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Quand le rêve est encore permis

par Farouk Zahi

« I have dream ! ». C'est par la célèbre métaphore du révérend Martin Luther King que Souhila El Hachemi de la chaïne 3 radiophonique a conclu son émission « l'invité de la rédaction » du 18 février 2013.

Quelques heures avant l'ouverture officielle de la Grande Exposition du cinquantenaire de l'agriculture qui se tient du 18 au 24 du mois courant, l'invité du jour, n'était autre que Dr Rachid Benaissa, ministre de l'Agriculture et du Développement rural. Comme à l'accoutumée, Benaissa qui sait mettre le métronome au diapason de l'écoute, communique de manière contagieuse son optimisme. Référencé, le discours ,sauf, de toute circonvolution techniciste, fait que l'on s'y intéresse de bout en bout. Pour parler d'avenir, il faut revenir au passé, pas très lointain, du recouvrement de la souveraineté nationale.

A cette époque, l'Algérien ne mangeait souvent pas à sa faim, ne bénéficiait que de 1730 Kilocalories, la norme de l'Organisation mondiale de la santé étant de 2100, actuellement, la valeur énergétique alimentaire est, actuellement, de 3500 K. calories par habitant. Cette progression, est le résultat de la politique agricole imprimée au pays depuis l'indépendance. S'il est vrai que l'on ne savait pas faire, parfois, il n'en demeure pas moins que les fondements cardinaux de cette politique n'ont que sensiblement changé. L'objectif majeur en était l'autosuffisance agricole, clé de voûte de la sécurité alimentaire nationale.

On oublie, souvent, que la Guerre de libération nationale, a été, dans sa grande dominante, faite par la paysannerie sans terre. Elle eut pour principal objectif, la récupération des terres agricoles, qui ne profitaient qu'aux seuls colons. On constatera que le monde rural traditionnel est en bonne place dans cette exposition. On y verra des répliques de casemates, des modèles d'habitat de montagne, de plaine et des zones steppiques et sahariennes.

On distingue dans l'évolution du secteur 4 phases chronologiques de déroulement. Celle de l'autogestion du patrimoine bien vacant, entamée au lendemain de l'indépendance, dès les années 70 c'est l'étatisation par le Révolution agraire, les années 80/92 furent consacrées à la révision structurelle du secteur et aux grandes réflexions. L'année 2000, a été l'année charnière où, il a fallu se réconcilier avec soi et de là avec ses valeurs. Le concept rural, venait parachever, une œuvre qui a connu, certes, des bonheurs différents mais dont les résultats sont palpables. La contrainte majeure qui constituait la pierre d'achoppement à la revitalisation du secteur, a été, le foncier agricole. Cette contrainte est, présentement, levée par voie de Loi. Consacrée déjà par la tradition, la propriété agricole privée est explicitement reconnue; d'ailleurs, sur le million d'exploitations agricoles, l'Etat ne possède que 174 fermes pilotes. C'est dire, tout le poids économique que représente le secteur agricole privé. La nouveauté vient du fait que les terres publiques sont concédées aux particuliers pour une jouissance de 40 ans. C'est à partir de 2009 que le concept de renouveau agricole, englobe celui de la ruralité. On ne peut envisager une ruralité sans le fait agricole.

On estime, actuellement, à 8,5 millions d'hectares de terre arable et un potentiel de 50 millions d'hectares à mettre en valeur dans les Hauts Plateaux et le Sud. Les principes fondateurs demeureront, la répartition durable de la richesse agricole sur l'ensemble du tissu social et sur tout du territoire national. Ce territoire, à la dimension d'un continent, n'en demeure pas moins une fierté et un atout majeur. La volonté politique réaffirmée lors de la Conférence nationale en février 2009 à Biskra, a commandé d'adapter l'approche managériale à la riche diversité territoriale et à faire inscrire tous les partenaires dans un mouvement dynamique. Cette dynamique, a libéré l'initiative, l'accompagnement par le crédit agricole et la professionnalisation de l'acte agricole. Et c'est, sans doute, ce tryptique qui a suscité une croissance annuelle de plus de 13% observée depuis 3 ou 4 ans consécutifs. Ce résultat encourageant, n'élude, cependant pas, la grande marge de progrès dont nous disposons encore. A titre illustratif, si l'on prend la production de la pomme de terre dont il est toujours question, le ratio par habitant en 1962 était de 21 kilos/an, il est, actuellement, de 103 kilos/an pour une population qui a triplé depuis lors.

