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Métempsycose

par El Yazid Dib

La métempsycose «est le passage, le transvasement d'une âme dans un autre corps qu'elle va animer». Il faut croire en elle en termes de dématérialisation pour les êtres, les choses et les fonctions. La métempsycose est donc un recyclage, un rappel. D'esprit, d'âme, peu importe le corps. Comme une Boukala, elle s'empêtre dans les amours lunaires, le long des étés pourris. L'été, une saison longue comme sont longs ses soucis, résiste et s'empêche de se retirer. A voir cet été qui chevauche sur un automne tardif est un signe de mauvaise année. La kyrielle des dégoûts que ronronnent les foules meurtries par le souci d'un toit qu'elles ne verront que lorsque le faux plafond qui les quasi-abrite s'écroule, devient une récitation apprise par cœur et psalmodiée à cœur ouvert. Rabi youstor !

Le soleil, en inondant le monde, fait que les parasols l'éclipsant se dénoueront du fait que personne n'est censé savoir en quelle direction le prochain vent agitera sa girouette. Il y en aura un temps meilleur pour tous, tel qu'il le fut pour le pire. Et vice versa. On nous professe de jour en jour que rien n'est sacré, rien n'est définitif. Les démons désangilisés d'hier peuvent aisément vêtir le lendemain l'habit des archanges. Après les avoir diabolisés. Encore qu'il ne pourrait y avoir de stupéfaction quand on chuchote à grand bruit que les pestiférés d'une humeur peuvent être aussi ré-honorés par la même humeur. Le silence dans ces cas-là s'entend avec assourdissement. L'on croira en fait de la mort d'un nom qu'une fois sa dépouille, physiquement visible, alourdie par tant de condoléances et ayant subi l'attristement des plus proches, soit ensevelie, engloutie sous une masse de terre non urbanisable. Un moratoire de 40 jours est en plus nécessaire et conseillé pour parachever la conviction de la disparition, sinon le mystère du ciel brouillant les pistes serait capable d'exercer les vertus d'une résurrection. D'un appel ou d'une invite.

Entre les murs d'un bureau et une stèle tombale le chemin passe par l'inhumation des autres. Des survivants. Après moi les obsèques.

Dans la diversité plurielle du chapelet des incuries, la politique est à la fois présente en filigrane à toutes les sauces quotidiennes et constitue la cause majeure de tous les déboires citadins et ruraux, d'en haut et d'ici-bas. Chez le simple citoyen, la citoyenneté est en parfait accord avec le principe qui consiste à soumettre tous les désirs intimes au seul désir national. La paix et la liberté. Bien qu'au départ l'individu ait adopté, la résignation fatidique face aux aléas de la vie, il s'est longtemps essayé à se redéfinir telle une entité qui n'a pas uniquement des bouches à remplir, des paupières à s'entrelacer ou des plaisirs à assouvir. Il s'efforce de comprendre le mythe, il tombe sur des hallucinations. Il est là, pourtant voulant redevenir justement une pièce essentielle dans la monographie nationale. Gémir affaiblit la réaction et approfondit l'irréflexion. Reste cette métempsycose qui s'élève maintenant tel un grand salut public. Tout le monde y a foi et tout le monde exclu y attend. Mais parfois tant pis que tant mieux l'on croit aux miracles de la cour qu'à la cour des miracles.