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Julian Assange : «Le Net est le meilleur instrument de l'espionnage électronique»

par Farid Farah

Julian Assange, le fondateur du site Wikileaks, vient de publier un ouvrage polémique dans lequel il s'interroge sur l'avenir des internautes. L'ancien hacker australien est catégorique, Internet est une «Menace sur nos libertés». Dans ce qu'il qualifie de «manuel d'insurrection», il considère le Web comme la plus formidable machine à espionner et un obstacle à la liberté de parole. En parcourant des extraits de l'ouvrage, on peut facilement noter les huit alertes présentées par l'auteur.

Julian Assange, le fondateur du site Wikileaks (Wikifuites, en français) n'a pas perdu son temps pour renouveler son combat pour les libertés numériques et relancer le débat sur les droits et libertés dans le monde numérique : Internet est-il un danger pour la démocratie ou au contraire un espace de liberté ? L'homme qui a plongé les Etats-Unis dans une paranoïa IT, au lendemain de la mise en ligne des secrets de l'armée américaine, vient de publier un ouvrage polémique à travers lequel il livre son point de vue sur l'avenir des internautes. Réfugié à l'intérieur de l'ambassade de l'Equateur en Grande Bretagne pour échapper à une extradition vers les Etats-Unis, il a choisi un titre illustrant les dangers multidimensionnels qui guettent les internautes : "Menaces sur nos libertés. Comment Internet nous espionne. Comment résister". Pour Julian Assange, l'Internet est le moyen de censure le plus innovant, y compris chez les chantres de la liberté. Il rappelle qu'après la publication des 250.000 documents confidentiels concernant la politique étrangère des Etats-Unis, ce pays a commis l'acte de censure le plus inédit de l'histoire de la liberté journalistique dans l'espace numérique. Le 1er décembre 2010, Amazon a retiré WikiLeaks de ses serveurs d'hébergement et, le 2 décembre, le prestataire DNS a mis fin au nom de domaine WikiLeaks.org. Les organismes d'État comme la bibliothèque du Congrès, le département du Commerce ou l'armée américaine ont bloqué sur leurs réseaux l'accès au site de WikiLeaks. Mieux, des représentants de l'État américain ont demandé aux universités d'interdire à leurs étudiants l'utilisation des documents rendus publics par WikiLeaks dans leurs travaux de recherche. Le "plan d'attaque contre Wikileaks" s'est poursuivi avec la qualification d'Assange, par des sénateurs américains, de "terroriste technologique", et ont appelé à son élimination physique par l'intermédiaire d'un drone. L'auteur révèle dans son livre qu'une équipe de 120 personnes appartenant au FBI, à la CIA et au Département d'État américain a en effet été constituée sous le nom de WikiLeaks Task Force, ou WTF, pour mener des actions contre WikiLeaks et son créateur.

La surveillance électronique se mondialise

Assange révèle que des experts de la surveillance électronique appartenant à l'État américain surveillent toutes les activités du Net. Ils guettent toute relation exprimée ou communiquée, toute page consultée, tout message émis et toute idée soumise à un moteur de recherche, puis ils stockent ces milliards d'interceptions quotidiennes dans d'immenses hangars ultrasecrets, à jamais. Selon lui, il existe aux Etats-Unis des bâtiments immenses qui ne contiennent rien d'autre que les serveurs informatiques des différentes entreprises. "C'est là que la NSA dispose d'une partie de ses points d'interception massive. Internet pourrait exister sans cette centralisation, ce n'est pas que la technologie le rende impossible, c'est juste qu'il est plus efficace de tout centraliser. Dans la compétition économique, c'est la version centralisée qui l'emporte" écrit-il dit. "Plus de communication signifie plus de liberté vis-à-vis des gens qui cherchent à contrôler les idées et à fabriquer du consensus, plus de surveillance veut dire précisément le contraire", écrit Assange dans son ouvrage. Selon lui, la surveillance est devenue aujourd'hui pratiquée par tout le monde, et par à peu près tous les États, à cause de la commercialisation des techniques de surveillance de masse. Et elle est en train de devenir totale, parce que tout le monde met sur Internet ses opinions politiques, ses échanges familiaux et amicaux.

L'arme du cryptage contre la surveillance

La transition vers le Cloud Computing est qualifiée par l'auteur de "danger absolu" pour la liberté électronique. "D'énormes grappes de serveurs sont réunies en un seul endroit, parce qu'il est plus efficace de standardiser le contrôle de l'environnement, de standardiser le système de paiement. C'est une technique concurrentielle parce qu'il est moins cher d'empiler les serveurs au même endroit que de les disséminer partout", dit-il. L'auteur cite les exemples de Facebook, Twitter et Google qui sont "complètement centralisés". "Tout se trouve aux États-Unis ; tout est à la merci de celui qui contrôle la force de coercition. Exactement comme la censure qui a commencé lorsque WikiLeaks a publié Cablegate et qu'Amazon a supprimé notre site de ses serveurs". Assange propose le cryptage des données comme solutions à cette surveillance. "L'univers croit au cryptage. Il est plus facile de crypter l'information que de la décrypter. Nous avons compris qu'il était possible d'utiliser cette étrange propriété pour créer les lois d'un nouveau monde. (?) Pour fortifier notre espace derrière un voile cryptographique. Pour créer de nouveaux territoires interdits à ceux qui contrôlent la réalité physique, parce qu'il leur faudrait des ressources infinies pour nous y suivre. Et pour ainsi déclarer l'indépendance".