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Sommet européen: Le chemin de croix de l'Europe

par M'hammedi Bouzina Med: Bureau De Bruxelles

Deuxième rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement européens depuis le début de cette année, et deuxième affrontement entre les partisans de l'austérité et ceux de plus d'audace pour la croissance. Le Parlement européen a, pour la première fois, eu son mot à dire.

Avec une moyenne de 10, 8% de taux de chômage (23,6% chez les jeunes), les gouvernements de l'Union européenne persistent dans leur volonté de politique de rigueur budgétaire qui conduit certains parmi eux à basculer, carrément, dans un régime d'austérité. Qu'à cela ne tienne, diront les hérauts de l'ultralibéralisme, n'était-ce le discours ambiant de ces mêmes dirigeants politiques qui répètent à l'envi leurs ambitions le relancer la croissance, l'emploi, l'innovation, la production, la consommation des ménages? tout en réduisant les dépenses publiques à tout va. Il y a comme un hiatus dans cette logique économique: produire plus avec moins d'argent et de moyens de production. Produire plus en acceptant, sous la pression des banques privées et multinationales, des restructurations qui jettent dans la précarité et le chômage, chaque mois, des milliers de travailleurs et autres employés des secteurs publics. Ouvert jeudi en fin de journée, ce 2e Sommet européen de l'année 2013, qui se poursuivait dans la journée de vendredi, semble jouer les «prolongations». C'est que l'adoption par les 27 chefs d'Etat et de gouvernement du budget septennal (2014-2020) le 8 février dernier pour un montant global de 960 milliards d'euros (1 % du PIB de l'UE) a été rejetée dans une large majorité par le Parlement européen (PE), lors de sa session du 13 février dernier à Strasbourg. Selon les eurodéputés, en plus du montant qui est, selon eux, très en deçà des besoins de l'économie européenne, ce budget est très mal structuré, mal ventilé par rapport aux urgences qui varient d'un pays à l'autre. Ayant, depuis l'entrée en vigueur du nouveau Traité européen en janvier 2009, le pouvoir de codécision, le PE avertit le Conseil de l'UE (chefs d'Etat et de gouvernement) qu'il fera barrage à l'application du budget septennal dans sa forme actuelle. Du coup, le Conseil européen a, dès jeudi soir, donné quelques signes d'assouplissement: il repousse l'échéance de ramener l'endettement public de certains Etats à moins de 3% de leur PIB à la fin de l'année 2014. C'est le sursis accordé à la France, Portugal, Hollande en particulier. Mais cela ne suffira pas à calmer les eurodéputés, tant ils insistent sur la «construction» bancale du budget pluriannuel. Pour eux, il faut d'abord exclure du calcul les reliquats du précédent budget qui dépasse les 17 milliards d'euros non consommés. Ensuite axer l'investissement sur les régions et revoir les chapitres en donnant la priorité aux urgences: politique le l'emploi des jeunes, soutien aux PME, etc. Autre argument de taille du PE: l'échec des politiques d'austérité appliquées par les Etats. Les exemples de la Grèce, Portugal, France, Italie illustrent cet échec. Le vote sanction contre le président du Conseil italien, Mario Monti, prouve s'il en est, que les peuples d'Europe n'adhèrent pas à cette façon de résoudre la crise qui repose sur les seuls travailleurs. D'ailleurs, au moment où s'ouvrait la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, plus de 10.000 travailleurs venus de quelques pays voisins de la Belgique manifestaient devant le siège du Conseil et de la Commission européenne à Bruxelles. Les syndicats des travailleurs répétaient leur opposition aux politiques d'austérité et plans de licenciements tous azimuts. Vendredi matin, les chefs d'Etat et de gouvernement ont laissé apparaître quelques «ouvertures». Ainsi, le président du Conseil, le Belge Herman Van Rompuy, annonçait le déblocage de 6 milliards d'euros en faveur de l'emploi des jeunes; du retrait des investissements du calcul du déficit pour les Etats dont le déficit dépasse les 3%; de l'engagement de 60 milliards d'euros, promis par la Banque européenne d'investissement (BEI). Au plan des décisions macroéconomiques, Le Conseil s'engage à relancer la généralisation de la taxe sur les transactions financières; de laisser la liberté de fluctuer le montant de la TVA en fonction des circonstances et des secteurs de consommation, etc. De fait, le projet de budget 2014-2020 devient plus un cadre de référence sujet à des variations année par année. Cette lutte entre les partisans de l'austérité et ceux d'une plus grande souplesse dans le montage et l'exécution des budgets va, à coup sûr, se perpétuer tout au long des années 2013 et 2014. Certains y voient des calculs purement politiques, tant les rendez-vous électoraux pointent à l'horizon de ces mêmes années: en Allemagne et aussi pour le renouvellement du Parlement européen en mai 2014. En attendant, la «bagarre» entre les élus européens et les gestionnaires sera plus rude à chaque rendez-vous européen.