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L'essentiel, c'est le détail
par Moncef Wafi
Quand on
dévie du principal pour aller s'encastrer la tête, la première, dans le décor,
c'est que quelque chose ne tourne pas rond dans le royaume du Danemark. Quand
on s'accroche aux détails, aux figurants du scénario, aux deuxièmes rôles et
aux effets spéciaux bon marché, c'est que l'essentiel est ailleurs. La mort
tragique d'un chanteur raï controversé et l'élection d'une miss Algérie à la
peau noire ont squatté la Une nationale reléguant, à la page 25, le plus
important. Les Algériens se sont découverts des vertus
de communication et de commentaires qu'on ne soupçonnait pas. Sur les réseaux
sociaux, les langues se sont déliées, diluées pour verser leur trop-plein de
venin craché à la face de la bienséance. Houari Manar est devenu un saint pour
les uns, du combustible pour l'enfer pour les autres. Chacun se croyant délégué
par Dieu pour parler en son nom et inscrire le chanteur décédé sur le registre de Azraïn en cochant sur la
colonne du paradis ou du purgatoire. Il a été condamné sur terre alors que
personne ne sait ce que Dieu nous réserve. La miss du Sud a eu aussi son quart
d'heure de gloire non pas pour sa plastique mais pour la couleur de son
épiderme. Il s'est trouvé des commentaires assez maladroits pour remettre son
sacre à cause de son teint alors qu'il aurait simplement suffi de dire
qu'aucune miss Algérie n'a jamais été élue pour sa beauté. Quelques remarques
malvenues ont déclenché une levée de boucliers des bien-pensants faisant croire
à l'opinion internationale que les Algériens sont de parfaits racistes qui
n'ont rien à envier aux démocrates du Ku Klux Klan ou aux militants du Front national.
L'essentiel est ailleurs, dans la proximité d'une date phare pour l'avenir du
pays, pour peu qu'on joue le jeu, dans la contestation sociale qui risque
d'embraser le quotidien, dans la quête de la citoyenneté et dans la justice.
Alors qu'on s'embourbe dans des détails insignifiants comme donner du crédit à
quelques facebookistes idiots, une véritable guerre
médiatique est livrée contre l'Algérie à propos du dossier des migrants
clandestins. La presse française s'est donnée le mot pour un tir de barrage en
règle sur le pays à travers des reportages sur les migrants africains expulsés,
sentant bon le néocolonialisme et la Françafrique. Le
Monde et La Croix ont fait fort convoquant l'empathie
forcée à coups de témoignages à sens unique. On a eu droit à la galerie
complète de portraits de migrants, allant des enfants en bas âge à la femme qui
a accouché dans un commissariat en passant par les hommes chassés dans la rue
et les Algériens payés 2.000 dinars par tête de pipe pour dénoncer les
migrants. Il ne manquait plus que les lynchages et les croix brûlées pour
compléter le tableau.
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