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Une histoire de boule de cristal

par Mahdi Boukhalfa

Voilà, c'est fait ! Au Conseil constitutionnel on estime avoir fait son devoir après avoir donné son verdict sur les 295 recours relatifs au déroulement du dernier scrutin. Des sièges ont été ajoutés à des partis, comme le FNA de Moussa Touati qui a fini, après avoir été dépossédé de son unique siège de Relizane, par avoir «gain de cause» en obtenant un siège à Blida, et sans doute une raison valable pour l'arrêt de la grève de la faim. Le MSP, un sigle qui sonne comme un fameux cuirassé de la Seconde Guerre mondiale, a lui aussi obtenu deux sièges supplémentaires, tout comme TAJ.  

Le FLN, qui a remporté ces législatives a, lui, perdu trois sièges, et passe de 164 à 161 sièges dans la future assemblée.

L'annonce des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel est en fait une confirmation que ces élections ne se sont pas déroulées dans la transparence, comme cela devait l'être. Le FLN est ainsi confronté à ses vieux démons avec la défalcation de trois sièges de son compte.

L'autre remarque à tirer du verdict définitif du Conseil constitutionnel est que le nombre important de recours -295- et ceux qui ont donné suite à des réponses favorables, est vraiment dérisoire, sinon insultant, pour les partis mécontents du déroulement de ces élections. En fait, sur les 295 recours, une vingtaine seulement a donné lieu à des décisions, le reste est passé à la trappe. Ce qui montre à quel point le fossé est énorme entre les espérances de transparence et de crédibilité des élections dans notre pays, et la réalité amère des choses telles qu'elles se passent dans les bureaux de vote.

Des témoignages font vraiment froid dans le dos avec des urnes volées, ces autres urnes remplacées comme des tours de «passe-passe'' ou ces observateurs de partis à qui on dit d'aller se faire voir ailleurs au risque d'être tabassés. Au final, les résultats donnent l'impression que l'Algérie n'a pas évolué d'un iota dans l'organisation et la gestion des processus électoraux. Le plus fort ou le plus proche du centre du pouvoir gagne, mais d'une manière qui hypothèque en permanence les chances du pays d'entrer dans le cercle vertueux des Nations qui font honneur à leurs peuples en respectant leurs choix, leur volonté d'avoir les gouvernants qu'ils veulent, leurs représentants au sein des institutions parlementaires.

Hélas, en invalidant les 3/4 des recours des partis, le Conseil constitutionnel se désavoue et donne raison, quelque part, à ce silence assourdissant des urnes, boudées par les électeurs. La sentence du Conseil constitutionnel sonne également comme un désaveu au ministre de la Justice qui avait annoncé qu'il y aurait des enquêtes judiciaires sur des cas de fraude avérée. Simple effet d'annonce ?

Au final, les Algériens, du moins ceux qui ont une carte d'électeur, et ils seraient très peu nombreux par rapport à ceux en âge de voter, auront donc raison d'avoir boudé ces élections au profit d'une partie de pêche, ou d'être allés rendre visite au bled à leurs proches.

Donc, les Algériens, au vu des résultats de ces élections, validés définitivement par le Conseil constitutionnel, qui ne sont pas partis voter pour mille et une raisons, ou ceux qui ont tout simplement refusé de voter par défiance au pouvoir, les «boycotteurs», se voient confortés dans leur opinion vis-à-vis des élections telles qu'elles sont organisées et telles qu'elles se déroulent depuis un quart de siècle au moins dans notre pays. Le verdict officiel de ces élections, corrélé à la courbe du coût et de la qualité de vie en Algérie, serait catastrophique.

Les chefs de partis de l'opposition, non sans raison, auront donc tous les griefs du monde pour se mettre en colère. Ne se sentent-ils pas grugés dans leur espoir d'avoir des urnes transparentes et non des boules de cristal?