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Washington et les régimes arabes tentent d'éteindre le feu : Un vendredi antiaméricain dans le monde musulman

par Salem Ferdi



L'onde de la colère provoquée par la diffusion d'extrait d'un film insultant pour le prophète n'a pas baissé. La journée de la grande prière du vendredi a été l'occasion de nombreuses manifestations ciblant de manière générale les représentations diplomates occidentales. Les Etats-Unis qui ont envoyé deux bâtiments aux larges de côtes libyennes se disent convaincus que l'attaque qui a causé la mort, à Benghazi, de leur ambassadeur et de trois autres fonctionnaires a été planifiée par Al-Qaïda et n'est pas le fruit d'un mouvement de foule qui a dérapé.

En direct, sur les chaînes satellitaires arabes, des policiers soudanais dépassés assistaient presque en spectateurs à l'offensive menée vendredi par des centaines de manifestants contre les ambassades britannique et allemande. Le drapeau allemand a été enlevé et remplacé par un étendard islamiste. Des manifestants sont parvenus sur le toit du bâtiment en faisant des signes de victoire. La façade du bâtiment a été détruite. La police a fini par reprendre les choses en main à coups de tirs de gaz lacrymogènes. Un homme a été tué lors de la dispersion. Le personnel de l'ambassade allemande se trouve en sécurité avait annoncé le ministère allemand des Affaires étrangères. En Egypte, de crainte de dérapages, les Frères Musulmans, au pouvoir, qui avaient appelé à des manifestations devant les mosquées après la prière ont décidé d'annuler l'appel et de se contenter d'une manifestation symbolique. Leur secrétaire général, Mahmoud Hussein, a indiqué qu'à la lumière des « événements des deux derniers jours, la confrérie a décidé de participer à une manifestation symbolique place Tahrir uniquement, afin qu'il n'y ait pas de destructions de biens, de blessés ou de morts comme cela est arrivé dans le passé». Il faut dire que depuis deux jours, des manifestations menées par des jeunes, pas nécessairement des salafistes, aux alentours de l'ambassade américaine n'ont pratiquement pas cessé depuis mardi dernier. La colère s'alimente aussi d'une hargne anti-police de manifestants, jeunes, qui paraissent déjà des déçus de la révolution.

DEUX MORTS ET 29 BLESSES A TUNIS

En Tunisie, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur des centaines de manifestants rassemblés vendredi après-midi devant l'ambassade américaine dans la banlieue de Tunis. Deux personnes sont mortes et 29 autres ont été blessées aux abords de l'ambassade US, selon un bilan provisoire du ministère de la Santé.

Des manifestations ont eu lieu aussi à Damas où quelques centaines de personnes ont organisé un sit-in devant une ambassade américaine, déjà fermée depuis des mois, en arborant des portraits de Bachar Al Assad. Sur des pancartes, on pouvait lire : «Celui qui insulte le prophète Mohammed ne répand pas la démocratie», «Dieu et Mohammed aiment Damas», pouvait-on lire sur ces pancartes. A Téhéran, des milliers de personnes ont manifesté aux cris de «Mort à l'Amérique» et «Mort à Israël». Ils étaient 10.000 à Dacca au Bengladesh à manifester en brûlant des drapeaux américains et israéliens. Au Liban, une personne a été tuée et 25 autres ont été blessées dans des affrontements qui ont éclaté vendredi à Tripoli, grande ville du nord du pays, entre les forces de sécurité et des manifestants. Un jeune homme a succombé à ses blessures infligées lors de l'incendie d'un fast-food KFC, provoqué par 300 islamistes. «Nous voulons un Etat islamique, pas un Etat croisé», «L'Amérique est l'ennemi de Dieu». Jeudi, à Sanaa, dans la capitale du Yémen, des manifestants étaient parvenus à entrer dans l'enceinte de l'ambassade américaine avant d'être repoussés par la police. Quatre personnes ont été tuées et 34 autres blessées dans des tirs de la police.

LA MAIN D'AL QAÏDA

La «vague» avait commencé le mardi 11 septembre avec des manifestations au Caire et à Benghazi où quatre américains ont été tués dont l'ambassadeur Christopher Stevens. Pour les responsables américains, l'attaque contre le consulat n'est pas un dérapage de manifestants libyens armés mais un attentat planifié par Al Qaïda. Mike Rogers, le président de la commission du renseignement au Congrès américain, a évoqué «la signature d'Al-Qaïda». « Il y a des détails encore assez flous, mais clairement on a la signature d'Al-Qaïda ». En Libye, les officiels ont pointé du doigt à la fois les partisans du régime déchu de Mouammar Kadhafi et Al-Qaïda après cette attaque survenue mardi soir, jour du 11e anniversaire des attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis commis par le réseau islamiste. L'espace aérien au-dessus de l'aéroport libyen de Benghazi a été fermé pendant plusieurs heures, certains témoignages évoquaient le survol de drones américains. Aux Etats-Unis, alors que l'administration Obama tente de calmer le jeu en exprimant, par la voix d'Hillary Clinton, une condamnation du film, le camp républicain tente d'en profiter pour mettre en cause une «mollesse» dans la réaction des Etats-Unis à l'égard du monde musulman. A signaler également «l'effort» remarquable des médias américains pour effacer la première information selon lequel l'auteur du film serait un Israélo-Américain. Désormais, on ne parle plus que d'un copte (chrétien) originaire d'Egypte, nommé Nakoula Basseley Nakoula, un personnage ayant eu quelques ennuis avec la justice et qui aurait manipulé les acteurs du film qui ne savaient pas qu'ils tournaient un film sur le prophète. Une actrice, Cindy Lee Garcia, explique avoir été trompée sur la nature du film. Elle assure que les dialogues ont été doublés après le tournage, qui a eu lieu lors de l'été 2011. C'est la diffusion, début septembre, d'une version en dialecte égyptien, évoquée par une TV égyptienne, qui a mis, à nouveau, le feu dans les relations du monde musulman avec l'Amérique.