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Et si Ali Ghediri était le plan B?

par Moncef Wafi

Le taux d'absurdité, un concept emprunté par un ami, Abderrahmane pour ne pas le citer, à la philosophie kafkaïenne, sert à mesurer le degré de l'absurde que le pays a atteint. La situation actuelle révèle un embrouillamini orchestré de derrière les rideaux pour plonger l'Algérie dans le «Fog» meurtrier de Carpenter. Les manœuvres de récupération du mouvement populaire se succèdent pour revendiquer sa paternité, le prendre par la main pour le mener au terminus choisi par quelques ombres ou encore lui donner un caractère partisan trop étroit pour lui. L'opposition, celle incarnée par des visages ridés, professionnels de la rhétorique et peu représentatifs de l'opinion nationale, cherche à se placer, à prendre le train en marche et à s'incruster dans une foule qui a déjà rejeté ses représentants. Tour à tour, Hanoune du PT, Touati du FNA ou encore les islamistes BCBG de la politique algérienne ont été chahutés, lors des marches à Alger. «Dégage» est la seule réponse apportée par le mouvement à ces noms d'un autre âge. L'autre danger vient, directement, des islamistes «hot», ceux pour qui l'opportunisme et la violence ne sont que des outils au service de leurs desseins politiques. Ceux qui sont aussi un outil entre les mains de la manipulation et des partisans intéressés du cinquième mandat pour discréditer un mouvement pacifiste. Cette proximité des islamistes, au centre des foules, ne peut que présager, tôt ou tard, d'une récupération par la force des slogans démocratiques et républicains, scandés jusque-là. Cette opposition, tout comme les partis dits de la majorité présidentielle ne sont qu'une façade en carton-pâte érigée pour faire croire. Donner l'impression d'une pluralité politique aux yeux de l'extérieur et feindre une démocratie de paille pour permettre aux capitales occidentales de faire commerce sur le dos de nos cadavres, en toute bonne conscience.

Les Algériens refusent le cinquième mandat et ils l'ont assez répété pour que les oiseaux sourds le comprennent. Ils ont assez marché pour que leurs semelles vieillissent après qu'on les ait fait marcher pendant des décennies, dans des champs minés, sur des malentendus historiques. Ils ont demandé à ce que le système dégage, que ses représentants boivent de l'acide et se jettent du cinquième étage de la République. Ils entendent à ce que leurs voix aphones arrivent finalement à se faire entendre mais ils ont, souvent, tendance à oublier que ce régime-là ne fera pas de cadeau. Qu'il ne va pas faire ses bagages sans éteindre l'électricité, fermer l'eau et le gaz, fermer la porte à double tour et prendre la clé avec lui en s'en allant à l'aéroport. J'avais écrit que Ali Ghediri est le nouveau Benflis, peut-être que mon raisonnement n'était pas le plus indiqué ou plutôt je ne mesurais pas encore l'instinct de survie de ce système. En effet, et dans le cas de figure où, pour une raison ou une autre, Bouteflika venait à ne pas se représenter, et dans l'hypothèse où le scrutin est toujours d'actualité, on se dirigerait directement vers l'élection d'un président par défaut au lieu et place d'un président par procuration. Et si tout ce chaos était en fait l'ordre voulu et recherché. Et si finalement Ghediri était ce fameux plan B que tout le monde attend. Alors que toutes les voix convergent à un retrait de tous les candidats au 18 Avril, l'ancien militaire de carrière a expliqué qu'il ne pouvait trahir la confiance des 120.000 signataires des formulaires exigés pour le dossier mais facilement celle des millions d'Algériens qui exigent, purement et simplement, la fin de ce système, lui et tous les hommes qui l'incarnent. Un peuple qui a déjà tout compris en appelant, hier, Ghediri à «dégager».