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Echec et mat

par Moncef Wafi

Le pain à 15 DA et les Algériens continuent d'aller à l'abattoir des prix, sans se retourner, même si l'augmentation est illégale, selon El Mouradia. Tête basse, les yeux vides et les mains ballants, ils trottinent docilement, se suivant à la queue leu-leu, incapables de la moindre réaction. Le peuple, à force de persuasion qu'il est assisté, a fini par se convaincre que son destin est de se coucher, le col sur le billot, chez le boucher. Le boulanger.

Les impôts. La pompe d'essence. Le vendeur de légumes. Enfin partout dans cette Algérie qui leur tourne inlassablement le dos. Une poignée de boulangers est arrivée à mettre en échec tout un gouvernement et ses promesses sur la stabilité des prix des produits subventionnés. Tout comme l'ont fait avant eux les ?parkingeurs', les transporteurs et les marchands de l'informel.

Un pays qui n'est même pas capable de faire respecter l'interdiction des pétards qui se vendent dans les grandes artères de la capitale, au vu et su d e tous. Echec et mat, la politique du gouvernement est en train de s'effriter et ce ne sont, certainement pas, les menaces des directions de Commerce qui changeront grand-chose à cette déconfiture. En effet, en décidant d'augmenter le carburant, on ouvre grand la porte à toutes les hausses des produits annexes dans un effet domino qui risque de faire vaciller la grande pyramide. Est-il concevable, donc, de s'abriter derrière la répression pour faire respecter la loi ? La tendance actuelle n'étant pas au dialogue, les pouvoirs publics préfèrent utiliser la force de frappe que celle de la persuasion. Dans ce bras de fer, les Algériens sont les premiers perdants puisque gros consommateur et gaspilleur de pain, au monde et l'idéal c'est que les boulangers reviennent sur leur décision, que l'Etat n'ait plus recours aux augmentations, à chaque fois qu'il a besoin d'argent de poche et que le peuple gaspille moins. Ça c'est l'idéal mais la vérité est ailleurs, dans cette logique de bien-vacant et de la fuite en avant. L'épisode du pain n'est que symptomatique d'un pays en voie de désintégration, qui mange ses propres viscères et crache ses enfants dans la Méditerranée. De hausses en hausses, actées par un Parlement autiste et schizophrène, les Algériens vont assister, impuissants, à l'érosion d'un pouvoir d'achat réduit à sa plus simple expression. Le quotidien d'un ménage ressemblera à s'y méprendre à un parcours d'obstacles, avec au bout une place dans une embarcation, pour ailleurs. Alors, elle n'est pas belle la vie en barque !