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Prudence française : Les bonnes relations Bouteflika-Hollande avaient rasséréné Paris

par Pierre Morville

Le Val-de-Grâce est un hôpital militaire français. Situé dans le bon chic bon genre Vème Arrondissement de Paris, cet établissement est connu pour son efficacité, son confort et sa discrétion, défense nationale oblige.

Il accueille régulièrement, en effet, des personnalités françaises et étrangères importantes. L'ancien président Nicolas Sarkozy y avait été admis, en juillet 2009, après un malaise. Son prédécesseur Jacques Chirac y avait été hospitalisé, en septembre 2005, à la suite d'un «petit accident vasculaire cérébral». Un grand nombre de chefs d'Etat étrangers y ont séjourné et y séjournent aujourd'hui, souvent sans qu'on le sache.

Joint par l'AFP dimanche, le ministère français de la Défense s'est, d'ailleurs, refusé à tout commentaire, «par respect du secret médical». «L'Etat français se tient informé, ce qui est normal pour le président d'un grand pays tel que l'Algérie», a-t-on ajouté. Ces précautions de langage, l'absence de réactions, dimanche, des milieux politiques français illustrent, bien sûr, la prudence nécessaire à Paris, des commentaires sur l'état de santé du Président Bouteflika.

La gravité ou non de ce dernier déterminera certainement la capacité de M. Abdelaziz Bouteflika à se présenter, en 2014, à un 4ème mandat présidentiel. Vu du côté de Paris, les bonnes relations initiées entre François Hollande et la Présidence de la République algérienne, concrétisées par le voyage officiel en Algérie, en décembre dernier, avaient été accueillies avec soulagement. Après, plus d'un siècle de colonisation, une longue guerre violente et des décennies marquées par la défiance, alternant des vrais progrès dans la coopération, contestés par des phases plus conflictuelles, la « Déclaration d Alger » sur « l'amitié et la coopération entre la France et l'Algérie », signée par les deux présidents, laissait espérer une normalisation entre les deux pays.

Une éventuelle transition et surtout les circonstances de celles-ci, inquiètent donc, en privé, les milieux officiels français.

COOPERATION ECONOMIQUE ET NORD-MALI

D'autant que dans deux domaines importants, économique et géopolitique, les progrès récents ont été sensibles. Dans le domaine de la coopération économique, quelques personnalités de 1er plan se sont succédé, récemment à Alger, comme Jean-pierre Rafarin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac ou Nicole Brick, l'actuelle ministre français du Commerce extérieur. Recevant, début avril, Cherif Rahmani, le ministre algérien de l'Industrie, celle-ci a réaffirmé avec force l'objectif, pour son pays, de «rester le premier partenaire commercial de l'Algérie».

Et les résultats récents peuvent la conforter. Après une sérieuse baisse des échanges entre 2005 et 2009, en 2012, les relations commerciales entre les deux pays ont atteint 10,3 milliards d'euros. Les exportations françaises vers l'Algérie sont de l'ordre de 6,4 milliards d'euros, avec un accroissement, par exemple, des ventes d'automobiles : +45 % en 2011 et 2012.

Le second dossier, plus récent, concerne l'intervention française au Nord-Mali. L'Algérie désapprouva officiellement l'arrivée de contingents de l'ancienne puissance coloniale dans un pays frontalier sub-saharien. Le gouvernement algérien, fait sans précédent, n'en autorisa, pas moins, le survol de son territoire par des avions français, dans le cadre de l'offensive contre les groupes islamistes radicaux qui avaient pour objectif de constituer une puissante base arrière au Mali. Dans cette décision, Abdelaziz Bouteflika a dû jouer un rôle essentiel.

L'amélioration des relations avec l'Algérie reste une préoccupation essentielle des formations politiques françaises. Le gouvernement doit donc très sincèrement souhaiter une prompte et heureuse convalescence au Président hospitalisé, dans l'un de ses hôpitaux. Il n'est pas non plus exclu, qu'à l'occasion de la prochaine élection présidentielle, de 2014, un nouveau candidat apparaisse. Dans cette hypothèse et, au nom des très anciennes mais passionnelles relations entre l'Algérie et la France, il y a fort à parier que, non-ingérence absolue oblige, les commentaires des pouvoirs publics ou plus largement de la classe politique française, soient marqués par une prudence diplomatique, sans équivalent...



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