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Les raisons de la «colère»

par Belkacem Ahcène-Djaballah

Jamais les sportifs aux besoins spécifiques (communément nommés «handicapés») n'ont rencontré autant de compliments et d'égards de la part des Officiels. Il a fallu que les sportifs communément nommés «valides» reviennent de Tokyo, la besace des médailles totalement vide, avec même quelques «couacs».

Il a fallu que les «handicapés», grâce à leurs victoires et performances aient réussi à faire hisser l'emblème national et faire résonner «Qassamen» par quatre fois ce qui, en ces temps de déprime sanitaire, de confinement ainsi que de provocations internes et externes, a mis beaucoup de baume dans les cœurs. Il a fallu qu'au retour du premier groupe sur le sol national, l'accueil ait été plus que timide; lamentable, pour ne pas dire scandaleux et soit connu assez vite de tous grâce aux réseaux sociaux, les grands médias nationaux, publics et privés, n'ayant pas «couvert», comme il fallait, l'arrivée.

Il est vrai que l'événement lui-même des Jeux paralympiques n'avait suscité aucun engouement de nos rédactions sportives, toutes braquées sur le foot, sur Belmadi, sur les dettes des clubs, sur les rencontres qualificatives pour la Coupe du monde, sur les salaires des joueurs, sur les conflits entre dirigeants de clubs. Il faut noter, ici, au passage, que dans les pays européens (ainsi qu'au Japon qui a consenti d'énormes efforts sanitaires et humains et sacrifices financiers, (car les Jeux paralympiques sont plus délicats à gérer que les JO) pour ne pas aller très loin, la couverture a été e.x.t.r.a.o.r.d.i.n.a.i.r.e, les responsables des médias et du sport ayant compris l'absolue nécessité de diffuser le maximum d'espoirs et de «grinta» à des peuples rongés, depuis deux années, par un virus désespérant et coupable même de perturber les cohésions familiale, sociale et nationale.

Ainsi, comme pour les Jeux Olympiques, on a «couvert, comme il faut», l'évènement, les victoires comme les non-réussites. Un minimum demandé: une participation honorable. Il a fallu, en fait, la «révolte» ou «colère» (à saluer !) du Chef de l'Etat pour que la pendule sportive nouvelle du pays soit remise à l'heure (ou, pour paraphraser une citation occidentale, que «le sport soit remis au centre du village») et que la minorité sportive des «personnes aux besoins spécifiques» soit accueillie, fêtée et récompensée à hauteur de ce qu'elle a apporté comme joies et larmes de bonheur et comme fierté aux téléspectateurs algériens? grâce aux chaînes internationales étrangères et aux réseaux sociaux. En attendant la suite: la mise en application, sans détours et sans lenteur, des orientations (assez précises, il faut le dire et ne souffrant d'aucune interprétation), ainsi que leur élargissement étudié à toute la communauté des «personnes aux besoins spécifiques».

Par ailleurs, tout en se félicitant des accueils officiels et /ou publics actuels (quelques-uns, heureusement rares, trop tapageurs pour être sincères et, surtout durables), c'est toute la stratégie de la communication sportive des (grands) médias publics et privés (bien plus que celles des Administrations et Institutions) qui est à revoir de fond en comble. Désormais, à travers le monde entier et pas seulement en Algérie, les activités sportives sont un tout, participant au renforcement de la cohésion sociale et sur le plan international, à la démonstration, sur le terrain des compétitions, et ce, quel que soit l'endroit où elles se déroulent et quels que soient les résultats (bien sûr, l'idéal est qu'ils soient positifs), à l'image de marque du pays, faite de solidarité, d'humanité et de solidité. Il faut, aussi, se départir de la mentalité de «tueur» ou d'on ne sait quel «guerrier du Sahara» et surtout cultiver celle de «combattant», de «lutteur». Bref, de «bosseur» à la force tranquille qui va jusqu'au bout de ses combats, continuellement «plus haut, plus loin, plus fort», dans le cadre du strict respect des intérêts supérieurs de l'Etat et suprêmes de la nation qu'il représente et non de ses penchants politiques personnels et de ses émotions et calculs passagers et ce, sur les pistes, sur les rings, sur les tatamis et, aussi, en société.