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Grine au four, Bedoui au moulin

par El Yazid Dib

Par principe cardinal, le taux de participation n'est ni l'affaire de l'Etat ni le souci de l'administration. C'est aux partis d'en assumer la toute responsabilité. Ce sont eux les moteurs de la dynamique politique. L'Etat n'agit pas en leurs noms, il les accompagne. Une campagne reste par essence, définition et philosophie, une action de la prérogative partisane. Elle est supposée contenir deux aspects. L'un est de créer cet engouement chez l'électeur d'aller poster son enveloppe quelle que soit la couleur qu'elle contient, l'autre est d'y mettre de préférence le bulletin que l'on devait vendre comme un programme, un salut ou une bénédiction de dernière heure.

L'impossible est toujours possible en politique. A une journée près du lancement officiel, l'on ne voit que des plateaux où viennent quelques leaders ou leurs porte-voix charmer l'audimat. Alors que le gouvernement, pris en tenaille par la constitution, la haute instance de surveillance, l'opinion publique s'attelle à secourir le crédit des acteurs politiques, il n'empêche pas de se voir recevoir un tas de diatribes et d'admonestations, parfois par ceux-là qu'il tente de sauver. Le ministre de la Communication s'est distingué par une témérité sans qu'il ait « de parti pris ou de couleur politique » pour avoir édicté une charte d'éthique cadrant le débat politique, lequel ne semble pas resurgir de si tôt et qui avait généré un tollé jusqu'au-delà du territoire. C'était là, croit-on comprendre, une façon de secouer la léthargie qui s'installe dans la communication du paysage politique. En assenant : « tous les partis sont égaux », Grine porte un redressement à la tentative médiatique d'un certain parti de faire croire que c'est lui la nation, l'Etat et le gouvernement. Ce sont de telles fausses assurances qui chuchotent l'impression que tout est déjà fait, réglé et ficelé. Cependant « la charte » devait de s'agrémenter dans une circulaire à teneur impérative et imposable à tous. Une charte suppose une adhésion volontaire et loin de toute coercition. La sanction ainsi pour toute transgression ne sera que morale et non pénale. Une charte n'est pas un code. C'est un respect d'une conscience professionnelle. Et si le boycott parait être une position politique somme toute légitime, c'est aux partis de l'exercer en zappant en prime le dépôt de candidatures. En privilégiant l'appel à l'abstention, l'on déchoira l'électeur de son expression.

Bedoui de son côté, ministre faisant presque l'unanimité dans la cohésion qu'il suscite pour la mise en état de réussite de ces élections, prend la participation non pas pour une décision politique mais comme un acte citoyen s'exprimant par une voix. Il ne semble pas dire venez voter mais allez le faire. Il ne se place pas au dessus d'une urne, il se met en électeur en face d'elle. « Fais entendre ta voix » reste à l'entendre se dire une forte incitation à l'expression quel que soit le ton de celle-ci.

Le propre d'une élection c'est sa consécration par la légitimité populaire. Il est vain de continuer à rabâcher l'absence de cette légitimité si l'urne reste vide, malgré le chétif menu offert. C'est aussi un outil qui permet de faire asseoir, sans effraction ni violence, une légalité affranchie de tout péché. Comme le pouvoir demeure l'un des principaux buts à atteindre par le biais des urnes, quand il n'est plus possible de l'avoir par la gâchette ou le vacarme des rues, l'enjeu devient aussi dangereux que la revendication pour l'alternative dans le commandement politique. Le fait de voter, pensent certains observateurs invétérés, atténuera la rumeur persistance que tout va se faire dans la fraude quand une autre rumeur affirme que le jeu est déjà fini. Ainsi pensent-ils que le discours de l'excuse de la stabilité politique ou de l'intégrité territoriale dépasse en vrai le simple argumentaire de stimuler l'électorat. Une vérité qu'affermissent le dérèglement régional et la menace géo-militaire.

Si les deux ministres, non affiliés en outre à un parti sauf celui du « professionnalisme et de l'Algérie », dixit Grine, sont en prêche, il en est complexement autre pour d'autres de leurs collègues. Grine au four, Bedoui au moulin, et les autres ? ? au festin.