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Affaire du gaz de schiste : il y faut un Président !

par Kamel Daoud

Scènes à la « Mad Max » sur les vidéos du Net à propos de ce qui se passe à In Salah. Affrontements, jeeps de gendarmes, fuites, affolements, etc. C'est les anti-gaz de schiste contre gaz lacrymogène. Tout est parti d'un refus, par certains que l'on creuse sous leurs pieds le pays pour vendre du gaz de schiste. Selon les infirmations, les protestataires ont tenté d'encercler une base où étaient logés des Américains exploitants. Le détail est confus. D'ailleurs comme l'affaire de ce gaz. Sans moyens de comprendre, le Nord reste sur le flou : on ne sait pas qui a raison ou qui a tort, alors, on mâche et on zappe. Certains ont cherché à comprendre mais ils ne sont pas le peuple dans sa majorité. L'affaire reste mal expliquée. On peut être pour, contre ou ailleurs, l'essentiel est cependant sous les yeux : cette affaire révèle surtout que ce pays est une maison sans maître. On a envoyé au Sud un DGSN (sic !), quelques ministres, des notables mais cela n'a pas suffi pour masquer ce qui crève les yeux : il manque un président. Dans un pays avec des jambes, des bras et du bon sens, c'est là l'affaire d'un président actif qui peut aller au Sud expliquer au gens que l'on n'a pas le choix, que l'on doit manger nos entrailles, que c'est dicté ou pas ou que c'est comme ça et que celui qui n'est pas d'accord n'a qu'à s'exiler au Sahel ou en Arabie ou au pôle Sud. Ce n'est pas notre cas : le Président est absent et ne peut rien dire au Sud même avec les meilleurs amplificateurs de voix possible. La crise s'aggrave et prend l'esthétique d'un apartheid et d'une milice de colons contre des manifestants réclamant la liberté ou la dignité ou la souveraineté ou le respect. Les images sur les affrontements à In Salah sont insultantes, tristes, provoquent l'indignation et la colère : ces gens sont déjà nus et voilà qu'on les traite comme des indiens vaincus. Ces images provoquent le malaise de notre culture anticoloniale et convoquent d'anciennes détestations pour tout ce qui est autorité. C'est immoral de traiter cette affaire avec les manières d'un Palais qui ne veut pas déranger sa propre sieste.

L'affaire du Sud est l'affaire d'un Président fort, pas de son équipe ou de ses envoyés en SMS. Quand l'heure est grave, c'est un Président qui parle, pas un coursier. Laisser In Salah et ce dossier à quelques gendarmes dépassés ou inhabiles et agités amateurs de rodéo est un amateurisme dangereux. La maison Algérie n'est pas une réserve, mais un pays. Ces images sont insultantes et cette manière de s'y prendre en criminalisant ceux qui disent non, sera retenue par l'histoire de notre pays comme un crime.