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« Le mal est profond, il n'y a pas de solution »

par Amine Bouali

Ses opinions semblent arrêtées depuis la naissance - en tout cas depuis 1962 - et il est persuadé, non seulement que ce pays est mal parti mais que l'avenir est bouché, que le mal est profond et qu'il n'y a pas de solution. Mais s'il n'y a pas de solution, qu'allons-nous devenir, comment pourrons-nous nous soigner, qui enseignera l'effort et la patience à nos enfants ?

J'essaie de trouver une alternative à son discours nihiliste, un argument pour ne pas décéder immédiatement d'une crise cardiaque. « Il faut voir ce qui se passe, me dit-il, c'est partout la même chose : la gabegie, l'incompétence, la mafia ». « Oui, mais il existe peut-être un début de prise de conscience. L'Algérie, de toute façon, ne peut plus continuer comme avant. Il faut restaurer la confiance, remettre les gens au travail, laisser la place aux jeunes, ne confier les responsabilités qu'aux compétences intègres ».

Les choses sont compliquées mais faut-il pour autant baisser les bras ? « La crise actuelle peut être féconde. Il en sortira certainement un mieux. Et même si on n'obtient pas l'idéal, évitons au moins le pire ! ». « C'est eux le pire, me répond-il. Ils veulent dialoguer mais entre eux ! Ils n'écoutent pas le peuple. Si au moins ils nous promettaient une dictature éclairée ».

Je l'alerte sur la difficulté de la situation qui exige de la sagesse, de ne pas exacerber les tensions, de construire des passerelles. « Je suis pour la révolution, me dit-il, mais je ne me fais pas d'illusions. C'est formidable de marcher chaque vendredi mais c'est certainement pour mieux se reposer ensuite ! La rente hier. La rente demain. La rente est la loi fondamentale de ce pays ».

Je lui assure que je partage sa colère, son immense déception mais pas son pessimisme radical. Je vois bien qu'il se moque de ce qu'il considère être une incapacité de ma part à voir la réalité en face. Mais j'ai beau me faire violence, je ne me résous pas à déclarer mon pays mort et enterré et je n'accepte pas de jeter mes enfants et les enfants de l'Algérie à la mer. A bientôt mon frère ! Sans être tombés d'accord, nous nous sommes quittés bons amis. Selmya ! Selmya !