Conviendrait-il
de revenir, une fois de plus, au sujet de cette jeunesse qu'on n'a jamais
essayé de comprendre ni d'écouter ? Oui, il le faut dans la mesure où, c'est la
persistance des mêmes causes qui mène aux mêmes effets!
Si la psychologie du «harrag» (le clandestin) par
exemple est complexe à analyser, c'est parce que la vie qu'il mène l'est aussi
pareillement. Du matin au soir, la vie de nos jeunes est rythmée par les mêmes
scènes d'incompréhension, d'injustice, de mépris, de violence, de bureaucratie.
Partout où ils se tournent, les portes se referment, comme si on leur signifie
que leur présence au pays n'est pas souhaitable, voire inutile. Même l'amour est
cadenassé en Algérie puisque l'acte d'aimer est lui-même tabou et sujet parfois
à de mauvaises interprétations, surtout de la part des religieux. Construits
avec hypocrisie, les clichés sociaux condamnent les jeunes à l'enfermement sur
soi et à un conformisme inhibiteur, lesquels tuent dans l'œuf leur liberté,
leur génie et leur plein épanouissement. »C'est irrespirable !», voilà la
première réponse que m'a donnée un jeune étudiant à la fac d'Alger, sur la voie
de départ à l'étranger, quand je l'ai interrogé sur ses impressions concernant
l'Algérie d'aujourd'hui. Ce sentiment de dégoût, palpable dans les rues et les
foyers, est la résultante des blocages successifs des voies d'écoute et de
dialogue social. Mais pourquoi sommes-nous prêts à condamner les jeunes plutôt
qu'à les écouter, les comprendre, les apaiser ? Il est clair que les
frustrations collectives, conséquence des freins et tabous sociaux, peuvent
exploser et provoquer d'énormes dégâts, quand elles ne sont pas canalisées,
étudiées et soignées à la base. Regardons bien ces phénomènes de kidnappings et
de viols d'enfants, qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène, et
interrogeons-nous avec lucidité sur le pourquoi de l'échec de notre société à
entretenir des comportements sains, équilibrés et ouverts en son sein. A la
vérité, on ne peut pas redresser les torts de celle-ci par l'application de la
peine de mort, un châtiment extrême injuste en lui-même, sur ces jeunes
violeurs-meurtriers, mais en ouvrant le champ d'étude et de traitement de ces
maux à leurs racines. Un jeune, aussi voyou soit-il, ne choisira jamais de se
jeter dans les bras de la délinquance et du crime s'il trouve devant lui une
famille équilibrée, une société compréhensive et ouverte, un pays qui lui donne
des chances réelles d'insertion dans le tissu professionnel.
Autrement
dit, si on ne commence pas, dès à présent, à fortifier l'école, à favoriser
partout l'éducation populaire, à enseigner aux enfants les notions de la
citoyenneté et du respect d'autrui, à consacrer des budgets conséquents aux
secteurs de la culture, on creusera de nos mains la tombe pour cette Algérie,
du reste à la renverse. «Qui ouvre une école», dit un jour le poète Victor
Hugo, «ferme une prison.» A méditer.