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Que reste-t-il de la ville des rochers ?

par A. Mallem

Les citoyens de la ville des ponts ne se font pas trop d'illusions malgré les nombreux projets de réalisation, de réhabilitation du patrimoine de leur ville, de restauration des sites et monuments et de mise à niveau des infrastructures inscrits au titre de la préparation de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2O15».

Rencontrés hier, des citoyens se sont plaints de la dégradation constante du cadre de vie et, surtout, des chantiers menés dans divers points du centre-ville qui ont, selon eux, défiguré le paysage de la médina. «Quoiqu'on fasse pour essayer de maquiller la ville, on ne parviendra jamais à lui donner un visage plus beau que celui que son site naturel lui a façonné durant des millénaires», a commenté, avec beaucoup de nostalgie, un quinquagénaire en citant les nombreux paysages, panoramas et sites qui ont été éclipsés par les nouvelles constructions censées moderniser le centre-ville. «Les deux nouvelles infrastructures hôtelières érigées en plein centre-ville ont complètement bouché la perspective magnifique qui était ouverte sur la plaine de Hamma Bouziane et jusqu'aux montagnes lointaines de Grarem, l'effondrement qui s'est produit dernièrement sur la route de la corniche, et bien d'autres, enlèvent au charme de la ville et à sa spécificité topographique. Et si l'on ajoute que le grand pont de pierre, Sidi Rached, cette véritable icône de Constantine, actuellement malade, va être fermé pour une grande période, assure-t-on, que reste-t-il de la ville des rochers ?».

Pour ne pas être en reste, un spécialiste de la communication visuelle, Med Gharnaout, est intervenu dans la discussion pour signaler un phénomène récent qui a fait une intrusion dans le paysage de la ville pour le verrouiller encore plus tout en suscitant le mécontentement des citoyens jaloux de leur paysage naturel : celui des grands panneaux publicitaires implantés au centre-ville qui sont venus pour obstruer la vue, non sur les tas d'immondices, les vilaines constructions ou les interminables opérations de ravalement des vieilles habitations, mais sur les belles perspectives qu'offre la vue à partir de ce point autrefois stratégique. «On veut manifestement enfermer le centre-ville comme dans un bocal complètement opaque», affirme M. Ghernaout Mohamed. Ajoutant que «ce type de panneaux publicitaires de grand format qui sont intégrés au mobilier urbain, se placent généralement à des endroits qui ne gênent ni la vue ni les panneaux de signalisation routière. Ce n'est pas le cas dans le centre-ville. Dans ce cadre, les autorités administratives seraient bien inspirées d'adopter l'exemple des ?'colonnes de Maurice'', ces supports publicitaires de forme conique qui tournent sur eux-mêmes en ne cachant pas le panorama et qui, en plus, ont la particularité d'être plus esthétiques que les grands panneaux massifs et rectangulaires». Non dénuées de pertinence, ces remarques et les propositions qui les accompagnent ont été communiquées hier au président de l'APC, M. Rihani. Le maire a indiqué que le problème est pris en charge. «Les contrats publicitaires s'achèvent au mois de juin prochain. Et les panneaux seront ensuite retirés. L'APC procèdera alors à une nouvelle étude de cette question. En tout cas, nous sommes ouverts à toutes les propositions des citoyens susceptibles d'améliorer l'esthétique urbaine et préserver le cachet propre de la ville», a déclaré M. Rihani.