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Le ministre de l'Energie et des Mines, au « Le Quotidien d'Oran » : Crise du carburant, le scandale Sonatrach et La Libye

par Ghania Oukazi

Bien qu'il ait répondu à nos questions en usant d'une méthode assez «conventionnelle», le ministre de l'Energie et des Mines a cependant pris de son temps pour affirmer dans cette interview «la grandeur de Sonatrach» quand bien même a-t-elle été secouée par des scandales.

«Si c'était une autre compagnie, elle aurait disparu», a dit Youcef Yousfi. Il fait savoir que «des mesures importantes ont été décidées pour consacrer le contrôle comme un impératif de gestion d'une entreprise qui reste solide et crédible».

Le Quotidien d'Oran: L'ouest du pays continue d'être secoué par la crise du carburant. Quelles en seraient les causes et les solutions?

Youcef Yousfi: Il n'y a pas de crise de carburants à l'ouest du pays. Nous avons effectivement un problème au niveau de la production d'Arzew. La raffinerie qui a redémarré après des travaux de réhabilitation n'a pas encore atteint son régime de croisière. Elle ne fonctionne pas totalement à 100%. Il y a un certain nombre de réglages à faire. Des mises au point techniques de ses installations sont en cours. Il ne faut pas oublier que les mauvaises conditions météorologiques qu'a connues le pays ont provoqué des consignations de ports pétroliers qui ont paralysé l'activité de chargement et déchargement des navires, avec des répercussions sur l'approvisionnement normal du marché, surtout dans la région ouest du pays. De plus, l'accostage de nuit des navires est interdit.

Pour pallier tout déficit, un programme d'importation de carburants a été mis en place par Sonatrach. C'est donc compensé par un approvisionnement à partir de la raffinerie de Skikda ou carrément par des importations. Il n'y a donc pas de manque physique de carburant, seulement, il y a une espèce de psychose qui s'est installée parce que les gens sont exigeants. Aujourd'hui, les carburants sont disponibles en quantités suffisantes et le marché est bien approvisionné.

Q.O.: Mais les pompes sont encore restées vides récemment?

Y.Y.: Il n'y a pas un manque de carburant dans l'ouest du pays.

Q.O.: Serait-ce alors un problème de distribution?

Y.Y.: Ça peut arriver qu'il y ait des problèmes de distribution parce que dans notre pays, il n'y a pas assez de stockage, je le regrette. La faiblesse des capacités de stockage oblige Naftal à travailler à flux tendus. Il y a le gouvernement qui l'aide -Naftal- à construire un système de stockage et de dépôts à travers le pays pour arriver à 30 jours de consommation nationale à l'horizon 2020. L'aide du gouvernement s'élève à 200 milliards de dinars. Mais je le répète, il n'y a pas un manque physique de carburant.

Q.O.: La contrebande a dû être aussi un des facteurs dans ces perturbations?

Y.Y.: Le fléau du commerce illicite de carburants dans certaines régions frontalières est aussi un des éléments qui a perturbé les approvisionnements des stations d'essence. Il faut qu'on s'y mette tous pour combattre ce fléau qui porte atteinte, d'abord à l'économie du pays et qui nous perturbe, nous, ensuite, dans notre programme d'approvisionnements. Ce phénomène prend de l'ampleur et nécessite une prise en charge par l'ensemble des institutions concernées.

Q.O.: Les quantités qui sortent illicitement du pays sont importantes?

Y.Y.: Malheureusement oui, elles sont importantes.

Q.O.: Beaucoup sont ceux qui spéculent sur les réserves conventionnelles et non conventionnelles de l'Algérie en hydrocarbures. Comment les appréciez-vous en tant que premier responsable du secteur?

Y.Y.: La plupart de nos anciens gisements de pétrole brut et de gaz naturel ont montré qu'ils contiennent encore un potentiel important et aujourd'hui, grâce à la technologie, le niveau des réserves récupérables s'améliore régulièrement, permettant ainsi une durée d'exploitation plus longue. Ainsi, grâce aux nouvelles techniques et à l'effort d'investissement consenti dans le secteur amont des hydrocarbures, nous enregistrons de nouvelles découvertes. A titre d'illustration, nous avons totalisé 29 découvertes d'hydrocarbures en 2010 et 20 autres en 2011, la plupart ayant été réalisées par Sonatrach en effort propre (27 et 19 respectivement). Ces découvertes ont été le résultat du forage de plus de 100 puits d'exploration par an et d'un niveau d'investissement de plus 120 milliards DA pour 2010 et 130 milliards DA pour 2011. Mais, malgré les efforts de recherche déployés à ce jour, notre domaine minier national demeure encore sous exploré. Les travaux réalisés par Sonatrach et les données disponibles ainsi que les études réalisées confirment que notre sous-sol reste très prospectif. Une de nos priorités est donc l'intensification de l'effort d'exploration. Nos plans à court et moyen termes traduisent concrètement nos objectifs et, à cet égard, nous prévoyons une augmentation sensible des programmes sismiques et de forage. Nous nous appuierons pour cela sur l'utilisation des technologies les plus récentes afin d'améliorer nos performances en termes de taux de succès.

