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Les blouses
blanches ont manifesté par milliers dans les rues des villes
hospitalo-universitaires hormis Alger qui demeure encore soumise à un
traitement très spécial quand il s'agit de marches ou de sit-in perçus comme
menaçant l'ordre public. La frilosité des pouvoirs publics d'autoriser des
manifestations de protestation, pacifiques soient-elles, est inscrite dans leur
mémoire récente pour ne plus risquer les violences et le saccage des biens
publics et privés survenus le 14 juin 2001 à Alger et sa périphérie, lors de la
grande marche du mouvement des Aarchs. Des tentatives
récurrentes pour manifester à Alger pendant le «Printemps arabe» ont focalisé
les Algériens et ont semé en eux la peur d'être contaminés par ce qui s'est
arrivé en Tunisie puis en Libye et en Syrie. A ce moment-là, une symbiose
s'était instaurée dans la société qui n'était pas prête à retenter de jouer
avec le diable. Cette période avait réquisitionné un énorme dispositif
sécuritaire faisant tisser sur Alger un maillage impressionnant. Depuis, les
pouvoirs ne lâchent plus prise bien que la situation ait beaucoup évolué. Ni
les revendications socioprofessionnelles ni les marches de soutien à des causes
justes n'y sont tolérées. Quant à l'expression partisane, elle y est confinée
et soumise à des autorisations aléatoires. Tout ceci commence aujourd'hui à
choquer et à créer un réel malaise au sein de ceux qui se sentent floués par
les tournures. Hier, ils avaient la ferme conviction que plus rien ne sera
comme avant. L'État qu'ils ont défendu avec tous les risques et tous les
sacrifices n'allait pas les laisser sur le carreau. Mais ce sentiment s'étiole
et s'effiloche à chaque fois où l'on est devant l'arbitraire, le racket et le
mépris conscient ou inconscient de ceux qui ont vite oublié ces enseignants,
ces médecins, ces journalistes, ces intellectuels, ces artistes? qui ne sont
plus là. L'épine dorsale sur laquelle repose un pays n'est pas ses armes et ses
arsenaux et encore moins ceux qui ont assuré leurs arrières et ceux de leurs
rejetons. Beaucoup d'exemples au cours de l'Histoire et à travers la géographie
nous les montrent. Des pays sont tombés comme des châteaux de cartes. Les
premiers à avoir applaudi naïvement le conquérant « libérateur » étaient
ceux-là, les opprimés et les marginalisés gonflés de sentiments de vengeance
pour avoir été les moins que rien, pendant que des parasites siphonnent le jus.
On assiste aujourd'hui à l'instrumentalisation, à des fins mercantiles, de ce qu'on interdit aux autres. Ceci peut s'avérer être périlleux et dangereux pour tous. Les petits calculs d'épicier ravivent des sentiments ayant déjà fait des ravages dans un passé révolutionnaire frappé de bleuite. De l'ignorance jalousée qui casse du savoir acquis à l'effort et aux nuits blanches. Du crétinisme contre l'intelligence. De l'unilingue contre le polyglotte. Du blindé de certitudes contre l'apaisé dans ses convictions. De l'allongé sur le dos contre le créatif... Le fossé se creuse. Enfin, le corps médical a marché dans les rues d'Oran, de Constantine?, prouvant sa maturité intellectuelle et son attachement aux lois de la République. Il n'est ni ce traître voulant charcuter le pays ni ce casseur venu régler ses comptes au policier. Il a gagné en estime là où la répression en a perdu des points, rappelant à ceux qui ne veulent pas l'entendre que personne n'a le droit de tabasser personne. |