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Algérie : la première ferme aquacole en terre ferme peine à démarrer

par Abdelmalek Touati

«Malikate al Bahr» (Reine des Mers), la première ferme aquacole semi-intensive en terre ferme en Algérie, s'apprête non sans difficultés à entrer en exploitation, marquant le début d'un projet pionnier dans le domaine en Algérie : l'élevage de poissons en circuit ouvert en terre ferme.

Pour M. Djamel Hocini, enseignant à l'école maritime de Béjaia et promoteur du projet, les soucis ne sont pas encore terminés. Lancés en 2005, les travaux de construction des bassins d'élevage et l'installation des équipements de production ont été un véritable parcours du combattant. Autant dire un «classique» pour un investisseur dans un pays comme l'Algérie. Réceptionnée en décembre 2009, donc prête à entrer en production, le projet attend la levée des derniers verrous bureaucratiques pour pouvoir démarrer l'exploitation. «Depuis décembre 2009, les problèmes s'accumulent pour nous et retardent le démarrage de la production,» nous confie M. Hocini qui ne cache pas sa frustration. Il y a eu d'abord le CREDOC, qui a retardé l'importation des aliments du poisson et des alevins. Puis la carte magnétique imposée aux importations qui a pris 2 mois entre la Direction Générale des Impôts et le CNIS pour une histoire d'enregistrement et d'activation. La cargaison de 40 tonnes d'aliment de poisson arrive au port de Béjaia le 5 mai. 5 jours plus tard, une directive du ministère de l'Agriculture tombe comme un cheveu dans la soupe et impose pour ce genre de produit un certificat sanitaire. Evidemment, l'administration des Douanes s'empresse à donner à cette mesure un effet rétroactif. Résultat : la marchandise est en souffrance depuis 3 mois sur les quais avec à la clé des surestaries et droits d'entreposage en millions de centimes.

Usine à poissons

Située sur le site féérique de Tazeboudjt sur Mer, à 15 km à l'ouest de la ville de Béjaia, la ferme s'étale sur une superficie totale de 5500 m², réalisée sur un terrain familial. «Ce projet est surtout le fruit d'une passion pour la mer. Nous aurions pu construire un hôtel ou des bungalows pour les louer et ça aurait pu être plus facile à réaliser mais nous avons une vision différente du développement local», nous confie M. Djamel Hocini. Avec un montage financier de la BADR, le promoteur se lance dans l'une des premières expériences d'aquaculture en Algérie : 76 bassins d'élevage, dont 38 grands bassins de 56 m3 chacun pour le pré-grossissement et le grossissement et 38 autres de 5 m3 chacun destinés à l'élevage de prophylaxie en cas de maladies. La ferme dispose de plusieurs équipements entrant dans l'exploitation dont 02 groupes électrogènes de 60 KVA chacun avec un transformateur de moyenne tension ; 02 pompes hydrauliques centrifuges de 220 m3/heure ; un laboratoire d'analyses de la qualité de l'eau et un filtre bobiné de 220 m3. Une véritable fabrique de poissons à ciel ouvert quand d'autres fermes aquacoles du pays utilisent des bassins en mer pour l'élevage. Au démarrage de l'exploitation, il est prévu une production annuelle de 30 à 50 tonnes de loup de mer et au rythme de croisière, ce volume pourrait atteindre 120 tonnes une fois le processus de grossissement bien maîtrisé. Les ambitions des Hocini ne s'arrêtent pas là malgré les difficultés de démarrage. Une fois l'exploitation lancée, il est prévu l'acquisition de cages de 6 à 12 mètres de diamètre pour l'élevage en mer, tout près du rivage. Montant total du projet : 110 millions de dinars.

Aucun accompagnement technique

Si le financement n'a pas posé problème au promoteur, ce qui est en soi un exploit connaissant les lourdeurs du circuit bancaire dans l'octroi de crédits à l'investissement, sa réalisation a fait face à de nombreuses difficultés techniques et il a fallu faire appel au génie local pour les aplanir. Située sur un terrain accidenté et difficile d'accès, l'acheminement des équipements lourds et volumineux vers la ferme fut un véritable exploit tant la route est exiguë et impraticable. «Quand nos fournisseurs étrangers sont venus visiter la ferme, ils nous ont demandé si on n'avait pas loué un hélicoptère pour acheminer les équipements sur le site» nous confie M. Hocini. «Nous espérons au moins que l'APC de Béjaia daigne engager les travaux pour rendre l'accès plus praticable une fois le démarrage de l'exploitation ».

Pionnière dans le domaine de l'aquaculture, la nouvelle ferme utilise un procédé d'élevage intensif en bassins avec de l'eau de mer renouvelée et oxygénée continu jusqu'à l'arrivée du poisson à maturité. Le processus peut durer jusqu'à 8 mois avant l'arrivée du poisson sur les étals des marchés. Pour pouvoir maîtriser les différentes étapes de production, M. Hocini a dû se documenter et faire appel aux expériences de fermes similaires à l'étranger. «Pour un projet de ce genre qui est le premier en Algérie, le ministère de la Pêche aurait pu nous accompagner techniquement et nous faire bénéficier de l'expertise d'instituts spécialisés. C'est un projet pilote qui peut bénéficier à d'autres opérateurs qui voudraient investir dans ce créneau», nous dit-il.

La ferme doit donc fonctionner avec la seule ténacité de ses promoteurs et leur volonté d'aller jusqu'au bout de leur projet : un autre «classique» pour un investisseur qui s'entête à lancer un projet en Algérie.