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Vision faible, navigation à vue
par Ahmed Farrah
Les populations à travers le monde se désintéressent de plus
en plus de la gestion des affaires politiques de leurs pays et ressentent une
impuissance générale qui les angoisse. La désillusion est si grande qu'ils se
soumettent à la fatalité, à la résignation et à l'attente des jours meilleurs.
Ils rejettent complètement leurs gouvernants et la classe politique pour leur
incapacité d'améliorer leur quotidien. Ils trouvent que leurs dirigeants ne
mesurent pas le désarroi dans lequel ils se trouvent et qu'ils sont incapables
de prendre les décisions pour faire face à des situations souvent dramatiques,
comme le chômage et la protection sociale des laissés pour compte. Les discours
politiques ne sont plus porteurs, sont souvent populistes, démagogiques et
vides de tout sens.
Cette rage contre les politiques n'est pas seulement
dirigée contre les gouvernants, mais aussi contre l'opposition qui n'est pas
prise au sérieux, pour sa posture incompréhensible et son projet qui ne cadre
pas avec sa capacité à le mettre en phase avec les espérances des citoyens. Que
des promesses irréalisables, miroités et que des mots vides qui sonnent creux.
Au lieu d'induire des actions réelles qui rendent au peuple son estime de soi
et sa fierté pour son pays, les décideurs ouvrent la vanne et gaspillent les
ressources, dans des politiques de soutien non sensés, inefficaces et sans
résultats à moyen terme et ruineux à long terme. A cet instant précis, la
vision reste floue, les idées manquent et aucun sens de direction n'est
clairement indiqué, c'est le calme plat, personne ne se soucie de quoi sera
fait demain. Pour ceux qui la lune n'est pas au bout du doigt, les initiés, les
conscients et les clairvoyants savent qu'à cette vitesse de rotation, la
centrifugation risque de les projeter sûrement hors de la trajectoire. Quand
les voisins captent les investissements étrangers par milliards de dollars,
l'Algérie des gloutons a peur de la disette et s'achemine vers les privations. Comment
évoquer aujourd'hui les bons de consommations dans un pays qui a eu
suffisamment de stabilité politique et sociale pour se doter d'une économie
créatrice de richesse ? Que du gâchis et des dilapidations, quand à côté, sans
pétrole ni gaz, ils réussissent à financer leur autoroute par un consortium
étranger, créent des zones franches, qui attirent les grands constructeurs
d'automobiles et les grands équipementiers qui génèrent de centaines de
sous-traitants locaux avec une incidence positive sur la création d'emplois
directs et indirects. Le Maroc s'industrialise et prend la pole position des
pays africains dans la production d'automobiles. L'Algérie reste cet
importateur de quincaillerie et de camelote qui n'arrive même pas à produire le
contenu de l'assiette de ses « citoyens ». Pourquoi cette crainte des étrangers
à l'égard d'un pays qui concentre tous les atouts qui font de lui un pays
attractif et attrayant : situation géostratégique, énergie bon marché, coût de
main-d'œuvre compétitif?? L'Algérie ne s'est pas adaptée à l'économie moderne,
elle est restée figée au temps du dirigisme et de la centralisation de la
décision, elle est devenue le pays des invraisemblances où les poubelles se
rassasient de pain jeté là où viennent manger les démunis, le pays où 1 litre
de gas-oil est moins cher qu'une bouteille d'eau minérale, le pays qui a
construit des «universités » dans chaque coin perdu, véritables fabriques de
bataillons de chômeurs, un pays qui néglige les métiers de l'avenir: le
numérique et le développement durable, un pays qui ignore sa souveraineté
numérique?etc. L'Algérie est malade de ses hommes qui n'ont pas su la doter de
mécanismes de performance économiques. Avoir un projet de société pour un État
est la seule façon de le pérenniser, de garder sa souveraineté et de donner
l'égalité des chances aux citoyens qui le composent. La justice sociale et la
cohésion sociale donnent plus de crédibilité à cet État et de la légitimité à
ses gouvernants, s'ils sont librement choisis. Un projet de société fiable
n'est pas la copie conforme d'une autre expérience importée d'ailleurs, ni
concocté dans des cabinets d'expertise et livré clé en main. A chaque État ses
spécificités historiques, sociales, culturelles et sa position géostratégique
qui le caractérisent. Mais si l'avenir des populations reste attaché derrière
eux et si leur destin se fait sans eux, la suite fera le lit aux crues
dévastatrices du fleuve qui coule en Mésopotamie.
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