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Les biens vacants ne sont pas vacants

par Moncef Wafi

A l'heure où l'Etat montre ses muscles pour museler toutes les libertés quelles qu'elles soient, les loueurs de parasols, du sable et du soleil font, encore, la loi sur les plages de la République. Les derniers incidents entre bandes rivales sur une plage de la Corniche oranaise ainsi que tous les dépassements enregistrés pendant les saisons estivales reposent, avec acuité, cette incapacité chronique des pouvoirs publics à faire respecter les lois.

La gratuité des plages ne reste pourtant qu'une simple vue de l'esprit, une pieuse prière dans le programme du gouvernement, dans un pays où s'accaparer d'une plage, par la force, n'est pas forcément un délit dans le délire de ces gens mais juste un simple retour des choses. Prendre une partie de la plage c'est comme être ?parkingeur', le reste de l'année, un métier qui n'existe qu'en Algérie, à l'abri des lois et de la justice.

Des individus s'autoproclament propriétaires d'un trottoir, d'un espace public et font payer la dîme aux automobilistes. Et gare à ceux qui refusent. Insultes, agressions physiques, racket et vandalisme sur voitures en stationnement, le répertoire agressif de ces parcmètres ambulants est impressionnant. La rue est devenue leur propriété personnelle qu'ils se partagent entre eux. Les parkings, un legs familial et les quartiers savamment découpés en territoire conquis. Pourtant, la solution est facile et toutes les wilayas de l'Algérie doivent prendre exemple sur Batna dont le wali a interdit ces ?parkingueurs' racketteurs.           

Ailleurs, les automobilistes sont laissés en pâture à cette faune de prédateurs, criminels en herbe si ce ne sont pas des repris de justice aguerris, qui dictent leur loi, rackettant au su et au vu de tout le monde, le stationnement.

De quel droit ? Cette appropriation de l'espace public laissé en jachère par l'Etat ne pouvait pas échapper à cette logique de biens vacants qu'on prend par la force. Du couteau ou du cousin bien placé dans les sphères d'Alger. Un bout de trottoir devient propriété personnelle comme d'autres ont privatisé tout un pays.

On délimite un parking comme d'autres ont démoli l'économie nationale pour s'accaparer le foncier industriel au dinar symbolique. On exhibe un gourdin comme d'autres envoient les forces anti-émeutes. Cette logique de la rapine n'est pas horizontale mais verticale, s'épanouissant dans l'impunité mimétique. Et c'est connu, les grands voleurs ne peuvent pas demander l'application de la loi pour les petits délinquants. Et chacun y trouve son compte. Ainsi va l'Algérie. Au moment où on parle d'un Etat fort, de faire face aux dangers extérieurs, le gouvernement n'arrive même pas à juguler des petits voyous qui ont pris, en otage, les Algériens. Ils sont postés aux autres coins des rues, à deux pas des commissariats mais personne n'intervient comme personne n'est intervenu contre ceux qui ont ruiné le pays.