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Après l'italien ENI : Le canadien Lavalin soupçonné de corruption en Algérie

par Salem Ferdi



L'effeuillage ou strip-tease scandaleux entamé par les juges italiens dans leur enquête au sein du groupe ENI qui met en cause Chakib Khelil et Farid Bedjaoui, neveu de l'ex-ministre des Affaires étrangères, se poursuit au Canada où SNC Lavalin, opérateur bien connu en Algérie, est à son tour mis en cause. Il aurait, lui aussi, eu recours aux services de celui qui est désormais appelé «l'ami nécessaire», Farid Bedjaoui, pour obtenir des contrats.

Son nom, ce que SNC Lavalin confirme, est très présent dans les contrats obtenus par la compagnie de réalisation et d'engineering après la publication d'un article dans le grand journal canadien Globe and Mail. Le journal canadien, en association avec le quotidien italien Il Sole 24 Ore, indique qu'une enquête de la justice canadienne sur des «affaires libyennes» de Lavalin aurait permis de relever des éléments laissant présumer des actes délictueux de corruption dans les marchés obtenus en Algérie par l'entreprise canadienne. La justice du Canada s'intéresse désormais au cas de Farid Bedjaoui pour son rôle présumé «d'ami nécessaire» dans l'obtention de marchés par Lavalin pour un montant de 6 milliards de dollars dont un contrat d'un milliard de dollars passé en juin 2009 avec Sonatrach. Le nom de Farid Bedjaoui, neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères et ancien juge à la CIJ, Mohamed Bedjaoui, est apparu dans les enquêtes menées par les juges italiens. Il aurait perçu la coquette somme de plus de 197 millions d'euros en «bakchich» pour son rôle dans l'obtention de contrats d'un montant global de 11 milliards de dollars pour la Saipem, filiale engineering, du grand groupe italien ENI. Farid Bedjaoui, apprend-on, est diplômé d'une école de commerce montréalaise et dispose d'une résidence haut standing à Westmont, quartier très chic.

On commence à avoir un peu plus d'informations sur ce jeune à «qui tout réussit». Il s'est installé au début des années 2000 à Dubaï où il créé Ryan Asset Management FZ... A peine trois ans après, cette société d'investissement s'est vu confier par Sonatrach la somme de 2 milliards de dollars, selon un site d'information canadien.

LA CONNEXION BEDJAOUI-KHELIL

Avec sa société, OGEC, installée à Dubaï et disposant d'un bureau à Ben Aknoun à Alger, il devient «l'ami nécessaire» pour les entreprises étrangères en quête de contrats. Le groupe Lavalin a été entouré, en Algérie, dans les années 80, de fortes rumeurs, jamais étayées, de distribution de commissions pour la réalisation de Ryadh El Feth. Mais plus récemment, il fait l'objet d'enquête sur des actes de corruption qui ont accompagné la conclusion de contrats en Libye, sous le régime de Kadhafi. Il est également sous enquête judiciaire pour des affaires qui se sont déroulées à Montréal. Ces enquêtes ont abouti à la démission et à l'arrestation du numéro 1 de Lavalin, Pierre Duhaime, et l'arrestation en Suisse du Tunisien Riadh Ben Aïssa, ancien chef des opérations internationales de construction. SNC Lavalin est également soupçonné d'avoir versé 160 millions de dollars à un fils du colonel Kadhafi. C'est l'enquête suisse sur Ben Aïssa qui aurait amené ce dernier à révéler l'existence de pots-de-vin distribués par ENI et Lavalin. Le groupe canadien a confirmé que Farid Bedjaoui était lié à des entreprises qui ont des contrats avec ses filiales. «Ces contrats étaient négociés par d'anciens salariés de notre entreprise et, autant que nous sachions, étaient à l'époque des ententes d'affaires ordinaires», a écrit la porte-parole de SNC Lavalin Leslie Quinton. A l'évidence, «l'entregent» de Farid Bedjaoui et sa connexion (via Mohamed Bedjaoui ?) à l'ancien ministre des Hydrocarbures, Chakib Khelil, en ont fait un personnage central. «L'ami» que les entreprises doivent absolument avoir? sur Alger. Après les révélations italiennes, le parquet a annoncé le 10 février qu'une enquête était ouverte sous le nom de «Sonatrach 2».

Les vents canadiens pourraient conduire à Sonatrach 3 ou, plus simplement, à la Sonatrach Bedjaoui-Khelil connexion.