Q.O.: L'exploration dans le nord du pays est-elle retenue?

Y.Y.: Un grand nombre d'équipes sismiques et d'appareils de forage seront mobilisés pour la réalisation d'une moyenne de 160 puits d'exploration par an, dont une vingtaine de puits par an rien que dans le nord de l'Algérie. Les zones éloignées et peu explorées seront étudiées avec beaucoup d'attention, des programmes particuliers leur seront dédiés y compris pour l'offshore.

Q.O.: Qu'en est-il des réserves non conventionnelles?

Y.Y.: Pour ce qui est des ressources en hydrocarbures non conventionnelles, nous avons entamé la phase d'évaluation du potentiel de notre domaine minier. Au vu des premiers résultats d'études, ce potentiel est important, notamment dans les réservoirs compacts et nous avons déjà une expérience intéressante dans la production de ce type de réservoirs. Les réserves potentielles de schistes sont aussi appréciables. Globalement, les hydrocarbures gazeux non conventionnels représentent en termes de ressources, un potentiel important de plusieurs milliers de milliards de m³ que nous devons évaluer avec précision.

A l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, nous avons entrepris d'étudier la possibilité de développer ce potentiel et des projets pilotes ont été lancés pour déterminer les meilleures conditions pour en assurer le développement. Grâce à cette intensification de l'effort de recherche et d'exploration, nous consoliderons la base de réserves d'hydrocarbures du pays.

Q.O.: Parallèlement à votre optimisme, des experts affirment que l'Algérie ne sera plus exportatrice de pétrole à l'horizon 2022?

Y.Y.: Cette affirmation n'est pas fondée. L'Algérie sera exportatrice nette d'hydrocarbures bien au-delà de cet horizon et ce, en tenant compte uniquement des réserves actuelles. Les futures découvertes de nouvelles réserves éloigneront encore plus cette perspective.

L'expérience a montré que les réserves de pétrole et du gaz sont en constante réévaluation. En effet, les données disponibles durant les années quatre-vingts sur nos réserves pétrolières d'alors, indiquaient que notre pays ne sera plus exportateur à l'horizon 2000. La réalité est que non seulement nous produisons actuellement plus de pétrole et de gaz, mais nos réserves nous permettent d'envisager de continuer à exporter de nombreuses années encore. En effet, comme je l'ai dit précédemment, le sous-sol algérien reste très inégalement exploré et des régions entières, aux potentialités prometteuses, seront l'objet de notre attention en matière d'exploration. Je citerai notamment le sud-ouest, le nord du pays et l'offshore, ceci est valable pour les ressources conventionnelles.

Et comme je l'ai dit, l'Algérie dispose aussi d'importantes ressources non conventionnelles d'hydrocarbures notamment de gaz naturel.

Ceci pour dire combien le progrès technologique, les efforts d'exploration du domaine minier qui restent relativement faibles et l'adaptation de la législation incitant à l'exploration dans les zones difficiles et/ou visant l'exploitation optimum de nos réserves, ont conduit à des réévaluations du potentiel en hydrocarbures du pays.

Au-delà des ressources en hydrocarbures, l'Algérie a aussi adopté un programme de développement des énergies renouvelables et d'efficacité énergétique qui permettra à terme de préserver des quantités substantielles d'hydrocarbures et ainsi d'allonger la durée de vie de nos réserves pour les besoins de couverture de la demande nationale à très long terme ainsi que des exportations.

L'Algérie, dont la priorité est la satisfaction de la demande énergétique nationale à très long terme, continuera cependant à être un important exportateur d'hydrocarbures, bien au-delà de l'horizon cité dans votre question.

Q.O.: Il est connu que l'Algérie ne transforme pas ses hydrocarbures. Est-ce un choix? Un manque de moyens financiers, de technologie ou alors d'imagination?

Y.Y.: Nous accordons la priorité à la satisfaction du marché national en produits stratégiques, à savoir les produits énergétiques et les carburants. Un important programme de réhabilitation et d'augmentation de capacité de l'outil de raffinage est en cours de réalisation. Et pour satisfaire la demande à long terme du pays, nous démarrons un programme de doublement de nos capacités avec la construction de nouvelles raffineries.

