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Des pêches et des coings
par Hamid Dahmani
Les
gens sont pleins d'énergie et d'idées au milieu de cette époque mi-pêche mi-coing. Ils ont la
pêche. Ils aiment dialoguer et papoter, pour passer le temps et s'exprimer sur
les déboires de la vie. On converse partout, du petit matin à la tombée de la
nuit pour occuper son temps à prêcher dans le désert. Partout dans les cafés,
dans la rue, sur les bancs publics, on cause sur les sujets politiques qui font
le grand débat dans le présent. Pour palabrer, on choisit ses amis et la bonne
compagnie pour échanger les vues et les penchants. De nos jours, les pêches et
les coings ne sont pas mis dans le même panier. L'expression qui les vante va
bon train, et ne va pas par quatre chemins pour énoncer clairement «Rouh chouf ziyek
!» (Va voir tes semblables), ou bien «Elhadra m'aa el khoukh, ama
s'fendjer khenek ! ». (La
discussion est avec les pêches, car les coings sont étouffants), disent les
grands messieurs qui apprécient la pertinence. Un proverbe au goût des fruits
de saisons pour mettre l'accent sur la préférence. Une formule qui fait la part
des choses et qui remet en place certains individus impertinents. La pêche a du
succès. C'est un fruit attirant et très apprécié pour son délice. Il est
savoureux et plein de douceurs, de senteurs et rempli de pur jus. La pêche
passe facilement et agréablement dans le palais et le gosier. Tandis que le
coing a la chair dure et granuleuse quand on le consomme cru. Et il provoque
une sensation d'assèchement de la bouche quant on le
mâche. Deux fruits opposés dans un proverbe pour une bonne morale. C'est vrai
que converser avec des gens sages et intelligents est un instant mielleux comme
le goût de la pêche, contrairement aux débits de paroles des insuffisants et
des passables, aplaties comme de la gelée de coings. J'écoute attentivement mon
pote le financier quand il cause avec pertinence sur la mauvaise gouvernance et
les scandales sur l'argent public détourné et distribué aux tire-au-flanc. Et
je boude mon voisin le naïf quand il me parle de sa page facebook
et des vidéos partagées sur le football et les talentueux joueurs étrangers qui
amassent des milliards. Il me rappelle l'expression qui lui va si bien, « être
bourré comme un coing ». Dans ses moments de vie
politique unique et inique, on se fend la pêche, sur le fonctionnement ridicule
des rouages du pays. Le discours est devenu indigeste comme les coings qui ne
sont pas bio. Les arbres du cognassier ont envahi le territoire. Et les
délicieuses pêches ont disparu des étals. Le coing est le fruit résistant du
cognassier qui a pris le relais pour remplacer la pêche. Les coings ne sont pas
très conseillés pour les manger crus. Les coings ne font pas bonne recette. Ils
sont affectionnés uniquement pour faire de la marmelade. Dans le présent, il y
a des gens délicieux qu'on envie comme des pêches quand ils communiquent, alors
que d'autres, coriaces, nous irritent avec leurs caractères insupportables de
petits prétentieux.
Untel
«h'lou kima el khoukh, ou sahbou bassel kima s'fendjer
fel foum». Les discours
ennuyeux et les discussions lassantes sont comparés et assimilés au goût et à
la saveur du repoussant coing. Lorsque l'on ne veut pas répondre à la
provocation et la polémique verbale, les plus sages disent que «el hadra maa el khoukh, ama s'fendjer khanek»,
pour signifier par cette réflexion que le débat est perdu d'avance avec les
titulaires de la langue de bois et des médiocres. Les pêches font le bon
dessert de la table. Quant aux coings, on est assuré de rester sur notre faim,
parce qu'il n'y a pas de baraka.
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