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Il veut venir mais?  Renault en Algérie est une course d'obstacles

par Yazid Taleb

Au cours des dernières semaines, le ciel semblait s'éclaircir sur les négociations pour l'installation d'une usine Renault en Algérie. Un «accord-cadre» a été signé le 25 mai dernier et l'arrivée du constructeur automobile français est quasiment donnée pour sûre? moyennant le règlement de quelques problèmes considérés comme mineurs. Les nombreux retournements de situation qui ont déjà marqué ce dossier ainsi que les vicissitudes propres à notre histoire économique récente sont pourtant de nature à inciter à une certaine prudence?

Des propos tenus par Carlos Ghosn à l'occasion de l'inauguration de l'usine de Tanger, la plupart des commentateurs nationaux n'ont curieusement pas retenu la plus importante. Le PDG du groupe Renault-Nissan avait affirmé en substance, entre autres déclarations qui ont connu plus de succès, que «Renault viendra en Algérie lorsque le gouvernement algérien l'aura décidé». Et si on prenait cette déclaration au sérieux ? A priori toutes les conditions paraissent réunies pour l'arrivée de Renault et la conclusion d'un partenariat «gagnant- gagnant» avec les autorités algériennes. La plus importante est un marché national d'une taille respectable et qui représente désormais plus de 400.000 véhicules par an. Sur ce marché, la part du constructeur automobile français, déjà numéro un en Algérie, devrait augmenter sensiblement en raison de l'engagement des autorités algériennes de rétablir le crédit automobile en faveur de la production nationale. Pas de problèmes en vue avec les autorités françaises pour Renault dès lors qu'il est précisé explicitement que la production de la future usine sera destinée exclusivement au marché algérien. Pas d'obstacles non plus du côté de la règle du 51/49% qui a été acceptée par le constructeur français et qui devrait logiquement permettre au partenaire algérien, la SNVI, dont on parle curieusement très peu dans cette affaire, d'apporter un site industriel déjà fonctionnel, une connaissance des arcanes de l'administration algérienne et un réseau de sous-traitants.

Toutes les conditions réunies ? Pas vraiment. Au début de l'année en cours, on apprenait que le gouvernement algérien demandait l'installation de l'usine à Bellara. Renault doit aussi contribuer à l'aménagement du territoire. L'histoire ressemble de plus en plus à un remake de l'usine Fiat de Tiaret. En off, un cadre de Renault s'étonne de l'absence de «culture industrielle» des négociateurs algériens. Pas de bassin d'emploi, pas de sous-traitants? Aux dernières nouvelles, la partie algérienne aurait renoncé à Bellara. Restent quelques «détails» à régler. Au premier rang d'entre eux la capacité de production de l'usine et le nombre de modèles produits. Pour l'instant, les chiffres communiqués par les deux parties ne sont pas du tout les mêmes. On s'en sortira sans doute par quelques effets d'annonce.

CULTURE ECONOMIQUE ET INVESTISSEUR DE REFERENCE

La citation est attribuée à Réda Hamiani : «On n'a ramené que des aventuriers». Le patron des patrons algériens fait le bilan en raccourci de la politique d'ouverture à l'investissement étranger mise en œuvre depuis une décennie. Il pointe du doigt de façon un peu caricaturale la «culture économique» qui conduit les dirigeants algériens à choisir des partenaires en dehors du cercle des entreprises reconnues dans leur secteur. Orascom dans la téléphonie. Orascom encore dans la pétrochimie. Qatar Steel dans la sidérurgie? Commentaire d'un cadre de l'Andi : «C'est une option qui a fragilisé notre démarche de partenariat. Elle sous-estime l'effet de démonstration et d'entraînement que représente l'arrivée dans le pays des investisseurs de référence qu'elle semble s'ingénier à vouloir éviter». Pour notre interlocuteur, «notre politique d'ouverture à l'investissement étranger est, en particulier depuis 2008, à la recherche d'une nouvelle crédibilité. Un accord avec Renault, qui plus est dans le domaine industriel, pourrait de ce point de vue constituer une avancée importante». Une analyse partagée aujourd'hui par beaucoup d'opérateurs économiques et de spécialistes mais qui reste à contre-courant des «pratiques» privilégiées par le personnel dirigeant.

QUAND LA POLITIQUE PARASITE L'ECONOMIE

Culture industrielle, culture économique, culture politique? Le dossier technique de l'accord avec Renault aura beau avoir été bouclé, il lui faudra encore obtenir un «visa» politique. La presse étrangère, française particulièrement, s'étonne régulièrement de l'imbrication des décisions politiques et économiques qui caractériserait et «parasiterait» le climat des affaires dans notre pays. Dernier épisode en date de ce mélange des genres, l'affaire Mohamed Ziane Hasseni, diplomate algérien arrêté à Marseille en août 2008 et soupçonné d'être impliqué dans l'assassinat de l'opposant Ali Mecili à Paris, en 1987. Une affaire qui aurait «plombé» les relations entre Paris et Alger pendant près de 2 ans. Le non- lieu prononcé en faveur du diplomate algérien aurait débloqué une série de dossiers au nombre desquels figurent d'abord l'implantation d'une raffinerie de sucre par Cristal Union, d'une usine pharmaceutique par Sanofi et l'accord entre Alstom et l'Etat algérien sur une usine d'assemblage et de maintenance de tramways. Un peu plus tard Saint-Gobain était autorisé à mener à bien la reprise à 100% de deux verreries et le groupe Axa s'installait en Algérie.