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LE RENONCEMENT ET LE STATUQUO

par M. Saadoune

Il faut reconnaître aux initiateurs du groupe Nabni une persévérance dans l'effort de «proposition de solutions» qui semble résister au désintérêt ambiant pour la chose publique. Les militants classiques - ils sont en général dans le syndicalisme et marqués à gauche - n'y voient que des libéraux, des défenseurs d'une vision dominante de l'économie. Il y a probablement chez les animateurs de Nabni une tendance libérale et un côté «technocrate» qui n'emballe guère ces militants. Mais dans un pays où plus personne n'émet plus d'idées, d'analyses ou de propositions, ils ont le mérite de vouloir essayer. De tenter quelques débats. Et qui peuvent être élargis par ceux qui ne font pas du «consensus de Washington» leur religion.

L'apolitisme est une vue de l'esprit, il n'existe pas dans la réalité. Encore plus quand on parle d'économie, d'affectation des ressources et de choix stratégiques à faire et de virage à prendre pour ne pas connaître le sort du somptueux Titanic. Il n'y pas d'économie pure, ni de «sciences économiques». Il n'y a que de l'économie politique. Les initiateurs de Nabni ne l'ignorent pas au fond. Ils viennent de proposer au débat public une vision pour l'Algérie à l'horizon 2020 et un projet global pour la réaliser, fait de 50 chantiers structurants dans cinq domaines. Cela mérite le détour, un examen sur pièce, des critiques et même une déconstruction politique pour ceux qui le souhaitent. Mais comme il est mis sur la place publique, il faut le positiver et accepter d'en faire l'inventaire. La pire des choses qui puisse lui arriver, serait qu'il soit accueilli avec le traditionnel haussement d'épaules qui est le lot de toutes les initiatives. Le vrai problème est là.

Il y a un désenchantement général qui aurait pu être une incitation à des visions critiques mais qui ne débouche en réalité que sur de la démission. Nabni ne parle pas de politique ? Le problème est que les initiatives ouvertement politiques destinées à essayer de faire bouger les choses, de soulever les bonnes questions sont également accueillies par des haussements d'épaules. Les Algériens viennent de passer des dures journées avec l'attaque terroriste d'In Amenas. Ce qu'ils en retiennent, c'est que les risques majeurs s'accumulent et que l'espace politique officiel est formidablement en déphasage. Hormis les professions de foi patriotique, aucune discussion sérieuse sur la stratégie du pays vis-à-vis du voisinage, de nos relations avec les puissances étrangères qui deviennent plus actives à nos frontières, sur la politique étrangère, sur la sécurité. Il y a si peu de débats là où ils sont censés se faire - l'Assemblée nationale par exemple - que cela ne peut qu'être inquiétant.

 AUSSI QUE L'ON SOIT «LIBERAL» OU DE «GAUCHE», VOIRE MEME UN «ETATISTE», IL FAUT DEBATTRE AU LIEU DE HAUSSER LES EPAULES. LE FAIT QUE LE POUVOIR NE PARAISSE PAS EN TENIR COMPTE NE DEVRAIT PAS ETRE UN FACTEUR DE REFUS DE DEBATTRE. L'UN DES ENJEUX DES ENGAGEMENTS CITOYENS AU SENS LARGE EST DE SORTIR D'UNE VISION DE DOMAINES RESERVES. ET LE REPROCHE «D'APOLITISME» FAIT PAR EXEMPLE A NABNI N'EST PLUS DE MISE QUAND L'UN DE SES ANIMATEURS EXPLIQUE QUE «LA GOUVERNANCE EST LA CLE», LE «THE TRUC» A CHANGER CHEZ NOUS, «C'EST LA MERE DE TOUTES LES REFORMES?». LE DEBUT DU CHANGEMENT SERAIT DE NE JAMAIS CESSER DE LE DIRE, D'EN DISCUTER ET DE CONTESTER. LE RENONCEMENT, NOTRE RENONCEMENT, FAIT EGALEMENT LE STATUQUO DANS LEQUEL EST BLOQUE LE PAYS ET QUI EMPECHE LE TITANIC DE PRENDRE LE VIRAGE SALUTAIRE.