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Hillary Clinton dénonce la «tyrannie des foules» : Washington montre les muscles et avertit les régimes arabes

par Salem Ferdi

Après un vendredi antiaméricain qui a fait au moins huit morts, dont quatre dans la seule Tunisie, les Etats-Unis ont décidé de déployer des troupes dans 17 ou 18 endroits du monde islamique au «même moment». Washington tance les gouvernements du «printemps arabe» et se veut ferme face à la «tyrannie des foules».

C'est le ministre américain de la Défense, Leon Panetta, qui a annoncé cette réponse aux manifestations antiaméricaines qui traversent, depuis le 11 septembre, le monde musulman à la suite de la diffusion des extraits d'une version arabisée d'un film insultant pour le prophète. Barack Obama et Hillary Clinton ont tenu, au cours d'une cérémonie devant les cercueils des quatre Américains tués à Benghazi, des discours de fermeté destinés aussi bien à l'opinion américaine qu'au monde arabe dans lesquels ils affirment que les Etats-Unis continueront d'assumer leur rôle de leadership dans le monde. «Nous ferons rendre des comptes à ceux qui nous les ont pris. Nous tiendrons bon face aux violences contre nos missions diplomatiques», a déclaré Barack Obama. Il a annoncé que la sécurité des établissements diplomatiques allait être renforcée. «Nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger les Américains en poste à l'étranger, que cela signifie augmenter la sécurité de nos établissements diplomatiques, œuvrer avec les pays qui ont une obligation d'en assurer la sécurité, ou dire sans équivoque que ceux qui s'en prennent à des Américains devront rendre des comptes».

LES NOUVEAUX REGIMES SOUS PROBATION

Hillary Clinton, choquée apparemment que la vague antiaméricaine n'épargne pas les pays du «printemps», les a interpellés directement. «Les peuples d'Egypte, de Libye, du Yémen et de Tunisie n'ont pas troqué la tyrannie d'un dictateur pour la tyrannie des foules», a déclaré Mme Clinton en appelant les «gens sensés et les dirigeants responsables de ces pays à faire tout ce qu'ils peuvent pour rétablir la sécurité et poursuivre ceux qui sont derrière les violences». La secrétaire d'Etat dit s'attendre à des «jours à venir plus difficiles». Les nouveaux régimes arabes sont clairement tancés par l'administration américaine qui exige d'eux qu'ils assurent l'ordre et la sécurité. Il n'est pas anodin que Barack Obama dise de l'Egypte qu'elle n'est «ni allié, ni un ennemi». Cela signifie que le nouveau régime est sous probation. En attendant, l'administration américaine, en bonne partie pour couper l'herbe sous le pied des républicains à l'affût, entend montrer qu'elle ne se laisse pas faire. Le déploiement de forces dans «17 ou 18 endroits» est destiné à montrer les muscles des Etats-Unis et de prendre les devants en cas d'une dégradation de la situation. «Nous devons être prêts dans l'hypothèse où ces manifestations deviennent hors de contrôle», a déclaré Leon Panetta à la revue Foreign Policy. Une cinquantaine de Marines pourraient être envoyés à l'ambassade de Khartoum, une centaine ont déjà été envoyés en Libye et au Yémen.

BENGHAZI, UNE ACTION PLANIFIEE ?

Dans une lettre de notification officielle au Congrès, le président américain a indiqué que les forces des Marines envoyés en Libye y resteront jusqu'au rétablissement de la situation sécuritaire. «Une force de sécurité du Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique (Africom) a été déployée mercredi dernier en Libye pour appuyer la sécurité du personnel américain dans ce pays», a indiqué Barack Obama. Il a précisé que «même si ces forces de sécurité sont équipées de moyens de combat, ces mesures ont été prises uniquement dans le but de protéger les citoyens et les biens américains», a noté le président américain dans sa lettre. Pour rappel, la marine US a déployé deux destroyers au large des côtes libyennes. Ce déploiement intervient dans un contexte de forte suspicion américaine que l'attaque contre le consulat de Benghazi n'a pas été un effet d'un dérapage de la foule mais une opération préparée par Al-Qaïda. Un communiqué d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) qui se réjouit - sans revendiquer - de l'attaque contre le consulat est mis en exergue par les médias occidentaux. Dans ce communiqué Aqpa indique que la «mort du cheikh Abou Yahya Al-Libi (...) a stimulé l'enthousiasme et la détermination des fils d'Omar Al-Mokhtar (en Libye) à se venger de ceux qui se sont moqués et ont attaqué notre prophète». Al-Qaïda tente néanmoins de mettre à profit politiquement les manifestations en soulignant que le «soulèvement de notre peuple en Libye, en Egypte et au Yémen contre l'Amérique et ses ambassades est un signe pour signifier aux Etats-Unis que leur guerre n'est pas dirigée contre des groupes et des organisations (...) mais contre la nation islamique qui s'est soulevée contre l'injustice, la faiblesse...»

DESAMOUR ?

La mort d'Abou Yahya Al-Libi avait été annoncée la veille du 11 septembre par Ayman Al-Zawahiri. Le président de l'Assemblée nationale libyenne, Mohamed Al-Megaryef, a affirmé qu'il y a des «éléments non libyens présents sur le territoire libyen. Ils planifient pour exécuter des projets qui leur sont propres sur notre territoire». Selon lui, l'attaque contre le consulat de Benghazi a été planifiée. «En ce qui concerne le cas libyen, il y a une méticulosité dans l'exécution de l'opération. Il y a une planification. Ce n'est pas une manifestation pacifique qui a dégénéré en attaque armée ou en agression. Elle (l'attaque) était initialement planifiée ainsi», a-t-il déclaré. Il est clair désormais qu'en Egypte, comme en Tunisie ou en Libye, les «nouveaux» pouvoirs sont sommés par les Etats-Unis de mettre fin aux contestations. Le temps du désamour avec le «printemps» semble s'approcher?