Nous avons aussi fait le choix du développement de la pétrochimie pour répondre à des objectifs stratégiques impératifs de valorisation de nos ressources en hydrocarbures, d'abord pour satisfaire les besoins du marché national en produits pétrochimiques, ensuite pour maximiser la valeur ajoutée tirée de nos ressources et, enfin, pour contribuer au renforcement du tissu industriel national avec pour objectif de stimuler l'investissement en aval au niveau de la transformation finale. Toutes les filières sont concernées par ce programme, les filières plastiques et fibres textiles étant privilégiées. Nous allons également promouvoir la filière engrais. La valorisation combinée de nos phosphates et de notre gaz naturel nous permettra en outre de faire de l'Algérie un important pôle de production et d'exportation d'engrais. Ces filières mettront à la disposition du marché national les matières premières qui permettront la création de nombreuses PME/PMI à travers l'ensemble du territoire national. Nous avons une stratégie très claire avec un certain nombre de défis à relever, mais qui sont largement à notre portée. Nous avons les moyens financiers pour réussir cette entreprise ainsi que l'imagination et la créativité nécessaires, avec pour preuve le nombre de projets identifiés et/ou en cours de maturation, en plus de ceux qui sont en cours de réalisation. Concernant la technologie, nos outils de production et de management seront restructurés autour de notre programme, et nous mettrons également à contribution nos centres de formation et de recherche à l'instar de l'Institut algérien du pétrole. Nous sommes dans la dernière phase d'acceptation organisationnelle pour mettre en place tous les dispositifs idoines pour conduire à bien cette stratégie.

Q.O.: Comment se porte le GNL face à la lancée du gaz schiste?

Y.Y.: La stratégie de développement de notre secteur gazier couvre aussi bien l'amont, le transport, que l'aval. Nous avons des objectifs d'exploration et de développement des ressources conventionnelles, non conventionnelles et dans l'offshore algérien.

Des projets importants sont en cours de développement et nous avons un important portefeuille de projets à lancer dans les prochaines années, notamment dans le sud-ouest du pays. A plus long terme, comme je l'ai dit précédemment, notre objectif est d'accroître significativement nos réserves récupérables en hydrocarbures, liquides et gazeux, et notre potentiel en hydrocarbures conventionnels et non conventionnels que j'ai évoqué, nous permettra de concrétiser cet objectif.

Dans l'aval, deux mégaprojets sont en cours de construction, le premier à Skikda d'une capacité de 4,5 millions de tonnes par an, qui devrait entrer en production en juillet prochain. Le deuxième à Arzew d'une capacité de production de 4,7 millions de tonnes par an et qui devrait entrer en production début 2013.

Une enveloppe supplémentaire d'accompagnement des projets gaziers est consacrée au développement de nouveaux gazoducs, notamment le nouveau gazoduc reliant Rhoude Nouss à Hassi R'mel, dont la mise en service est prévue pour juin 2013, ainsi que le nouveau gazoduc reliant Reggane et Krechba à Hassi R'mel, pour l'évacuation de la production des gisements du sud-ouest. La capacité actuelle de transport de gaz naturel de 32 Gm³ sera portée à 54 Gm³ à fin 2016.

Le GNL n'est donc pas en recul, au contraire, la capacité totale de production devrait atteindre une valeur nominale de plus de 35 milliards de m³ par an et le niveau d'exportations sera défini en fonction des opportunités commerciales garantissant la meilleure valorisation possible.

Q.O.: L'Algérie d'aujourd'hui pense-t-elle laisser quelques réserves d'hydrocarbures à ses générations futures ?

Y.Y.: Les ressources en hydrocarbures que l'Algérie possède sont exploitées de manière à satisfaire en priorité les besoins du marché national. L'affectation des réserves a toujours pris en considération une part importante desdites réserves pour assurer, à très long terme, la demande du marché national, comme j'ai eu à le souligner plus haut. Ces réserves ont toujours fait l'objet d'un traitement particulier, dans les différentes lois sur les hydrocarbures, que ce soit celle de 86-14, de 91 ou la dernière loi et ses amendements 05-07. En effet, le principe de conservation des gisements, édicté par les différentes lois, a été introduit pour garantir une exploitation optimale de nos ressources, de manière à récupérer le niveau le plus élevé des réserves, sans compromettre leur durée de vie. Ce principe garantit que les gisements auront une durée de vie maximale et une production maximale, ce qui permet de réduire le besoin de recourir à l'exploitation de gisements supplémentaires pour maintenir le même niveau de production et de planifier, sur le long terme, le développement de certaines réserves inexploitées pour le bénéficie des générations futures.

