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La vache !

par Ali Brahimi

Comment ne pas s'exclamer, comme ci-dessus, en écoutant les effets d'annonce médiatisés à quelques semaines de chaque mois du ramadhan, ou bien avant et après des événements extraordinaires survenus au cours de l'année ?

Visiblement les départements concernés, par la régulation du marché des fruits et légumes et des autres produits alimentaires, affichent avec force leur satisfecit exprimé notamment par celui chargé de l'Agriculture, au sujet de l'amélioration notable de la production agricole dans son ensemble voire largement suffisante par rapport à nos besoins et que, pour preuve démontrent-t-ils, d'importateur durant de longues décennies, le pays devient exportateur dont les dattes, l'orge , et prochainement la pomme de terre et tant d'autres programmés parait-il, et ce, en se fiant aux informations et statistiques fournies par les autorités responsables du secteur tout en sachant que, également, leurs homologues excellent dans ce genre d'effets d'annonce médiatisés à outrance. En vérité, il y a belle lurette que ce type de méprises, vis-à-vis du bon sens et de l'opinion publique, s'est sournoisement ancré dans les états d'esprit de la majorité des décideurs découvrant les point faibles voire les dispositions de ceux/celui se complaisant à n'entendre que les louangeurs sachant le caresser dans le sens du poil.

 A l'image des serviteurs - lemkhadem -, des mausolées maraboutiques, encensant le Cheikh de la Zaouïa. Comme cela se passe d'ailleurs dans les pays d'Afrique du Nord ou le maraboutisme prospère car s'alimentant de prédispositions des gens aux nouvelles extraordinaires ainsi qu'a toutes sortes de rumeurs florissantes notamment dans le milieu rural et au sein des gens en cours de rurbanisation. En d'autres termes : des groupes sociaux obnubilés par des préoccupations existentielles.

 Chez nous, ces penchants à ce genre d'échappatoires psychosociales, on les retrouve dans les agglomérations vétustes ou bien alors dans les nouvelles cités tentaculaires urbaines et semi rurales. Cela est manifeste en observant les gesticulations et en écoutant les discussions notamment entre les jeunes dans ces lieux ou la promiscuité engendre déjà et engendrerait forcément, à terme, de nouveaux comportements. Pour le moment à les écouter, sur des sujets d'intérêt général, on est sidéré par leur niveau culturel et de communications tantôt impressionnant tantôt endormant.

 «Dans les villages algériens, quelque chose se passe. Un début d'autonomisation que le pouvoir soupçonne peu». Conclut-il M. Kamel Daoud dans son billet habituel paru au Quotidien d'Oran du 5 juillet fête de l'indépendance et de la jeunesse. Mais au fait, pourquoi ce dernier rajout ? En vérité, la situation des jeunes dans les villages ne pourrait échapper à une myriade de collaborateurs indiquant au système de gouvernance en place ce genre de dislocation relationnelle et ses éventuelles conséquences.

 Malgré ses origines - en parlant du maraboutisme - soi-disant liées au soufisme, il n'en demeure pas moins que les influences locales, sur le maraboutisme originel ambitionnant d'être austère par souci de protection contre les charmes de la vie terrestre, ont, toutefois, dénaturé son sens initial et qu'il est devenu le siége ou s'exercent toutes sortes de mystifications. En d'autres termes, d'un système d'ascétisme religieux à l'origine, il s'est transformé petit à petit en «Cherk» : prosélytisme exalté et autres pratiques n'hésitons pas à les rapprocher à celles liées au totémisme : amulettes, bougies en cire, égorgement des animaux aux couleurs sombres, adulation des tombeaux, msselmine oua mkatfine - soumis et ligotés - aux cheikhs, cheikhates, etc.

 En vérité, ces élucubrations sont foncièrement aliénantes et aux impacts pervers difficiles à effacer d'un seul coup, d'autant plus qu'elles se régénèrent dans tous les domaines de la vie avec des surprises le plus souvent malheureuses. A l'image des réactions des couches défavorisées restant agrippées à des canulars et autres promesses s'avérant avec le temps du tape-à-l'œil. Cela est d'autant remarquable que désormais l'on prête des dons surnaturels, du genre Papa Noël, en guise de remerciements pour profits octroyés alors que cela relève des droits élémentaires du citoyen dont se loger, de faire éduquer ses enfants proprement et décemment, de se nourrir, de s'autogouverner, etc.

