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Nous sommes les Algériens

par Moncef Wafi

«Algériens, qui sommes-nous ?». A une époque, la question avait fait l'actualité, créant le buzz par excellence. Le point d'interrogation était devenu tellement viral qu'il a fait l'objet de tous les détournements possibles et imaginables. «Les Algériens, chkoun h'na ?», était repris à toutes les sauces, pastiché, grimé, parodié, offrant un moment de pure détente à une question existentielle. Sommes-nous berbères, descendants de Jughurta et Massinissa ? Sommes-nous les fils des Béni Hilal ? Ou encore un mélange entre race autochtone et envahisseurs ? Personne ne pouvait répondre à l'interrogation sans être suspecté de parti pris identitaire et linguistique. Pourtant, et depuis le 22 février dernier, jour de naissance de l'acte I de la deuxième République, nous sommes devenus les Algériens. Sans distinction d'âge, de sexe, de religion ou de niveau intellectuel. Nous sommes les Algériens qui ont poussé, tous ensemble, pour faire tomber le mur de la peur érigé depuis 1962. Nous sommes les Algériens qui sont sortis pour vomir un estomac rempli de bile et de hogra institutionnalisée depuis que la France a quitté le pays par la porte pour revenir par la fenêtre. Nous sommes les Algériens auxquels on a confisqué l'indépendance et travesti l'histoire. Nous sommes les Algériens qui ont repris possession de leur pays pour chasser une poignée d'opportunistes véreux qui ont vendu la dignité d'un peuple contre un compte en banque off-shore et une peau de rechange. Nous sommes les Algériens qui marchent côte-à-côte, main dans la main, parmi une foule sans cesse grandissante pour faire entendre nos voix au-delà des frontières. Nous sommes les Algériens qui ont mis de côté leurs différences, qui ont oublié pour un moment leurs querelles domestiques, pour demander, d'une seule et audible voix, le départ d'un système dont la représentation physique la plus pesante est le cinquième mandat. Nous sommes les Algériens qui découvrent subitement le vrai sens du civisme, nous étonnant nous-mêmes en premier de cette maturité insoupçonnable avant de stupéfier le monde entier. Nous sommes les Algériens devenus graines après avoir été enterrés vivants. Nous sommes les Algériens qui offrent des bonbons à des uniformes au garde-à-vous pour signifier le caractère non violent des manifestations millionnaires. Nous sommes les Algériens et nous formons un peuple uni, malgré tous les clivages et les malentendus, un peuple dont le système avait même oublié l'existence jusqu'à ce 22 Février où le mur tomba.