De plus, nous avons un domaine minier encore sous- exploré, avec un potentiel important de ressources encore à découvrir, ce qui constitue autant de ressources que les générations futures pourront extraire et exploiter.

Enfin, plusieurs réserves inexploitables aujourd'hui le seront dans le futur, grâce au développement des technologies. L'augmentation du taux de récupération de pétrole brut permettra d'augmenter les quantités récupérées, à partir des gisements existants.

Q.O.: L'Algérie semble, en effet, d'avis d'experts, hésiter à s'engager dans l'exploration de son domaine minier ? Y aurait-il des raisons ?

Y.Y.: Le domaine minier est dans un état très difficile. Les raisons sont que nous n'avons pas formé assez de cadres et n'avons pas fait assez de recherches minières dans le pays. Nous sommes certes, un pays riche en ressources minières mais nous n'avons pas assez de compétences pour les exploiter convenablement et rationnellement. Il y a cependant, un programme pour relancer la recherche par l'Etat dans ce domaine. En 2011, le gouvernement nous a affecté 800 millions de DA à cet effet. Il y a aussi une autre affectation, par les ressources de l'Etat, d'un montant important pour tracer un programme de recherche quinquennal par les soins d'un organisme public, l'ORGM. Ce programme nous permettra de savoir qu'est-ce qu'on a dans le pays et de renouveler les réserves de certains produits dont on a besoin. Nous importons un certain nombre de minerais utiles pour l'industrie mais nous ne savons pas si on en a ou pas assez chez nous. Nous savons par exemple qu'on a du marbre. Il n'est pas normal qu'avec les réserves que nous avons, nous importons 75% de nos besoins.

Il y a le secteur privé qui a commencé la recherche mais l'Etat a l'obligation d'intensifier cette recherche avec ses propres moyens. Et c'est ce qu'on fait, ça a démarré. Nous sommes en train d'essayer de corriger cette situation. Nous avons renforcé le secteur minier en rassemblant toutes les compétences que nous avons en un seul groupe qui est «Manadjem El Djazaïr», en espérant qu'avec cette concentration humaine et matérielle, on ait une capacité technologique plus importante.

Q.O.: Il y a bien eu un début d'exploitation de certaines mines?

Y.Y.: Nous avons de nouvelles mines que nous voulons développer, malheureusement nous n'avons pas choisi les bons partenaires.

Q.O.: Des partenaires étrangers ?

Y.Y.: Oui. Ce sont des petites sociétés qui sont venues pour essayer de faire de bonnes affaires et elles n'ont pas les moyens techniques nécessaires pour développer ces mines d'une façon rationnelle et d'une manière qui puisse assurer la sécurité des populations et protéger l'environnement.

Q.O.: Ces sociétés sont intervenues à quel niveau ?

Y.Y.: Je ne veux citer aucun domaine ni aucune d'entre elles. Mais je peux dire que nous avons eu de mauvaises expériences dans plusieurs domaines.

Q.O.: Vous allez donc geler leurs contrats ?

Y.Y.: En effet. Pour l'exploration, nous n'avons pas de problèmes, mais pour ce qui est de l'exploitation, nous faisons extrêmement attention avant de donner un permis. Nous avons donc un certain nombre de mines qui sont très importantes, qu'il faut exploiter mais d'une manière rationnelle, économique mais surtout sûre pour la population et pour l'environnement.

 Nous avons de grandes réserves en matière de phosphate. Nous exploitons, bon an mal an, entre un milliard et un milliard et demi de phosphate. Nous avons les réserves nécessaires pour exploiter jusqu'à 5 milliards par an, sans beaucoup de difficultés. Un projet de 5 millions de tonnes est déjà lancé. Il exige un certain nombre de conditions, d'abord de l'eau pas loin des gisements, et un ou des partenaires étrangers qui ont les capacités techniques et financières pour transformer ces phosphates. Il exige également la modernisation de la voie ferrée et du port d'exportation. C'est notre priorité, nous sommes en train de le faire. L'objectif, c'est de transformer ces phosphates en engrais et d'accroître la production de phosphate pour l'exporter, soit en tant que telle soit transformée en engrais essentiels. Nous avons, en outre, deux grandes unités d'ammoniac à Arzew, qui vont entrer en production. Nous voulons transformer cet ammoniac en engrais et combiner le phosphate et l'azote pour faire toutes sortes d'engrais. L'objectif est que l'Algérie devienne un grand pôle de production et d'exportation des engrais, dans les années à venir.

Q.O.: Est-ce que l'Algérie a la même approche pour s'engager dans les énergies renouvelables, surtout qu'il lui est reproché de ne pas vouloir sauter le pas dans ce sens ?

