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«Allah yerhamou» !

par El-Houari Dilmi

« L'âge de la mort est très relatif; il y a des gens qui se sont laissé mourir à 30 ans et qui ont été enterrés à 80 », susurrait, sur un ton mi-blasé, mi-amusé, un ami à l'oreille du chroniqueur ; alors que nous assistions, tous les deux, à l'enterrement d'un ami commun. Mais que faire en attendant le grand voyage ? Attendre que le pays récupère de ses joies castrées et de son destin détourné ? Se résoudre à croire en l'idée fumeuse de dissoudre le beylik, du dernier étage du palais Zighout Youcef jusqu'au rez-de-chaussée de la commune d'Aïn Machin, pour espérer guérir le pays de la vacuité de ses mots et la douleur de tous ses maux ? L'idée, servie en boucle, depuis quelque temps, déjà, constituerait-elle la recette-miracle pour la race des hommes-chameaux qui se gausseraient de la bosse des autres, tout en fixant d'un regard, comme béatifié, la bosse ramollie, portée sur leur propre dos ? Ou alors se forcer à sourire jaune rien qu'à écouter ceux, en charge du garde-manger national, qui jurent, par tous les dieux, qu'il n'y aura pas le feu, même si tous les pompiers du pays seront mis? en congé forcé ? Se distraire à amplifier cette histoire, racontée jusqu'au fou-rire, parlant de cette enseignante qui aurait répondu à une question de l'un de ses potaches : «le Niger est le nom, en français, du Nigéria !». Rien que ça ! Oui, mais où fixer nos yeux exorbités là où il n'y a plus rien à voir ? Zoomer sur le pays qui survit, les idées croisées et le corps rabougri, à une vie si délavée, revient à nourrir un cadavre refroidi avec un jus de banane-pamplemousse ou condamner un pied-bot à une course olympique de demi-fond. Mais, comme seriné à l'oreille du chroniqueur (par un quidam qui se dit diplômé ès sciences transitoires (!), ressemblant à un animal de légende avec une gueule géante, ouverte aux quatre vents, le pays veut gagner le pari fou de vivre en position assise, en laissant simplement ses mains, bien au chaud, dans des poches pleines aux as ! En face, le peuple des petites gens, en voulant bâtir sa maison du bonheur, passa toute sa vie dans la salle d'attente? à attendre que son pain change de goût et son eau bénite de couleur?Arriva, enfin, le jour, sans lumière, de la vérité, où le peuple des «carémeux» se rendit compte que creuser un trou dans la terre pour y puiser un grain miteux valait toujours mieux que risquer sa peau trouée à aller chercher un trésor abandonné ; dans le ventre plat d'un squale affamé. C'est un peu l'histoire de cette vraie-fausse fable qui raconte l'aventure de cet homme qui vécut, en vase clos, pendant un lustre, dans sa chambre, en recevant sa pitance par un petit trou creusé dans le mur. L'homme mangea l?équivalent de la terre en nourriture et prit tellement de poids qu'il ne put sortir son corps engrossé par la petite porte de sa chambre, sentant le renfermé. On découpa alors sa grosse carcasse en petites rondelles qu'on inhuma, sous forme de poudre d'intelligence dans un puits abandonné après avoir été squatté par des bestioles géantes?