC a, en fait, déclenché six actions auprès du tribunal administratif d'Oran, dont trois procédures «en référé» et trois autres «dans le fond», en demandant la suspension en urgence des travaux de construction (de deux habitations privées, en l'occurrence), sur un terrain situé à Canastel, et l'annulation des permis de construire en question. Au tout début des évènements, la wilaya, tout en se réservant le droit exclusif d'engager des poursuites en justice contre les présumés contrevenants, était plutôt sensible et favorable aux coups d'alerte donnés par ARC, dénonçant ces supposées infractions, jusqu'à l'apparition d'un nouvel élément, le tournant de l'affaire. Il s'agit d'un document versé par la partie adverse à l'association ARC, les deux particuliers en l'occurrence, qui consiste en une correspondance-réponse adressée, le 19 juin 2012, par la Conservation des forêts à la DUC dans le cadre d'une enquête administrative d'usage relative à la délivrance de permis de construire en faveur des deux citoyens dont il est question. L'attestation du conservateur des forêts était sans équivoque: «la conservation des forêts ne voit aucun inconvénient à la remise de permis de construire sur ces terrains, qui n'appartiennent pas au domaine forestier et ne comportent aucun arbre sur leurs surfaces. Il s'agit de terrains actés et publiés depuis 1999». Après le jaillissement, donc, de cet élément de taille, la wilaya a fait, tout logiquement, un arrêt par rapport à ce dossier. Dès lors, la seule piste qui restait pour les détracteurs, c'était de déposer une plainte pour faux contre le document de la Conservation foncière. Par ailleurs, le responsable du service des contentieux de la DRAG précise que la décision du gel a été notifiée en bonne et due forme aux dites associations, et ce, par voie de huissier de justice, le 24 juillet 2013, mais les destinataires ont refusé de recevoir le document. Pour le cas de l'association «El-Bahia», l'objet principal de la sanction administrative est l'action en justice intentée par celle-ci pour «empêcher» la réalisation d'un marché de proximité sur un terrain (lot n° 92 du POS 119) à Bir el-Djir, au prétexte qu'il s'agissait d'un espace vert. L'autre grief invoqué par la wilaya dans la décision de suspension d'activité de l'association « El-Bahia », c'est le dépassement du délai légal pour le renouvellement d'agrément, qui a expiré le 31 mai 2010. Avant-hier dimanche, le tribunal administratif a statué par la voix de la juge en charge de l'affaire, Mme Taïbi, sur l'action en référé intentée par ARC, en décidant que soient arrêtés les travaux de construction à Canastel et que soient gelés les permis de construire s'y afférant, en attendant que le tribunal statue sur l'affaire dans le fond n° 13/722, enregistrée devant le même tribunal, relative à l'annulation de ces mêmes permis.

La même instance avait également ordonné la mise à l'arrêt de la réalisation du marché de proximité (de Haï Es Salem, Bir el-Djir), en attendant que la justice tranche sur le dossier «principal» lié à la demande d'annulation du projet. Deux dates charnières sont à bien retenir donc : le 18 et 25 août prochains, avec le prononcé des décisions de justice dans ces deux affaires. Le 25 août également, la wilaya aura à répliquer à son tour dans l'affaire caricaturalement dite «de la forêt de Canastel», où, sans aucun doute, le document à décharge de la Conservation foncière sera versé au dossier par le juriste de la DRAG.