Y.Y.: Au contraire, on accélère. Je lis beaucoup de choses, je ne sais pas pourquoi on avance des choses fausses. Le gouvernement a adopté un programme très ambitieux pour les énergies renouvelables. Nous sommes en train de le réaliser. Peut-être que comparés à d'autres pays, nous sommes en retard mais nous ne sommes pas en retard par rapport à notre programme. Nous ne pouvons pas faire, en une année, ce que d'autres ont fait en 10 ou 15 ans. Nous avons un programme très précis qui coûte excessivement cher et le gouvernement a décidé d'affecter une partie de la fiscalité pétrolière pour le financer.

Q.O.: A propos de fiscalité pétrolière, l'Algérie a dû en collecté beaucoup d'argent à l'effet des hausses enregistrées par le prix du baril ?

Y.Y.: Il faut demander au ministère des Finances, ce n'est pas mon rôle de le rendre public.

Q.O.: Beaucoup de choses se disent sur le potentiel national en or, soit qu'on en a beaucoup ou alors quelques grammes seulement. Où se situe votre évaluation ?

Y.Y.: On a une centaine de tonnes d'or dont on est certain. Ce qui veut dire une exploitation de 5 tonnes par an sur 20 ans.

Q.O.: C'est beaucoup ou peu par rapport aux normes universelles ?

Y.Y.: C'est quand même pas mal. Ça c'est ce qui est connu et sûr. Mais ce qui est inconnu est probablement beaucoup plus important. Il faut intensifier l'exploration par nos propres moyens certes mais avec des partenaires étrangers parce que nous n'avons pas assez de compétences. Nous avons des minerais très nobles. Nous avons des diamants. Nous sommes sûrs et certains qu'il y en a mais on ne sait pas où .

Q.O.: Il n'y a pas de techniques modernes qui peuvent les détecter là où ils se trouvent ?

Y.Y.: Si mais on ne les a pas. Nous cherchons également des partenaires pour nous aider à accélérer nos recherches pour trouver ces fameuses localisations de diamants.

Q.O.: L'Afrique du Sud est connue pour avoir la technologie et la technicité qu'il faut ?

Y.Y.: Certes. Nous allons reprendre langue avec les Sud-Africains et essayer d'accélérer nos travaux puisque nous sommes sûrs que nous avons des diamants Nous avons trouvé plusieurs centaines de grains de poussières de diamants dans la région de Reggane et dans les oueds. Les populations locales les appellent d'ailleurs « bled elmas », le pays des diamants. Ces poussières de diamants viennent d'une source, entraînées par des rivières. Vous savez que les diamants se forment dans des cheminées de volcans qui sont enfouis sous le sable. Dans le Hoggar, il y a toutes sortes de minerais.

Q.O.: Les dossiers de recherche sont donc dans le pipe ?

Y.Y.: Tout à fait.

Q.O.: L'Algérie a aussi un programme sur le nucléaire avec l'Afrique du Sud, entre autres pays étrangers. C'est ce qu'il l'a poussée à annoncer à Séoul la création d'un centre d'excellence de formation et d'appui à la sécurité nucléaire ?

Y.Y.: La sécurité et la sûreté nucléaire -il ne faut pas les confondre-, la sûreté étant la sécurité du fonctionnement le réacteur nucléaire, c'est tout ce qui concerne son fonctionnement technique. La sécurité concerne un ensemble beaucoup plus grand, c'est la sécurité des installations, la sécurité des matériaux radioactifs, c'est soit les intrusions dans une centrale électrique, soit un commerce illicite des matériaux radioactifs, etc... Il n'y a pas que le ministère de l'Energie qui est concerné par cette entreprise, il y a les Douanes, les services de Sécurité?

Nous allons effectivement créer un centre d'excellence. Nous allons essayer de le faire démarrer, très rapidement, il sera installé dans des locaux provisoires, en attendant la construction à Alger, d'un siège qui lui sera propre. Il faut former les cadres dans ce domaine parce que comme je l'ai déjà noté, la formation est notre priorité.

Q.O.: Les projets du nucléaire civil avancent bien en Algérie ?

Y.Y.: La priorité c'est la formation. Je ne peux envisager la création d'un réacteur nucléaire sans avoir la ressource humaine qualifiée pour le faire fonctionner et assurer sa sécurité.

Q.O.: L'accord Sonatrach-Anadarko n'a pas été très bien saisi par l'opinion publique. Est-il bon ? Mauvais ? Fallait-il ou pas le signer ?

