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Que viva le foot !

par Moncef Wafi

L'horloge biologique de l'Algérien est passée de la rupture du jeûne à la Coupe du monde. Et sans transition. Une aubaine pour les fainéants professionnels, les flemmards amateurs, les intermittents du travail et les chômeurs chroniques. Même si les ?Fennecs' se sont fait manger pendant les éliminatoires, le supporteur algérien fait sienne toute équipe qui le botte. Mais pas en touche. Il devient gaga de ce onze pour une raison qu'il est le seul à connaître ou à soupçonner. Un des joueurs est son chouchou ou encore il kiffe grave l'hymne national, la couleur du maillot, il est amoureux de ses supportrices? qu'importe, il devient supporteur invétéré de ce team dont il ne comprend ni la langue ni ne saisit la culture. L'Algérien est sanguin devant un match de foot, il devient l'ennemi de la raison et peut déprimer trois ans si son équipe de cœur ou de location vient à perdre. Le choix est vite fait et il n'y a pas de match neutre. Quand il regarde, c'est pour supporter, invectiver les autres et laisser libre cours à sa frustration atavique. Le choix répond à l'appel du cœur, épouse l'appartenance ethnique et religieuse, se confond avec la proximité géographique et se fait l'écho des accointances politiques. Le rectangle vert devient le réceptacle de ses convictions, absorbe ses lectures politiques et s'abreuve de ses vérités de comptoir. Il a applaudi à la défaite des Saoudiens devant les Russes, est resté neutre face à la confrontation entre l'Iran et le Maroc, a tiqué suite au match des Egyptiens et est attristé par la victoire des Français. Quand un Algérien se plante devant sa télé, chez lui ou dans un café parce que l'abonnement proposé frôle le prohibitif, seul ou en meute, il devient expert es tout. Il est commentateur sportif, entraîneur de renom, éminent théologien, spécialiste géostratégique, espion de sa Majesté, Zembla, Ibrahimovitch, Kadhafi, s'insinue dans l'esprit de Poutine, parle avec Merkel, insulte les rois arabes et maudit Trump et les Israéliens. Chaque rencontre devient épique et il vit le match intensément, ses yeux brillent l'espace de deux mi-temps et il vient jusqu'à oublier que, dehors, on a sifflé la fin de la partie depuis longtemps. Si le foot est l'opium du peuple, en Algérie, il en est le moteur, le baromètre social. Donnez un ballon à l'Algérien, et il vous foutra la paix pendant douze siècles. Son équipe se qualifie au Mondial et vous êtes assurés de quinze mandats sans interruption. Offrez-lui une Coupe du monde à l'œil et il vous oublie pour l'éternité. Vous savez ce qu'il vous reste à faire donc : ramenez un bon coach qui qualifie les ? Verts' pour 2022 ou achetez les droits de retransmission au cas où les Allemands décident de ne plus faire cadeau du Mondial aux déshérités cathodiques. En attendant, la Coupe du monde continue en Russie et vive le Venezuela! Enfin, chacun son choix et ses raisons même si le pays de Maduro ne joue pas.