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Gouvernance : Entre arguments des experts et réalités économiques

par Z. Mehdaoui

L'école algérienne des affaires (MDI) organise depuis hier à l'hôtel Hilton d'Alger un symposium international autour de la «rénovation de la gouvernance des entreprises et administrations économiques».

De nombreux experts, économistes, banquiers, assureurs, financiers, et chefs d'entreprises nationaux et étrangers ont été conviés à présenter leurs expériences, chacun dans son domaine.

La stratégie d'entreprise, vecteur privilégié de la gouvernance, a donné lieu à un grand nombre de travaux scientifiques. Aujourd'hui, deux courants majeurs s'opposent et se complètent : le courant classique qui s'intéresse au contenu stratégique en proposant des outils pour la formulation de la stratégie et l'autre courant, plus récent, s'intéressant au processus stratégique et à la description des activités qui conduisent à la construction d'une stratégie. Cette analyse est de Oumhani Belmokhtar de l'école polytechnique d'Alger. Ce dernier, dans une contribution, note qu'entre les deux courants, ou les deux écoles de pensées, il n'y a guère de «consensus».

«Si nous mettons en perspective les contextes lourds dans lesquels l'entreprise algérienne, notamment privée, a émergé et évolué, nous admettons que le fait même que le thème de la gouvernance fasse maintenant l'objet de débat dans notre pays et est en soi une avancée remarquable», lance d'emblée Reda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE). Critique, Hamiani rappelle qu'à une époque récente, la vision politique et économique dans notre pays était portée par un système de planification bureaucratique dans lequel l'expansion de l'entreprise privée était très sévèrement limitée. «Les entreprises publiques étaient enfermées dans un statut qui en faisait plus des institutions de répartition de la rente que des centres de création de richesse et qui étaient rarement soumises aux sanctions du marché», soutient le président du FCE qui ajoute que cela avait longtemps empêché l'émergence d'une culture d'entreprise et d'entreprenariat dans notre pays.

Reda Hamiani note néanmoins qu'après «l'ouverture salvatrice de 1990», les chefs d'entreprises algériens sont aujourd'hui conscients «qu'il est vital de faire évoluer progressivement notre modèle de gouvernance, qui conserve encore des archaïsmes, vers un modèle fondé sur la norme, la compétence, la transparence, la responsabilité et la création de valeur». Le patron du FCE, lors de son intervention, soutient que les chefs d'entreprises algériens savent qu'il s'agit là d'un enjeu essentiel parce que cette évolution est «indissociable du projet de société libérale que nous construisons».

«Ils sont conscients que l'enjeu de leur engagement dans cette voie est celui de l'avenir d'une Algérie moderne et compétitive à la construction à laquelle ils participent avec détermination et ils savent aussi que c'est par le marqueur de la gouvernance que se forgeront à l'avenir l'image de leurs entreprises et de leurs réputations», indique Reda Hamiani pour qui les transformations fondamentales que connaît l'économie algérienne et la place et le rôle sans cesse croissant de l'entreprise privée dans cette économie exigent une gouvernance d'entreprise de qualité et cohérente dans son ensemble et une gouvernance moderne et efficace qui rende possible la mise en œuvre de processus de réflexion, d'innovation ainsi que de changement qui permettront de transformer nos entreprises en structures responsables et dynamiques. «Si, dans le contexte actuel de l'économie algérienne, la gouvernance apparaît bien comme un enjeu stratégique de développement, il est clair que cet enjeu exige que soit substituée la force du droit à la force des personnes dans les institutions de gouvernance d'entreprise comme dans celles de gouvernance publique», indique le président du FCE.

A noter que le symposium qu'organise MDI est le 11ème du genre et s'étale sur deux journées. La quasi-totalité des experts étrangers invités sont des Français qui ont présenté chacun de son côté son expérience managériale ou son analyse de la gouvernance en Europe qui vit, faut-il le rappeler, une crise sans précédent qui a commencé par le problème des dettes souveraines des Etats et qui a affecté désormais des pans entiers de la société capitaliste européenne.