Y.Y.: C'est bien pour l'Algérie de le faire, c'est bien pour l'entreprise et c'est bien pour nos partenaires. Quand il y a un conflit qui risque de faire porter un énorme préjudice à l'une ou l'autre partie, en général, les deux parties s'assoient autour d'une table, mesurent le risque qu'elles peuvent courir, suite à une décision qui leur serait défavorable. Pour ne pas avoir à supporter quelques risques, on va vers un compromis et c'est ce que nous avons fait. Le compromis est une excellente chose, et pour Sonatrach et pour notre partenaire et pour la crédibilité du pays.

Q.O.: La question relative au stock de pièces de rechange de Sonatrach est sur plusieurs lèvres. Le groupe a-t-il reconstitué son stock après l'avoir « vendu », dit-on, il y a une dizaine d'années, ce qui l'aurait obligée, depuis, à réparer ses machines à l'étranger avec tout ce que cela sous-entendrait comme gaspillage de temps et d'argent ?

Y.Y.: Il y a des milliers et des milliers d'équipements et la plus grande partie de la maintenance, nous la faisons nous-mêmes. Il y a par contre, des pièces qu'on ne sait pas réparer. A l'époque, on transportait les grandes turbines pour les faire réparer à l'étranger parce qu'on n'avait pas les moyens techniques de le faire. Aujourd'hui, on a ces moyens. On a des sociétés mixtes avec un certain nombre de partenaires étrangers dont une est dans la région d'Alger, une autre à Hassi R'mel. Aujourd'hui, on répare nous-mêmes un certain nombre d'équipements qu'on n'était pas capable de réparer avant. Des arbres de compresseurs et bien d'autres équipements sont encore réparés, malheureusement, à l'étranger. Beaucoup de pays le font. Peut-être que nous envoyons à l'étranger 1%, peut-être 2%, ou même 5%, mais nous faisons nous-mêmes la très grande majorité des réparations et de la maintenance et avec nos propres moyens. C'est donc injuste de dire que Sonatrach prend tous ses équipements pour les réparer à l'étranger.

Q.O.: Ce qui est appelé communément «scandale Sonatrach» laisse dire que Sonatrach y a laissé des plumes. A votre (re)prise de fonction à la tête du secteur, comment et dans quel état avez-vous trouvé le Groupe ?

Y.Y.: Sonatrach a subi un énorme choc, un énorme traumatisme. Les personnes qui ont mal agi doivent être poursuivies par la justice. Ceci, il est vrai, a laissé des traces. Nous sommes derrière. Aujourd'hui, Sonatrach a repris confiance en elle-même. C'est une grande société. D'autres sociétés à travers le monde ont connu des scandales et elles ont été mises à genoux. Elles ont été tellement affaiblies qu'elles ont fini par être rachetées par d'autres groupes ou elles ont carrément disparu. Ce n'est pas le cas de Sonatrach parce que c'est une infime partie de cadres qui ont été touchés par ces scandales. Le gros des ressources humaines sont saines et travaillent convenablement. C'est grâce à ses ressources que la production n'a pas été touchée, que les exportations ne l'ont pas été non plus et c'est grâce à elles aussi, que les revenus de l'Algérie sont préservés. C'est quelque chose de formidable pour le pays.

Q.O.: Vous pensez que les séquelles de ces scandales se sont, aujourd'hui, totalement estompées?

Y. Y.: Tout à fait. Nous sommes en train de mettre en place des systèmes de contrôle interne et de gestion plus exigeants de façon d'abord à mettre en place des garde-fous et aussi pour redonner confiance aux responsables de l'entreprise pour qu'ils puissent travailler «en toute sécurité» avec des règles bien claires. Il y actuellement des réunions qui se tiennent au niveau des responsables de Sonatrach pour étudier et mettre en œuvre ces nouvelles règles de contrôle et de gestion. Ce sont des procédures de contrôle interne que nous devons nous imposer dans tous les domaines. Nous sommes en train de faire tout simplement ce que les grandes sociétés pétrolières à travers le monde font. Il faut accroître ces règles de contrôle au niveau interne et les accroître même au niveau externe. Que chacun joue son rôle de façon à préserver l'intérêt de l'entreprise et les intérêts de l'Etat.

Q.O.: Le groupe Sonatrach a repris langue avec les entreprises en Libye ?

Y.Y.: Oui, nous avons une mission qui vient de rentrer en Libye. Dès que les conditions le permettront, nous reprendrons nos activités.

Q.O.: Sonatrach est considérée comme étant un grand pourvoyeur d'emploi mais elle est souvent accusée de faire dans la discrimination ?

