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Ernst & Young et le FCE se penchent sur «la chaîne de production» en Algérie

par Samy Injar

La Supply Chain, des approvisionnements des sites de production, à la distribution des produits, donne des cauchemars aux managers. Circonstance aggravante, en Algérie, la chaîne logistique est instable pour les entreprises. Un enjeu essentiel de leur compétitivité sur lequel va travailler le bureau conseil.

« Ne m'en parlez pas !». C'est le premier réflexe de Mourad Atik, chef de chantier pour un promoteur immobilier de Sidi Bel Abbes. «Souvent, je ne sais pas la veille si les équipes vont travailler ou pas à cause des ruptures d'approvisionnements. Avec le chantier de l'autoroute Est-Ouest il y a eu pendant deux ans une tension sur tout, les agrégats, le ciment, le fer. Nous nous sommes retrouvés à acheter en grande quantité pour stocker et cela est devenu encore plus cher». Mourad a cependant un petit sourire narquois lorsqu'il évoque les problèmes des autres bâtisseurs : «l'entreprise Hasnaoui a décroché le plus grand chantier d'habitat du pays, 6000 logements LSP à réaliser sur un même site à Oran. Ils ont déplacé tous leurs moyens de production sur place. Leur procédé de fabrication est très industriel. Je ne sais pas qui s'occupe de coordonner tout cela, mais cela doit être de la folie».

 Sur un tout autre registre, un consultant pour le nouveau groupe de presse «le Temps» des frères Haddad, s'interroge sur sa décision d'acheter des imprimeries par région alors que le tirage de ses journaux n'a pas encore atteint l'échelle qui permet de faire des économies en assurant sa propre impression. «Il risque d'alourdir sa chaîne de production d'un fardeau. Sous-traiter est plus opportun dans ce cas là».

 L'organisation de la chaîne de production est le grand thème de prise de tête des managers ces dernières années. Dans les faits il supplante, et de loin, les goulots des financements bancaires ou les tracas de l'administration fiscale.

Solidarité avec les meilleurs sous-traitants

 Les chefs d'entreprises expriment de plus en plus des besoins de conseils face à la complexification de la gestion de leur chaîne de production intégrant approvisionnement, logistique, stockage organisation sur site et distribution des produits. C'est ce qui a incité Ernst and Young conseils Algérie à programmer en partenariat avec le FCE (Forum des Chefs d'entreprises), une demi-journée d'études sur le management de la Supply Chain. Parmi les enjeux de la Supply Chain, la solidarité financière dans la filière des sous-traitants, une question naissante dans le tissu industriel en Algérie, où les grands donneurs d'ordre (commandes) commencent à s'installer. «On constate trop souvent dans des industries comme l'agro-alimentaire ou les produits bruns que les marges réalisées à un endroit détruisent de la valeur et du cash-flow à un autre. Ce qui oblige certains acteurs de la filière à déposer le bilan. Or ce n'est pas le but du jeu. C'est pourquoi Ernst and Young travaille sur des sujets comme le partage du stock et la réalisation d'inventaires pour valoriser les immobilisations» explique Eric Salviac. Plus globalement, c'est l'instabilité de la chaîne logistique qui diffuse du stress dans la chaîne de production des entreprises. «La plupart de nos clients travaillent avec des fournisseurs dispersés un peu partout en Europe et dans le monde, les organisations évoluent constamment? bref, les Supply chains sont devenus extrêmement instables, ce qui impose une réflexion et une remise en cause permanentes».

La chaîne logistique très instable en Algérie

 L'instabilité des filières logistiques est justement une des sources de tension dans la chaîne de production pour les managers algériens. Les concessionnaires automobiles ont été obligés de revoir toute leur politique de stockage et de distribution depuis que les portes-véhicules sont interdits au port d'Alger. De même que la réservation, depuis août dernier du port d'Alger aux seuls porte-conteneurs a déstabilisé les producteurs dans l'agroalimentaire, la chimie pharmacie ou encore les matériaux de construction, obligés de s'organiser selon d'autres points d'entrée de leurs input sur le territoire algérien. Le contexte réglementaire changeant n'a pas facilité les plannings de production : la restriction au seul crédit documentaire dans le paiement des importations a fait des dégâts en chaîne. «Je suis restée un mois sans produire la moindre boite d'antibiotiques cet hiver à cause d'un blocage avec mes fournisseurs» explique Mme Boudiba de Théracia production. Comment organiser ses stocks en prévision de telles situations ? La suppression du crédit à la consommation a également obligé des producteurs de biens électroniques grand public à revoir leur organisation. L'expertise internationale a avancé sur le management des supply chain en l'appréhendant comme un problème global et désormais un atout différentiel dans la compétitivité des entreprises. En Algérie, la demande en solutions émerge.