En ce qui concerne, l'emprise du bâti sur les terres agricoles, on estime à 150.000 hectares distraits de leur vocation première depuis l'indépendance, et peut être plus. La récupération a, par contre, engrangé 350.000 hectares. Le phénomène de dilapidation est de moins en moins observé. Les textes législatifs et réglementaires rendent plus difficile l'accès au patrimoine agricole pour des raisons autres pour lesquelles, il est destiné. On dit aussi que le secteur agricole est le 4è secteur en matière de croissance, après les hydrocarbures, l'hydraulique et les travaux publics ; Benaissa, affirme ne pas s'inscrire pas dans cette analyse. Le secteur qu'il dirige est dans ses volets, agricole, élevage et forestier, l'unique secteur fortement présent dans les 1500 communes du pays. C'est à travers lui que les pulsions sociétales font irruption, sa sérénité peut participer à celle de la communauté nationale. Ces valeurs ancestrales, labeur, persévérance referont cette Algérie profonde à percevoir autrement.

Autrement appréhendé, le monde rural positivé par l'activité agricole créatrice de richesses, s'adossera aux divers réseaux constitué préalablement par des flux : Etat-privé, privé-privé, industrie agroalimentaire. D'ailleurs, cette dernière qui s'est construite sur l'apport externe de matières premières, se cherche de nouvelles sources d'approvisionnement internes. La vision, tente maintenant, d'inverser la tendance importatrice.

Les jeunes, doivent s'inscrire déjà, dans cette dynamique d'intégration économique pérenne, créatrice de richesses à forte valeur ajoutée et libératrice de toute dépendance alimentaire externe. C'est noble et beau à la fois. Ils ne doivent pas percevoir que l'aide financière de l'Etat, comme seul attrait, mais leur inclusion dans un monde nouveau où ils peuvent s'accomplir pleinement. Lors de la visite du Premier ministre à Saida, un investisseur a eu la géniale idée de construire un engin issu de plusieurs marques agricoles qui permet la plantation de plants d'olivier. Il était à 200 hectares lors de la visite officielle, il est actuellement à près de 1000 hectares, avec une moyenne de 17 hectares/jour. Ce genre d'agriculteur est leader dans son domaine, il suscite l'émulation. C'est dans cet ordre d'idées que les clubs de producteurs, ont vu le jour. Celui des céréales et dont la barre de performance était fixée a 50 quintaux à l'hectare, a déjà dépassé le seuil des 80 qx/ha. Les priorités actuelles sont : Amélioration des rendements par la professionnalisation, protection environnementale et faire du retard technologique un atout.

Pendant que des pays, sont en butte à l'imprégnation chimique de leurs terreaux et tentent par de couteuses techniques à apurer, les sols algériens sont encore vierges de cette spoliation plaçant les spéculations à la tête des produits dits « Bio ».

La politique des filières est inexorablement engagée, après celle des céréales, de la pomme de terre, du lait, de l'aviculture, d'autres sont entrain de voir le jour. La tomate d'El Oued et de Biskra, même si elle encore chère, est quand même sur les étals en plein hiver. Est-ce que le soutien de l'Etat au produit alimentaire de base, ne sera pas rapporté un jour ou l'autre, dites-vous ? En l'état actuel des choses, l'Etat, à travers sa volonté politique affirmée et réaffirmée à plusieurs reprises, n'est pas disposé à mettre en situation de famine la population. La colonisation a assez fait pour çà.

Quant à l'auto régulation du marché, le concept de suppression des marchés de gros a fait long feu. On ne décrète pas, ex cathedra, un vœu pieux, mais on fait tout pour que la prospective retombe sur ses pieds. La régulation ne peut être générée que par la production soutenue et le stockage. Sans cela, point de salut ! Sans tomber dans le poncif patriotique, que d'aucuns considèrent comme une tare, le Ministre conclut son entretien pour dire :

- « J'en appelle à tous les jeunes en cette journée commémorative du « Chahid », que ceux qui se sont sacrifiés pour libérer le pays, n'étaient pas plus âgés qu' eux. Ils n'avaient, parfois, que quinze d'âge et pourtant, ils ont consenti le sacrifice suprême pour que vivent leurs congénères dans la dignité retrouvée».

-« J'aurais aimé, M.Rachid Benaissa, avoir une caméra pour montrer aux auditeurs, votre regard qui pétille quand vous parler de votre secteur » Dit, à la fin de l'entretien, la journaliste à son invité.

-« Vous savez, madame? le fellah ne croit que ce qu'il voit ! » Répliqua-t-il.