Le problème
n°1 de nos masses vient du fait que cellesci se
laissent affaiblir de jour en jour par le poids de la routine sans qu'elles ne
s'en rendent vraiment compte. Je pense, en écrivant cette première ligne, à
l'absence de la lecture dans nos espaces publics. Absence combien criante qui
souligne d'ailleurs en creux la mort à petit feu de la conscience citoyenne au
sein de notre société. En vérité, notre drame culturel en
Algérie se passe de tout commentaire : les cinémas, les théâtres et les musées,
si tant est qu'il en reste certains souvent en mauvais état, sont rarement
visités par les citoyens ; les librairies ne sont que des locaux aussi sombres
que vétustes qui se vident au fil des années, les kiosques transformés en dépôt
de boissons et de tabac et les journaux, lesquels ne coûtant pas pourtant les
yeux de la tête, sont de moins en moins achetés. Ajoutés à la rareté des
débats contradictoires, ces manques ont débouché sur le désert culturel que
l'on constate tous. Dommage! Même l'internet et les
réseaux sociaux qui peuvent offrir un agréable contrepoint à la culture n'y ont
rien redressé. Mais qu'est-ce qui nous arrive?
Sommes-nous à ce point touchés par ce somnifère de la rente?
Ou c'est carrément l'effet de l'oralité, laquelle a déjà pris un considérable
ascendant dans l'histoire de notre société? Un
internaute de chez nous a fait récemment une remarque des plus pertinentes. Les
nombreux amis «virtuels» qui commentent d'habitude les posts
qu'il met sur son profil «Facebook» préfèrent davantage les photos aux écrits.
Ainsi ce dernier aurait-il constaté, la mort dans l'âme, que ses publications
sont peu «likées», peu suivies et très peu
commentées. Frustration et indignation s'ensuivirent. N'ayant pas pu digérer sa
curiosité latente et une certaine inquiétude quant à l'avenir de la
lecture-écriture face à cette culture envahissante du virtuel, il s'est posé
alors à juste raison cette question : »Pourquoi lit-on de moins en moins en
Algérie?». Complexe et profond, le problème tient à plusieurs facteurs.
D'abord, l'éducation dans le cercle familial. Combien y a-t-il par exemple de
parents qui offrent des cadeaux-livres à leurs enfants?
Et puis, un de mes amis s'est indigné dernièrement de façon ironique du fait
que des grandes armoires en forme de bibliothèques sont dédiées par la plupart
des foyers algériens à la préservation des ustensiles de cuisine au lieu de
servir pour des livres! Ensuite, l'éducation à l'école
ne donne pas trop d'importance à la lecture, aux activités de l'esprit et aux
arts en général. Enfin, la rareté des bibliothèques municipales et de proximité
a creusé un énorme vide dans les mentalités. L'oisiveté et le spleen ont chassé
toute envie de connaissance et de découverte. C'est pourquoi, dans nos
bibliothèques universitaires, continue l'ami en souriant, on entend les
étudiants «tchatcher» et parler fort mais lire moins!
Sans doute, loin d'être une question d'habitude, c'est le malaise politique
endogène dont on souffre qui se répercute fatalement sur tous les aspects de
notre vie. L'Algérien est, hélas, moins friand de la lecture, même par rapport
à ses voisins maghrébins.