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Après des menaces contre l'opposition égyptienne : Un discours assez plat de Mohamed Morsi

par Salem Ferdi

Après la victoire contestée du «Oui» pour le projet de Constitution, et les poursuites engagées contre trois leaders de l'opposition, pour «haute trahison», le discours de Mohamed Morsi devant le Sénat, devenu dépositaire du pouvoir législatif, était très attendu. Décevant.

Ceux qui sont inquiets de l'extrême polarisation entre islamiste et non islamiste ? sur fond d'abstentionnisme majoritaire ? et des angoisses, devenues plus fortes des coptes, attendaient des mots d'apaisement et des assurances, qui ne sont pas venues même si le président égyptien a affirmé que la nouvelle Constitution garantissait l'égalité des droits de tous.Il y a bien eu quelques formules qui semblaient plus ou moins aller dans ce sens, mais la tonalité globale du discours est restée décevante. Sur l'économie qui suscite de graves appréhensions, le président islamiste a fait dans le déni de la réalité. L'essentiel du message politique est l'affirmation, que tous les égyptiens sont «égaux devant la loi, et dans cette Constitution» et dans une promesse de «liberté pour tous, sans exception».

Venant deux jours après que le procureur général égyptien, très fraichement désigné par Morsi, ait décidé de déférer les trois têtes du FSN (Front du Salut National) devant le juge d'instruction, à la suite d'une plainte d'avocats islamistes les accusant de «trahison» et «d'incitation» au soulèvement, le président égyptien peut difficilement être cru sur parole. Les trois dirigeants poursuivis, Mohamed el-Baradei, coordinateur du Front du salut national, Amr Moussa et Hamdin Sabahi, le leader de la gauche égyptienne, y ont vu - et il est difficile de leur donner tort - une tentative de les bâillonner. Des techniques dont usait et abusait le régime de Moubarak, accuse, Hussein Abdel Ghani, porte-parole de la principale coalition de l'opposition ».

LA TRANSITION A «TROP DURE»

Pour Morsi, l'essentiel est que l'adoption de la Constitution met un terme à une transition « qui a duré plus qu'il ne faut ». Il a appelé les partis, sans mentionner d'ailleurs le FSN, à participer au dialogue national, qu'il dirigera lui-même et à participer à l'élaboration de la loi électorale, pour la future assemblée. Un message largement minimaliste alors que le pays est très divisé,depuis le passage en force décidé par le président Morsi, en s'octroyant des pouvoirs exceptionnels, et en imposant un référendum constitutionnel sans consensus préalable sur le texte.

Un minimalisme qui confirme que le bras de fer entre les islamistes et l'opposition se poursuit, même après l'adoption de la Constitution. Les islamistes - les avocats qui ont porté plainte contre les trois dirigeants en sont issus - entendent user de tous les moyens possibles pour étouffer une opposition qui s'est révélée plus pugnace que prévu. Cette opposition qui est en train d'utiliser des recours, par principe, et probablement sans succès, contre le processus référendaire devrait maintenir sa mobilisation et aller aux législatives pour ne pas laisser les égyptiens dans une situation où ils devront choisir entre les Frères et les Salafistes. Arrivera-t-elle à faire front commun pour ces législatives qui auront lieu dans deux mois ? Tout semble l'indiquer mais comme ce sont des partis qui n'avaient pas d'existence aux précédentes législatives, il faudra des négociations serrées pour l'élaboration des candidatures communes. Les trois courants du FSN ne s'entendent pas forcément sur les questions économiques, mais ils sont unis contre un risque de « frérisation » de l'Etat qui leur semble prioritaire.

L'enjeu pour l'opposition, inquiète des interprétations possibles de certaines dispositions léonines de la Constitution, qui est de constituer au moins une minorité de blocage, pour être en mesure de stopper des modifications dans la loi fondamentale. L'opposition se positionne - et cela a des échos au sein de la population ? en défenseur d'une unité nationale menacée, selon eux, par les islamistes.