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Les longues soirées de Ramadhan

par Mahdi Boukhalfa

Un Ramadhan particulier attend les Algériens, cette année de grâce 2017 ! A la table des jeûneurs, il y aura beaucoup de plats, un menu varié, des nouveautés, à commenter largement durant les longues soirées de ce mois de carême. Comme entrée, il y aura une recette politique, avec l'annonce du début de la nouvelle législature qui va commencer ce mardi. Les nouveaux membres de l'Assemblée populaire nationale (APN), comme les «anciens», vont entrer pour la première fois de leur vie dans l'hémicycle. Les Algériens qui leur ont donné leurs voix attendent avec une certaine impatience comment ils vont se comporter. Et, surtout, s'ils vont concrétiser et remplir leurs promesses électorales, une fois bien installés dans les fauteuils de l'Assemblée. Les prochaines nuits de Ramadhan vont bruisser de la première rencontre de ces députés avec leurs nouvelles responsabilités et, surtout, s'ils ont été gauches ou bien droits lors de leur première entrée dans l'imposant immeuble de l'APN. Les Algériens sont friands d'anecdotes sur les députés, et leur vie de parlementaire, comment ils lèvent la main pour voter une loi impopulaire, combien de temps ont-ils roupillé entre deux séances de vote après un copieux déjeuner, etc. Bref, des postures et des comportements largement filmés par les caméras, au point que souvent les contribuables et autres électeurs à leurs moments politiques perdus pensent le plus sérieusement du monde que même un vendeur de cacahuètes peut être député.

Deuxième menu à la table des jeûneurs qui s'invite cette année, ce sera la composante du gouvernement qui devrait être annoncée juste avant ou après le début du prochain Ramadhan. Et là, des milliers de tasses de café, de thé, de verres de sirop ou de «cherbet» ne suffiront pas pour satisfaire la curiosité des uns et des autres quant au secret bien gardé des choix pour désigner un ministre. Tellement secret ce choix que parfois, au détour d'une conversation dans un café bien «maure», après le f'tour, quelqu'un dira: «Ouf, il y a au moins un ministre que je connais», ou «il y a enfin quelqu'un proche de ma tribu dans ce gouvernement». Bref, au cours des premiers jours de ce mois de Ramadhan, il n'est pas dit que la mercuriale va ravir la vedette à la politique, en ces temps moroses et flippants où les Algériens comparent une équipe gouvernementale à une équipe de football. Alors que si le prochain gouvernement aura dans ses rangs des gens incolores et inodores, connus pour leur probité et qui n'ont jamais joué pour des clubs comme le FLN, le RND, TAJ, le MPA et même Talaie El Hourryet, et tous les partis d'ici et d'ailleurs, alors là, il y aura du nouveau.

Du vrai changement, un état de grâce social et politique qui vient adoucir les chaudes journées qui s'annoncent pour ce mois de Ramadhan. D'autant que les journées seront également longues, alors, il y aura tout le temps avant et après le «maghreb» pour deviser tranquillement sur ce que le prochain gouvernement va apporter de neuf, ce que le nouveau Parlement va tolérer comme dépassements de l'exécutif dans la gouvernance et, surtout, si le commerce extérieur ne sera pas revu avec l'importation de nouveaux produits innovants, style «matière grise 3.0» au lieu de la viande congelée, pour améliorer la qualité de la consommation des Algériens. Car tous les gouvernements et les Parlements qui se succèdent depuis le plan anti-pénuries de 1984, le fameux «PAP», ne perçoivent pas les Algériens au-delà de leurs besoins biologiques de nourriture, et que pour eux, donc, l'Algérie tout entière est devenue un restaurant à gérer.        

A bien alimenter, pour éviter les grognements et autres récriminations. Pour la paix sociale, un Parlement taillé sur mesure et un gouvernement qui s'efforce d'être populaire.