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L'armée française à Gao, l'UA veut plus de troupes africaines : «Le djihad, c'est en Syrie, pas au Mali !»

par Salem Ferdi

Le djihad, c'est en Syrie, pas au Mali, ont soufflé des sources militaires françaises. Il n'y a donc pas d'afflux de «djihadistes» sur le théâtre malien après l'intervention française. Les groupes armés auraient essuyé de lourdes pertes et se replient vers le Nord. A Addis-Abeba, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a apporté son soutien à Bamako, en précisant que l'Algérie n'enverra pas de troupes à l'étranger et ne recevra pas de troupes étrangères chez elle.

Les militaires français engagés au Mali ont pris le contrôle de la zone de l'aéroport de Gao, qui se trouve à 6 km à l'est de la ville et du pont de Wabary à l'entrée sud de la ville. Les éléments du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) qui contrôlaient la ville l'ont abandonnée pour prendre la direction de l'extrême nord-est du Mali. Les positions des islamistes à Gao ont été pilonnées par l'aviation française, notamment par des avions de combat Rafale, qui visaient «des camps d'entraînement, des infrastructures et des dépôts logistiques constituant les bases arrières des groupes terroristes», selon Paris. Un communiqué du ministère français de la Défense annonçant cette reprise de l'aéroport de Gao a indiqué que les «terroristes djihadistes qui ont affronté les armées malienne et française ont vu nombre de leurs moyens mobiles et de leurs sites logistiques détruits». Le même communiqué précise que «3.700 militaires français sont aujourd'hui engagés dans l'opération Serval, dont 2.500 sur le territoire malien». Le Mujao s'est d'ailleurs déclaré prêt à négocier la liberté de l'otage français, Gilberto Rodriguez Leal, enlevé en novembre 2012 dans l'ouest du Mali. On ne sait ce qui peut être négocié, mais le porte-parole du groupe terroriste, Walid Abu Sahraoui, a déclaré : «Nous voulons négocier. Pour la guerre, entre musulmans, nous pouvons nous comprendre». Un message plutôt confus sur l'objet de cette négociation alors que la ville de Gao, qui était sous le contrôle du Mujao, est virtuellement entre les mains des forces françaises et maliennes. Gao serait ainsi l'une des premières grandes villes du nord du Mali à être reprise. Les troupes françaises ? et maliennes ? peuvent compter sur les informations livrées par le drone américain d'observation Global Hawk présent sur le nord du Mali. Ce drone de surveillance à haute altitude devrait permette de «suivre» les mouvements des djihadistes estimés dans une fourchette large entre 800 et 3.000. Selon des «sources militaires» françaises citées par Le Monde, «quelques centaines» de djihadistes auraient déjà été tués depuis le début de l'intervention française, le 11 janvier dernier. Les forces françaises cibleraient «l'encadrement d'Aqmi, du Mujao et d'Ansar Eddine». Les mêmes sources affirment que les groupes armés n'ont pas reçu de renforts car le «djihad aujourd'hui est en Syrie». Ainsi, la lointaine Syrie servirait de pompe aspirante de djihadistes ? les Tunisiens seraient très nombreux à y aller ? qui évite l'arrivée d'un flux vers le Mali. Mais l'appréciation est peut-être hâtive. Les flux doivent être appréciés sur la durée et non dans un contexte d'opérations aériennes menées par l'armée française.

«MONTEE EN PUISSANCE»

La phase, la plus facile, de la reprise des villes est donc en cours et elle se déroule sur fond d'accusation d'exactions de l'armée malienne contre les «peaux claires». La vraie question est la capacité de stabiliser la situation après la reprise des villes. Il est clair que l'armée malienne n'est pas encore en mesure de prendre le relais. D'où la réunion hier des chefs d'états-majors de l'Afrique de l'Ouest à Abidjan pour activer la «montée en puissance» de la force africaine au Mali, qui doit soutenir les troupes françaises et maliennes sur le terrain. La réunion est destinée à assurer «la montée en puissance de la Mission internationale de soutien au Mali» (Misma), a indiqué le général Soumaïla Bakayoko, le chef de l'armée ivoirienne. Les pays de la Cédéao devaient prendre «l'engagement que dans les meilleurs délais, ces hommes seront déployés sur le terrain», a expliqué le ministre ivoirien délégué à la Défense, Paul Koffi. Il a indiqué que «près d'un millier» de soldats africains sont déjà «déployés non seulement à Bamako mais sur l'ensemble du territoire malien», a-t-il ajouté. La Cédéao devait fournir 4.000 hommes, mais le déploiement est ralenti par des problèmes de financement et de logistique pour les pays contributeurs. Le Tchad, non membre de la Cédéao, a de son côté commencé à envoyer 2.000 hommes au Niger voisin pour appuyer la Misma. De son côté, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) a décidé, vendredi, à Addis-Abeba, d'augmenter les effectifs de la force africaine au Mali. Le Commissaire de l'UA à la paix et la sécurité, Ramtane Lamamra, a refusé de chiffrer l'augmentation prévue des effectifs. Le nombre sera celui que les chefs d'état-major, qui travaillent à actualiser le concept opérationnel, nous fourniront, a-t-il déclaré à la presse. «Mais nous savons avec certitude, au vu des premières hypothèses sur lesquelles ils travaillent, que la taille de la force va devoir être augmentée de façon significative», a-t-il ajouté. Le CPS presse le Conseil de sécurité d'autoriser (...) la mise en place immédiate par les Nations unies de mesures temporaires qui permettront à la Misma de se déployer rapidement et de remplir efficacement son mandat.

SELLAL : «PAS DE TROUPES ALGERIENNES HORS DU TERRITOIRE NATIONAL»

A Addis-Abeba, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui représente le président de la République, au 20e Sommet ordinaire de l'Union africaine (UA), a apporté son soutien aux autorités maliennes tout en confirmant que l'Algérie n'enverra pas de soldats hors de ses frontières. Le Premier ministre algérien a qualifié l'offensive menée en direction de Konna, par Ansar Eddine et les djihadisteS, qui ont accéléré l'intervention française de «développement grave» qui a «constitué une menace pour le Mali et une atteinte aux efforts pour une sortie de crise dans ce pays frère». L'Algérie, a-t-il dit, apporte une «contribution multiforme» pour aider à une sortie de crise au Mali. «L'Algérie n'envisage pas d'envoyer des troupes algériennes en dehors du territoire national ou de recevoir sur son sol des troupes étrangères», a-t-il précisé. Tout en rappelant les éléments de la «solution politique» défendue par l'Algérie, Abdelmalek Sellal a affirmé que «la recherche d'une sortie de crise au Mali doit être conduite, en tenant compte de l'urgence de la situation et de la nécessité de dégager une solution durable». «La sécurité et la stabilité retrouvées au Mali et dans la région permettront de consacrer les ressources à l'effort de développement et d'amélioration des conditions de vie des populations», a ajouté M. Sellal, relevant que cela demeure «le but recherché par nous tous et c'est ce qui fonde notre solidarité avec le Mali frère». Le Premier ministre algérien a indiqué que l'Algérie a fermé ses frontières immédiatement après l'attaque terroriste de la ville de Konna afin d'empêcher «les mouvements de groupes terroristes et d'armes, et de contribuer à rendre plus efficiente la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, qui constitue un élément central de toute sortie de crise au Mali». Il a noté que cela demande «un effort considérable à notre armée et un coût élevé que l'Algérie assure sur ses propres moyens.