 Pour revenir aux traditions locales liées à l'alimentation, certaines affirment que les fruits secs auraient des vertus mirifiques. La datte représente un cas d'espèce particulier dans ce sens. Son goût fortement sucré stimule tant d'euphories lors des visites dans les zaouïas ou tout simplement à l'occasion de rencontres conviviales. Les enfants se rappelleront, jusqu'à la fin de leur vie, de cette ambiance ou l'encens et la pénombre des mausolées constituent des facteurs favorisants toutes sortes d'exaltations associées aux zerda, hadhra et autres «douceurs» fruitières dont, principalement, les dattes et autres Gharss : pâtes de dattes (1).

 Ainsi, après le bizarre envoi par avion-cargo d'un chargement de la fameuse datte Deglet Nour vers le Soudan en remerciement de son hospitalité en faveur des supporters de l'équipe nationale du football lors de son fameux match contre l'Egypte, les organisations paysannes des deux pays ont annoncé conjointement la possibilité, pour nous autres, d'importer massivement de la viande soudanaise au prix ne dépassant pas 350 DA/kg sur les étals des marchés algériens. C'était au printemps dernier, avant et après la visite des responsables paysans soudanais à leurs homologues algériens et vice-versa. Nous jouissions encore des suites de la victoire des Verts contre les Rouges égyptiens. Cette semaine, le quotidien El Khabar du 6 juillet courant rapporte une information que l'Algérie pourrait bien s'en passer de la viande congelée importée du soudan. Le Président égyptien, pour sa part, avant son voyage Parisien, ce 5 juillet, a fait une escale d'affaires et de raffermissement des liens entre les deux pays. La vache !

A l'occasion de ce 48 iéme anniversaire de l'indépendance nationale, le roi du Maroc, quand a lui, a adressé une lettre de bonnes intentions au président de la République Algérienne. On dirait que les stratèges du Maghzen ont élucidé plus en «détail» le tempérament de la direction actuelle du pays. Ils tentent leur chance de rapprochement en vue de garder intacts leur marge de manœuvre et, surtout, leurs intérêts au Sahara occidental. La vache !

 Le même quotidien, ci-dessus nommé, rapporte dans son édition du 02 juillet dernier l'intention d'hommes d'affaires algériens d'importer cette fois-ci de la viande congelée de? l'Inde. Au prix de 350 DA/kg au niveau des boucheries. En attendant, ces importateurs ont annoncé que cela ne serait possible qu'à la condition qu'ils aient toutes les informations et facilités notamment en taxes et autres «commodités», dont le transport, en la matière.

 Décidemment, la viande du Zébu - bovidé originaire de l'Inde - qu'il soit d'Amérique, d'Afrique ou d'Asie , semble constituer un palliatif de choix depuis quelques années au niveau de la cuisine algérienne incorporant désormais, sans distinction qualitative liée à la santé humaine et la traçabilité réelle dudit produit, dans ses recettes culinaires n'importe quelle matière animale, pour ceux qui peuvent se le permettrent, qu'elle soit importée ou produite localement : A l'image de la viande d'âne haché et autres merguez au goût douteux, etc.

Sur un autre registre, et d'après le Quotidien El Watan du 5 juillet page 11, des éleveurs de la Wilaya de Bougie boudent l'aide de l'Etat souhaitant, à juste titre, développer la vache locale. Ces agriculteurs exigent l'acquisition des bovins importés. Pourtant que la vache de la Soummam est belle, sobre, résistante aux maladies et valorise mieux ce qu'on lui offre comme pâturage.

 Par contre, elle produit peu de lait mais, qu'en revanche, beaucoup de beurre proportionnellement, son poids ne dépasse pas 300 kg, alors que celle importée atteint les 600 kg et donc rapporte plus d'argent issu?des boucheries ; et, qu'enfin, la vache de nos montagnes est rétive à la stabulation entravée. Elle a, en quelque sorte, de l'amazighité dans le sang. Nous retrouvons des variétés de cette lignée bovine de l'extrême Est du Maroc jusqu'aux confins Nord de la Libye. .Ce sui rend difficile sa conduite nécessitant de la patiente et de l'intelligence des gens d'autrefois.

 Donc, elle préféré les grands airs. Anciennement, elle représentait un ensemble de croyances encore vivaces, bien qu'aux temps actuels elles s'effacent de plus en plus, dans les régions attachées aux coutumes et fêtes populaires - touiza, sacrifices, etc. -. Les gens d'aujourd'hui, n'ont plus ces dispositions liées à la maîtrise de ce type d'élevage bovin. Ils s'en foutent éperdument des richesses du terroir La preuve par leur refus d'accepter l'aide de l'Etat en la matière. Ils préfèrent les frisonnes et autres montbéliardes

 Ainsi, ces initiatives louables sont remises en question par leurs auteurs manquant de méthodes, d'arguments et, surtout, de pertinences, d'une part et, d'autre part, par le manque de bonne volonté des bénéficiaires eux-mêmes vis-à-vis de tels projets comme nous venons de le noter ci-dessus.

