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La crise !

par Mohamed Salah

La crise n'est ni misogyne ni raciste. Elle aime aussi bien le bédouin buveur d'urine de chameau que le bouffeur de bananes, selon le slogan publicitaire du FN français. Même les rois et princes saoudiens, grands amateurs de folles soirées arrosées sur les yachts, ont été touchés par la chute des prix du pétrole, c'est dire si l'heure est grave. En effet, le Royaume vient de découvrir que ses fonctionnaires sont de petits privilégiés du système et ont décidé de les ponctionner. Pas directement mais en changeant simplement leur calendrier. L'Arabie saoudite a opté pour le grégorien, remisant le calendrier hégirien aux oubliettes de l'histoire comme elle a fait en transformant les Lieux saints en un gigantesque complexe à faire des dollars. Le wahhâbisme, pour ceux qui en doutent encore, ne fait pas partie des grandes maisons de l'Islam, flirtant avec un obscur courant religieux rigoriste qui exporte la violence confessionnelle dans les pays arabes, semant mort et fitna. La crise nous touche aussi en Algérie. Il faut dire qu'elle nous a pris de volée, une droite à la pommette, un uppercut à la mâchoire et un vicieux coup de savate au bide. Elle nous a laissés à terre, groggy, incapable de nous redresser. Elle est passée et nous sentons encore ses gnons. La crise ne fait que s'installer et déjà que ses effets pervers commencent à se faire ressentir. Et comme en Arabie Saoudite, même si on n'a pas les mêmes privilèges tout en partageant les mêmes désagréments, c'est le citoyen qui est le premier servi. Tu trinques, tu veux ou tu ne veux pas. On ne demande même pas ton avis et si tu refuses de prendre ton verre, on te fera boire la bouteille tout entière et au goulot s'il vous plaît. On te rendra responsable de la crise, on te montrera du doigt et les médias payés par notre argent te traiteront de parasite et de vendu qui n'aime pas son pays. On dira que le gouvernement fait des heures sup pour trouver une solution qui te sortira de la mouise et que les ministres travaillent dur pour que tu ne raques pas plus. Tu deviens vite un problème à résoudre. A dissoudre. Ton pain, ton lait, tes médocs, les études de tes enfants et le patronat de crier après les subventions qu'il préfère voir dans sa poche que distribuées aux Algériens. Tu déranges toi, ton existence et celle des tiens, alors que le prix du pétrole ne veut pas rebondir pour arroser les périphéries du pouvoir. Mais la crise en Algérie est sélective, elle choisit ses victimes parmi la masse uniforme des moutons et menace de décapiter toute tête qui se relève. Elle ne peut pas accéder aux étages supérieurs de la République parce qu'il n'y a ni ascenseurs ni escaliers. C'est comme ça et pas autrement !