Y.Y.: Sonatrach est une entreprise au service du développement national et elle investit massivement pour réaliser les missions que l'Etat lui a confiées. Pour ce faire, elle accorde une importance particulière à la disposition de ressources humaines de qualité pour exploiter ses installations existantes et réaliser les nouveaux projets de développement décidés. Ces besoins sont effectivement importants mais Sonatrach doit les satisfaire d'une manière ciblée et structurée si elle veut atteindre les objectifs stratégiques que l'Etat lui a fixés. Le secteur de l'énergie et des mines a toujours investi dans la ressource humaine et continuera à le faire puisqu'elle constitue sa première richesse. La valorisation de ces ressources nécessite de notre part de veiller à la mise en place d'un ensemble de procédures, de systèmes et de pratiques de gestion pour recruter les meilleurs, motiver et renforcer les compétences de nos personnels afin d'atteindre le niveau le plus performant. Dans ce cadre, Sonatrach a engagé des mesures qui permettent d'assurer la transparence dans le recrutement et d'assurer l'accès équitable à tous.

Q.O.: Le prix du gaz indexé sur le prix du pétrole est une équation qui commence à faire jaser beaucoup de monde, notamment en Occident. Qu'elle est l'approche de l'Algérie en la matière ?

Y.Y.: A l'origine, les pays importateurs d'Europe et d'Asie et les pays exportateurs de gaz ont développé des transactions contractuelles portant sur 20 à 25 ans avec des prix du gaz indexés sur le pétrole et/ou les produits pétroliers, pour financer d'importants projets gaziers et sécuriser des usages de gaz à long terme. Ces contrats constituent une forme de partenariat qui a permis l'essor de la demande gazière mondiale, notamment en Europe et en Asie.

 Aujourd'hui, les formules de prix dans l'essentiel des transactions gazières à travers le monde, à l'exception des Etats-Unis, sont directement ou indirectement liées au prix du pétrole. Nous pensons que le prix du pétrole reste une référence appropriée pour le maintien de l'équilibre des contrats à long terme. Ces préoccupations sont partagées au sein du Forum des pays exportateurs de gaz qui a réitéré à travers la déclaration des chefs d'Etat de novembre dernier l'objectif d'obtention d'un prix qui reflète une équivalence avec le pétrole sur une base calorifique. En vérité, les avantages intrinsèques du gaz naturel en termes d'efficacité énergétique et de protection de l'environnement devraient conférer au gaz un premium additionnel par rapport au pétrole brut.

Q.O.: L'Algérie ne craint-elle pas que son gaz vendu par des contrats à long terme soit déclassé sous les effets des marchés spot qui vendent moins cher et plus rapidement ?

Y. Y.: L'Union européenne s'est fixé pour objectif de développer un marché du gaz en Europe à travers la création de hubs gaziers. Nous considérons que ces marchés spot ne sont ni assez liquides ni assez représentatifs pour remplacer les formules de prix à long terme.

Q.O.: L'Algérie prévoit de signer un mémorandum sur l'énergie avec l'Union européenne. S'apprête-elle alors à accepter de nouvelles règles de jeu européennes ?

Y. Y.: Ce mémorandum permettra à l'Algérie d'établir un partenariat stratégique avec l'Union européenne dans le domaine de l'énergie. Il s'inscrit dans le cadre de nos relations globales avec l'UE. Le projet entre les deux parties est quasiment finalisé. Il couvre le renforcement de la coopération et le partenariat dans les principaux domaines de l'énergie, notamment les énergies renouvelables, le développement d'infrastructures énergétiques d'intérêt commun et d'information mutuelle sur les plans de développement des infrastructures énergétiques. Il vise aussi l'intégration progressive des marchés maghrébins de l'électricité dans la perspective de leur intégration avec le marché européen et enfin la coopération technique dans le domaine de la sûreté et de la sécurité du nucléaire civil.

L'objectif primordial pour l'Algérie dans la conclusion de cet accord stratégique est d'assurer et de renforcer la sécurité de ses débouchés énergétiques, principalement le gaz, vers le marché européen et demain son potentiel d'exportation d'électricité verte.

Q.O.: La question du double prix du gaz est aussi posée à l'Algérie, notamment au niveau de l'OMC. Comment compte-elle s'y prendre?

Y. Y.: Il s'est effectivement posé dans le cadre de notre processus d'accession à l'OMC la question de ce qu'on appelle communément la pratique du système de double prix du gaz, c'est-à-dire la fixation de prix du gaz domestique (il s'agit seulement du gaz livré aux industries et non aux ménages) nettement inférieur à ceux du marché international. Les négociations avec deux grandes puissances commerciales de l'OMC, les Etats-Unis et l'UE, furent extrêmement rudes et difficiles, compte tenu de la volonté de ces derniers d'éliminer ce système qui constitue pour nous l'exploitation légitime d'un avantage comparatif naturel et l'alignement des prix du gaz domestique sur ceux du marché international.

