Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les putschistes maliens renforcent la rébellion: Kidal encerclé par Ançar Eddine

par Salem Ferdi

Alors que rien n'est réglé à Bamako pour une nouvelle junte isolée au plan interne et externe, une grande partie se joue au nord du pays avec la ville de Kidal comme enjeu militaire et politique.

Si les putschistes, des militaires de grade subalterne, ont justifié leur putsch par la faiblesse des moyens mis à la disposition de l'armée face à la rébellion au Nord, leur action a permis à cette dernière de marquer des points et d'occuper les positions abandonnées par les forces gouvernementales. Les rebelles du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) se sont approchés des grandes villes du nord du Mali. Ainsi le camp militaire d'Anefis, située à 120 km de la ville de Kidal sur la route reliant Gao à Kidal, est passé, sans combat, entre les mains de la rébellion. L'armée s'est retirée à Gao. «Il n'y a plus de hiérarchie militaire. (Les rebelles) vont s'emparer des villes du Nord», a indiqué une source à Tombouctou. Jusqu'à présent les rebelles du MNLA mais également du groupe islamiste des Ançar Eddine ont pris de petites localités sans essayer de se saisir des grandes villes.

ANÇAR EDDINE ENCERCLE KIDAL

Ançar Eddine qui a pris le contrôle de plusieurs localités de Aguelhok, de Tessalit et de Tinezawaten (nord-est) encerclait depuis au moins 48 heures l'importante ville de Kidal. L'armée affirme avoir repoussé une attaque contre la ville. Mais le siège de Kidal se poursuit. Et une chute de la ville entre les mains des rebelles targuis islamistes serait un des plus grands coups portés au pouvoir central, aujourd'hui vacillant, depuis le regain de la rébellion targuie conséquence directe d'un retour des éléments liés au régime de Kadhafi. Pour la junte militaire qui tente, difficilement, de consolider ses positions alors que le président renversé reste introuvable, la chute de Kidal confirmerait que le putsch ne fait qu'aggraver la situation.

Du côté de la rébellion targuie, on ne connaît pas vraiment la nature des relations qui existent entre le MNLA et le groupe des Ançar Eddine. Le MNLA s'est officiellement démarqué de l'appel d'Iyad Ag Ghali pour l'application de la charia au nord du Mali en soulignant dans un communiqué rendu public le 19 mars dernier qu'il se bat pour une République « basée sur les principes de la démocratie et de la laïcité ». Il répondait à un communiqué publié le 18 mars par Ançar Eddine appelant à l'instauration d'une République islamique au nord du Mali. Cette démarcation pourrait être animée par un souci de ne pas susciter des craintes dans la région et éviter d'être associé à Aqmi. En tout état de cause, Ançar Eddine est très actif sur le terrain et a annoncé, samedi, qu'il se préparait à prendre Kidal. Une perspective qui renforcerait sa position au nord face au MNLA et affaiblirait encore plus la nouvelle junte au pouvoir à Bamako qui a appelé, par la voix du capitaine Amadou Sanogo, les Touareg à des discussions pour un « processus de paix». «Je veux qu'ils viennent tous à la même table» au plus vite, «la porte est ouverte», a-t-il lancé. Un appel qui a peu de chance d'être entendu par une rébellion qui profite tactiquement de la situation créée à Bamako par le putsch.

ATT TOUJOURS INTROUVABLE

Le MNLA a déjà indiqué qu'il poursuivra « avec détermination » sa lutte pour l'indépendance de l'Azawad et a exigé le « retrait intégral et sans délais de toutes les administrations et forces d'occupation maliennes de l'ensemble du territoire de l'Azawad». Le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE) n'a pratiquement aucun appui parmi la classe politique malienne. Des personnalités du gouvernement arrêtées et détenues au camp de Kati ont menacé d'entamer une grève de la faim. Dans un message transmis à l'AFP, ils disent se trouver à 14 dans une chambre de 12 mètres carrés, couchés à trois sur un matelas d'une place. «Nos droits élémentaires sont violés». On ne sait toujours pas où se trouve le président Amadou Toumani Touré. Le chef de la junte, le capitaine Sanogo, s'est contenté de dire qu'il « va très bien, il est en sécurité» sans préciser s'il est entre les mains des putschistes. La junte a «invité tous les porteurs d'uniforme à rejoindre les casernes» pour tenter d'enrayer le recours des soldats au pillage. Alors que l'isolement international de la junte est plus fort que jamais, une chute de Kidal serait un coup fatal à un putsch au coût déjà désastreux pour le Mali.