Est-il normal de croire qu'on est en mesure de financer
pour le long terme la relance économique par la planche à billets ? Est-il
normal que le budget complémentaire publié le 2 mai dernier par le ministère
des Finances prévoit une rallonge de 500 milliards de dinars pour cinq
ministères en même temps qu' «une taxe supplémentaire provisoire préventive»
variant entre 60 % et 200% est imposée sur les importations de produits finis
sans aucune stratégie pour développer l'économie locale? Puis, est-il normal de
continuer à soutenir un dinar faible et en déroute dans l'attente d'une
remontée durable et salutaire du tarif du baril de l'or noir autour des 80
dollars, sans qu'aucun plan sérieux pour diversifier la production nationale n'est avancé ? L'équipe gouvernementale d'Ahmed Ouyahia semble, il est vrai, tergiverser au lieu de
chercher des solutions concrètes pour endiguer la crise. Pire, elle oublie que
l'une des règles basiques de l'économie dit qu'un pays ne produisant presque
rien à part la rente pétrolière subira forcément les contingences de l'économie
libérale. «Marche ou crève!» serait, sans doute, la
devise qu'elle est en train de lancer en ces temps d'incertitude à une
population désemparée à la suite de la brutalité de sa politique d'austérité.
Déjà les répercussions de la feuille de route de l'exécutif donnent le tournis
: le regain de l'inflation à plus de 5% par an alors que le tout-pétrole est
toujours en vigueur, tendant plus à créer des rentiers-prédateurs qu'à résorber
le chômage des jeunes, cette bombe à retardement qui menace l'avenir de la
nation. En outre, rien n'est fait concrètement pour attirer les investisseurs
étrangers, la clé de voûte de toute dynamique nouvelle de développement, même
si la loi de finances complémentaire prévoit que ces derniers pourraient se
voir concéder désormais des terres agricoles. Bref, entre protectionnisme mal
programmé et tendances ultralibérales injustifiées sur fond d'instabilité des
réglementations douanières et fiscales et un manque sérieux de volonté pour se
lancer dans une véritable culture de start-up et d'entreprise, compatible avec
le monde moderne, le gouvernement navigue aujourd'hui à vue. Cela reflète toute
la fièvre qui s'est emparée de lui après une période d'opulence budgétaire où
le coût d'importations des seuls chewing-gum et mayonnaise (45 millions de
dollars), dépasse celui de l'exportation des dattes (40 millions de dollars)!