En fin de compte, grâce à notre argumentation juridique et économique présentée à l'OMC au cours des 10 rounds qui se sont succédé depuis 2002, l'Algérie a eu gain de cause sur cet important sujet. En tout état de cause, l'Algérie maintiendra son système de double prix du gaz et préservera sa faculté de réguler les prix du gaz sur le marché intérieur non pas par rapport au marché international mais sur la base de la couverture des coûts avec une marge raisonnable.

Les Etats-Unis dès 2008 et l'UE en 2009 ont accepté ce principe. Il reste à le formaliser concrètement par un engagement juridique de l'Algérie qui sera inscrit dans le rapport du groupe de travail chargé de notre accession.

Il y a lieu aussi de signaler, en liaison avec cette question, la levée opérée par l'UE en décembre 2011 de la taxe antidumping qui frappait depuis 2006 nos exportations de fertilisants.

Je rappelle que l'Arabie Saoudite, en 2005, puis la fédération de Russie en décembre 2011 ont accédé à l'OMC en préservant ce système de double prix, et régulent leurs prix domestiques sur la base du même principe de la couverture des coûts avec une marge raisonnable.

Q.O.: Quelle est la place et le rôle du Forum des pays exportateurs de gaz dans cet ensemble d'acteurs et de pression?

Y.Y.: C'est une organisation gouvernementale internationale qui offre à ses membres un cadre de concertation et de coopération. Ses 15 pays membres détiennent plus des deux tiers des réserves mondiales de gaz naturel et assurent aussi près des deux tiers des exportations. Le Forum n'a pas pour vocation de réguler les prix ou la production. La majorité des membres n'y est pas favorable. Le Forum prône le dialogue et la concertation avec les acteurs institutionnels et les opérateurs économiques des pays consommateurs pour déboucher sur les décisions économiquement rationnelles et profitables à long terme au développement du marché gazier international. Ce dialogue devrait permettre d'identifier les conditions d'un partage équitable de risques entre pays exportateurs et consommateurs à même de favoriser le développement de nouveaux projets gaziers. La déclaration du Sommet des chefs d'Etat qui s'est tenu en novembre dernier reconnaît l'importance des contrats gaziers de long terme comme un instrument de partage des risques entre producteurs et consommateurs et moyen de promotion des investissements nécessaires dans la chaîne gazière. Elle souligne aussi l'importance d'un commun accord autour d'un prix acceptable pour le gaz naturel basé sur une indexation pétrole brut/produits pétroliers avec l'objectif d'aboutir à une convergence entre les prix du gaz et ceux du pétrole qui tienne compte de ses avantages en termes aussi bien d'efficacité énergétique que de premium environnemental.

Q.O.: Que révèlerait la prochaine révision de la loi sur les hydrocarbures?

Y.Y.: Les amendements à la loi sur les hydrocarbures permettront de relancer l'investissement étranger dans l'exploration en introduisant de nouvelles incitations. Cette révision vise, entre autres, à booster l'exploration dans l'offshore et les hydrocarbures non conventionnels, et à ouvrir des opportunités pour attirer des partenaires solides et expérimentés en mesure d'apporter leur savoir-faire technologique et permettre ainsi d'accroître les réserves d'hydrocarbures.

Le programme important d'intensification de l'effort d'exploration qu'a lancé Sonatrach sera consolidé par des partenariats avec les grandes compagnies détentrices de technologie. Dans ce sens, l'intensification concernera non seulement l'augmentation des volumes d'activités dans l'exploration mais aussi l'intensification de l'utilisation de nouvelles technologies. Ces deux paramètres conjugués laissent entrevoir des possibilités d'augmenter de manière très significative nos réserves d'hydrocarbures.

Pour reprendre ce que j'avais dit précédemment, nous sommes naturellement dans l'impératif d'engager des changements de notre cadre législatif pour garantir notre capacité future à continuer à répondre aux besoins du pays en énergie, à contribuer au développement national et à maintenir notre position de leader sur le marché méditerranéen et d'exportateur majeur d'hydrocarbures sur les marchés internationaux. Pour cela, un certain nombre de mesures d'adaptation de la loi 05-07 ont été introduites, celle-ci ayant été élaborée en son temps dans un contexte différent du contexte technologique et économique actuel. Je vous confirme que la règle du 51/49 régissant l'investissement étranger en Algérie dans le secteur des hydrocarbures, qui est une règle fondamentale, ne sera pas concernée par cette révision et que la souveraineté de l'Algérie sur ses réserves naturelles n'est en aucun cas remise en cause. Je tiens à noter aussi que les gisements actuellement en production ne sont pas concernés par ces amendements.



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