Dans
13 ans, l'Algérie comptera 51 millions d'habitants. Selon l'ONS, ce chiffre
sera allègrement atteint dans un pays où le taux de natalité explose. Bien sûr,
les bienfaits de la politique sanitaire dans le pays ont fait que la mortalité
recule et que la longévité des femmes et des hommes va au-delà des 70 ans. Mais
ce qu'il y a d'extraordinaire dans le dernier état de la population algérienne,
c'est qu'en Algérie, le nombre d'Algériens augmente de presque un million
chaque année depuis trois ans. Depuis exactement la baisse du prix du baril et
la lente chute des recettes pétrolières. L'ONS, qui a établi qu'il y a eu un
accroissement de la population algérienne de 900.000 personnes entre 2016 et
2017, ne donne pas d'explication exhaustive à ce boom des naissances. Tout
juste une certitude effrayante: des naissances de plus
de 900.000 chaque année depuis trois ans. Et à ce rythme, les perspectives sont
doublement inquiétantes.
D'abord,
que les nouveaux arrivés, et vu les restrictions de toutes sortes imposées au
pays, dont l'accès au travail, vont grossir à n'en pas douter les bataillons
des chômeurs et des «hittistes». Ensuite, que le
surnombre de population, jeune de surcroît, va exercer une terrible pression
sur les réserves de nourriture, de transport, de routes, d'hôpitaux, d'écoles?
Les produits agricoles ne vont plus suffire, les importations de nourriture
vont augmenter et les Algériens vont vraiment, dans quelques années, vivre pour
manger. Quelle aubaine, quelle chance ! Etre hittiste
et manger à sa faim ! Cela ne se passe que dans notre pays. Le paradoxe de
cette situation est que cette explosion des naissances n'est pas directement
induite par la hausse des mariages, ceux-ci étant en baisse de 3,4%, et encore
plus par les désunions, en hausse de 3,7% en 2016. Alors, question:
pourquoi ce grand nombre de naissances, soudain, et juste au plus mauvais
moment ? A un moment où le pays connaît une gravissime crise financière, et
donc que l'alimentation de ces bouches supplémentaires à nourrir va devenir un
casse-tête chinois? En son temps, Malthus aurait
trouvé cela louche, et même les plus inhumains des économistes n'auraient
jamais pu comprendre ce phénomène. Pourtant, un Algérien lambda peut facilement
décrypter cette énigme, car le peuple algérien n'est ni masochiste ni sadique.
Il s'agit tout simplement de l'une de ses nombreuses caractéristiques:
la destruction et la bravade contre tout ce qui vient de la Houkouma.
«Z'kara». Comme la notion de «beylik» n'existe plus,
et plus généralement tout ce qui est «public», donc susceptible d'être piétiné,
il est loisible aujourd'hui de voir avec quel enthousiasme les Algériens sont
en train de détruire le «beylik» en exerçant une terrible pression sur les
services sociaux, et la production de nourriture. On retrouve donc chez
l'Algérien l'antithèse de tous les concepts malthusiens, à savoir une
destruction systématique et forcenée de tous ce qui se rapproche ou a une relation avec l'Etat. Et donc, comme l'Etat est fort
et dispose de la force publique, les Algériens, pour éviter un catastrophique
affrontement, sont parvenus à créer leur propre ?'ADM'', en améliorant leur
fertilité et en faisant, plus que les Chinois, exploser les statistiques des
naissances. Une arme de destruction massive conçue pour rappeler tous les
espoirs perdus d'une vie décente, pour répondre à toutes les incuries et les
injustices. Et comme de toute façon rien ne va changer dans ce pays, même
au-delà de 2030, alors, on se fabrique, au sein du petit peuple, sa propre
vengeance comme un «plat froid». Qui traverse les hommes et le temps: la surpopulation.