 D'ailleurs, elles ne concernent pas uniquement le cas des viandes. Elles ont touché les céréales. En effet, ces derniers temps, les intentions de l'organisme céréalier d'exporter une infime partie du soi-disant excédent d'orge se sont limitées finalement à la seule « douce » France tout en sachant qu'il y'a eu, d'après les communiqués dudit organisme, un nombre important d'offres d'autres pays. Ainsi, nous excellons dans les effets d'annonce ciblés, mais subitement versatiles, aussi bien dans le secteur agricole que pour d'autres.

A l'image de la lutte contre la corruption notamment dans le domaine des hydrocarbures touchant bizarrement tous ses paliers alors qu'il n y pas si longtemps ses clignotants étaient au vert ainsi perçus au plus haut niveau de l'Etat. A l'évidence, il semblerait qu'il existe un nouveau genre de glissement voire de ruptures au niveau des rapports de force entre les différentes tendances politico-économiques, entre autres, au sein et pivotantes à la périphérie du centre du pouvoir en place lequel, après tant d'années d'usure au plan interne et externe, semble se trouver à la croisée des chemins.

 Des fois, l'on doute de cette logique ci-dessus mentionnée et, donc, qu'on est entrain de prêter aux gens des qualités et des défauts qu'ils ne les possèdent nullement (2) Pour le moment, et en attendant la suite des événements, nous renforçons notre article par l'adage : «A chacun son métier et les vaches seront bien gardées».

D'une façon générale, et dés lors qu'on est incapable de répondre avec pertinence et exactitude aux conditions posées, dans le cadre des conventions des parties concernées par les échanges commerciaux avantageux parrainés par l'OMC, comment peut-on imaginer un seul instant d'être membre de l'organisation mondiale du commerce et tant d'autres organismes devenus des chasses gardées de quelques puissances ?

 Alors, évitons de nous faire humilier d'avantage de par nos réponses incomplètes voire ineptes lesquelles, à chaque fois, permettent à ladite organisation mondiale et tant d'autres sur divers sujets liés à l'environnement, l'éducation, le développement humain, etc., de nous épingler parmi les moins lotis dans ces domaines et, donc, nous classer parmi les pays ou le mode de gouvernance est incohérent voire incompétent (3).

 Et que, d'autant plus, nous n'avons pas les ressorts nécessaires pour argumenter notre logique - si elle existe ? marchande ; encore moins faire passer nos arguments en la matière. Ainsi que dans d'autres problèmes liés au millénaire entamé, depuis une dizaine d'années, par tout le Monde. Enfin, en matière de logique, nous notons le théorème initiateur du mathématicien français Henri Poincaré énonçant merveilleusement la pertinente formule suivante : «Nous trouvons les solutions aux problèmes qu'on pose et non à ceux qui se posent» Admirable !

 NOTES :

1- Au cours de la nuit, un haschani voyageur avait acheté dans un marché un gros pâté - btana gharss - de dattes écrasées pour sa famille. Passant la nuit dans un Hammam, il réfléchit sur la qualité du fruit qu'il soupçonnait grouillant de larves. Alors, tenaillé par la faim et le contenu du gâteau de dattes, il décidât de manger toute la motte en disant à soi-même : «je t'ai acheté la nuit, je te mangerais la nuit avant de dormir sans voir ce que tu pourrais contenir».

2- Vers la fin des années 1960, le défunt Président Houari Boumediene, en visite dans le Hodna objet d'études, par la FAO, de ses potentialités naturelles, sondait les points de vue de l'élite politico-économique locale de l'époque, sur le devenir de cette plaine riche en ressources hydro agricoles et non encore répertoriées. Leurs interventions ne se différenciaient pas tellement de celles des autres régions du pays en termes d'absence de franchise et de clairvoyance.

En fin de réunion, déçu par la rencontre, il leur adressait son point de vue en sous-entendu acéré comme à son habitude : «il se pourrait qu'on s'est trompé sur la taille du pantalon - le niveau de conscience - des gens. Car, ajoutait-il, la culotte - la mission - s'est avérée trop large pour le gabarit - le missionnaire - en présence».

Et, donc, pour paraphraser à titre posthume sa pensée, il ne saurait pas comment marcher encore moins retenir son pantalon. !

3-    Un haut dirigeant des années 1980, avait formulé sa pensée - peut-être un lapsus de sa part - comme suit : «Il n'existe pas d'Etat qui n'a pas de problèmes et nous, grâce à Dieu, nous n'avons pas de problèmes» Et donc? Un syllogisme typiquement local. Il existe, jusqu'à l'heure actuelle, d'autres balourdises énoncées de la même manière.